Il y a vingt ans, le 24 mars 1999, treize Ătats membres de lâOrganisation du traitĂ© de lâAtlantique nord OTAN, dont les Ătats-Unis, la France et lâAllemagne, bombardaient la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale de Yougoslavie. Cette guerre dura soixante-dix-huit jours et se nourrit de bobards mĂ©diatiques destinĂ©s Ă aligner lâopinion des populations occidentales sur celle des Ă©tats-majors. Les Serbes commettent un gĂ©nocide », jouent au football avec des tĂȘtes coupĂ©es, dĂ©pĂšcent des cadavres, arrachent les fĆtus des femmes enceintes tuĂ©es et les font griller », prĂ©tendit le ministre de la dĂ©fense allemand, le social-dĂ©mocrate Rudolf Scharping, dont les propos furent repris par les mĂ©dias ; ils ont tuĂ© de 100 000 Ă 500 000 personnes » TF1, 20 avril 1999, incinĂ©rĂ© leurs victimes dans des fourneaux, du genre de ceux utilisĂ©s Ă Auschwitz » The Daily Mirror, 7 juillet. Une Ă une, ces fausses informations seront taillĂ©es en piĂšces â mais aprĂšs la fin du conflit â, notamment par lâenquĂȘte du journaliste amĂ©ricain Daniel Pearl The Wall Street Journal, 31 dĂ©cembre 1999. Tout comme se dĂ©gonflera lâune des plus retentissantes manipulations de la fin du XXe siĂšcle le plan Potkova fer Ă cheval », un document censĂ© prouver que les Serbes avaient programmĂ© lâ Ă©puration ethnique » du Kosovo. Sa diffusion par lâAllemagne, en avril 1999, servit de prĂ©texte Ă lâintensification des bombardements. Loin dâĂȘtre des internautes paranoĂŻaques, les principaux dĂ©sinformateurs furent les gouvernements occidentaux, lâOTAN ainsi que les organes de presse les plus respectĂ©s 1. Parmi eux, Le Monde, un quotidien dont les prises de position Ă©ditoriales servent alors de rĂ©fĂ©rence au reste de la galaxie mĂ©diatique française. Sa rĂ©daction, dirigĂ©e par Edwy Plenel, admet avoir fait le choix de lâintervention 2 ». En premiĂšre page de lâĂ©dition du 8 avril 1999, un article de Daniel Vernet annonce Ce plan âFer Ă chevalâ qui programmait la dĂ©portation des Kosovars ». Le journaliste reprend les informations dĂ©voilĂ©es la veille par le ministre des affaires Ă©trangĂšres allemand, lâĂ©cologiste Joschka Fischer. Ce plan du gouvernement de Belgrade dĂ©taillant la politique de nettoyage ethnique appliquĂ©e au Kosovo ⊠porte le nom de code de plan âFer Ă chevalâ, sans doute pour symboliser la prise en tenaille des populations albanaises », Ă©crit Vernet, pour qui la chose paraĂźt faire peu de doutes ». Deux jours plus tard, le quotidien rĂ©cidive sur toute la largeur de sa une » Comment [Slobodan] MiloĆĄeviÄ a prĂ©parĂ© lâĂ©puration ethnique ». Le plan serbe âPotkovaâ programmait lâexode forcĂ© des Kosovars dĂšs octobre 1998. Il a continuĂ© dâĂȘtre appliquĂ© pendant les nĂ©gociations de Rambouillet. » Le Monde Ă©voque un document dâorigine militaire serbe » et reprend Ă nouveau les allĂ©gations des officiels allemands, au point de reproduire lâintĂ©gralitĂ© dâune note de synthĂšse â ce quâon appellerait aujourdâhui les Ă©lĂ©ments de langage » â distribuĂ©e aux journalistes par lâinspecteur gĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e allemande. Berlin entend alors justifier auprĂšs dâune opinion plutĂŽt pacifiste la premiĂšre guerre menĂ©e par la Bundeswehr depuis 1945, de surcroĂźt contre un pays occupĂ© cinquante ans plus tĂŽt par la Wehrmacht. Or ce plan est un faux il nâĂ©mane pas des autoritĂ©s serbes, mais a Ă©tĂ© fabriquĂ© Ă partir dâĂ©lĂ©ments compilĂ©s par les services secrets bulgares, puis transmis aux Allemands par ce pays, qui fait alors du zĂšle pour rentrer dans lâOTAN. Le pot aux roses sera rĂ©vĂ©lĂ© le 10 janvier 2000 par lâhebdomadaire Der Spiegel et confirmĂ© douze ans plus tard par lâancienne ministre des affaires Ă©trangĂšres bulgare. A posteriori, le document aurait dĂ» inspirer dâautant plus de mĂ©fiance que fer Ă cheval » se dit potkovica en serbe, et non potkova, ainsi que le remarqua dĂšs le 15 avril 1999 le dĂ©putĂ© allemand Gregor Gysi devant le Bundestag. En mars 2000, le gĂ©nĂ©ral de brigade allemand Heinz Loquai exprime dans un livre ses doutes sur lâexistence dâun tel document » ; son enquĂȘte oblige M. Scharping Ă admettre quâil ne dispose pas dâune copie du plan » original. Au mĂȘme moment, le porte-parole du Tribunal pĂ©nal international pour lâex-Yougoslavie qualifie les Ă©lĂ©ments du prĂ©tendu plan de matĂ©riel peu probant » Hamburger Abendblatt, 24 mars 2000 ; et la procureure Carla Del Ponte nây fera mĂȘme pas rĂ©fĂ©rence dans lâacte dâaccusation de MiloĆĄeviÄ en 1999 puis en 2001. La guerre, avait expliquĂ© Plenel peu aprĂšs le dĂ©but des bombardements, câest le dĂ©fi le plus fou pour le journalisme. Câest lĂ quâil prouve ou non sa crĂ©dibilitĂ©, sa fiabilitĂ© 3. » Lâinvestigateur nâest jamais revenu sur ce grand Ă©cart avec lâamour des petits faits vrais » quâil proclame dans son livre pamphlet en faveur de lâintervention de lâOTAN 4. Le Monde Ă©voquera Ă nouveau le faux, mais comme sâil lâavait toujours considĂ©rĂ© avec prudence âFer Ă chevalâ reste un document fort controversĂ©, dont la validitĂ© nâa jamais Ă©tĂ© prouvĂ©e » 16 fĂ©vrier 2002. SpĂ©cialistes des Balkans, les journalistes Jean-Arnault DĂ©rens et Laurent Geslin qualifient pour leur part le plan Potkova dâ archĂ©type des fake news diffusĂ©es par les armĂ©es occidentales, repris par tous les grands journaux europĂ©ens 5 ». La cĂ©lĂ©bration dâun anniversaire nâaurait pas justifiĂ© Ă elle seule quâon revienne sur cette affaire. Mais certaines de ses consĂ©quences pĂšsent encore sur la vie internationale. Pour ce qui fut sa premiĂšre guerre depuis sa naissance en 1949, lâOTAN choisit dâattaquer un Ătat qui nâavait menacĂ© aucun de ses membres. Elle prĂ©texta un motif humanitaire et agit sans mandat des Nations unies. Un tel prĂ©cĂ©dent servit les Ătats-Unis en 2003 au moment de leur invasion de lâIrak, lĂ encore aidĂ©e par une campagne de dĂ©sinformation massive. Quelques annĂ©es plus tard, la proclamation par le Kosovo de son indĂ©pendance, en fĂ©vrier 2008, mettrait Ă mal le principe de lâintangibilitĂ© des frontiĂšres. Et la Russie se fonderait sur cette indĂ©pendance lorsque, en aoĂ»t 2008, elle reconnaĂźtrait celles de lâAbkhazie et de lâOssĂ©tie du Sud, deux territoires qui sâĂ©taient dĂ©tachĂ©s de la GĂ©orgie. Puis en mars 2014 quand elle annexerait la CrimĂ©e. La guerre du Kosovo ayant Ă©tĂ© conduite par une majoritĂ© de gouvernements de gauche », et appuyĂ©e par la plupart des partis conservateurs, nul nâavait intĂ©rĂȘt Ă ce quâon revienne sur les falsifications officielles. Et on comprend sans peine que les journalistes les plus obsĂ©dĂ©s par la question des fake news prĂ©fĂšrent eux aussi regarder ailleurs. 1 Cf. Serge Halimi, Henri Maler, Mathias Reymond et Dominique Vidal, Lâopinion, ça se travaille⊠Les mĂ©dias, les guerres justes » et les justes causes », Agone, Marseille, 2014.2 Pierre Georges, directeur adjoint de la rĂ©daction du Monde, entretien accordĂ© Ă Marianne, Paris, 12 avril 1999.3 CitĂ© dans Daniel Junqua, La Lettre, n° 32, Paris, avril 1999, et reproduit sur novembre 2000.4 Edwy Plenel, LâĂpreuve, Stock, Paris, 1999.5 La Revue du crieur, n° 12, Paris, fĂ©vrier 2019.Iln'y a pas de raison pour qu'on n'ait pas l'ambition d'ĂȘtre dans le Top 8 ou le Top 6. Ce qui est sĂ»r, c'est qu'on regarde vers le haut. C'est une Ă©vidence ! Ce qui est sĂ»r, c'est qu'on Ă la fin de lâAntiquitĂ© et au dĂ©but du Moyen Ăge, les Bretons immigrent en Armorique avec leurs structures sociales, leur langue et leurs religieux. Ces derniers, venus en grande partie du pays de Galles, Ă©vangĂ©lisent la pĂ©ninsule. Leur culte, comme ceux de leurs disciples, reste trĂšs vivace en Bretagne et ailleurs, car nombre des saints bretons se firent aussi missionnaires. Câest ainsi le cas de saint Malo, lâun des sept saints fondateurs, qui partit un temps en Saintonge. Il y est toujours vĂ©nĂ©rĂ© sous le nom de Macoux ou de un Breton du cruEt qui sait que lâun des plus grands vignobles du monde porte aujourdâhui le nom dâun saint breton du haut Moyen Ăge ? Emilion est, en effet, nĂ© en Bretagne au VIIIe siĂšcle, sans doute dans le pays de Vannes il est aussi vĂ©nĂ©rĂ© Ă Loguivy-Plougras 22, commune traversĂ©e par une riviĂšre qui porte son nom et dont les grandes crues sont restĂ©es dans les mĂ©moiresâŠ. EngagĂ© comme intendant auprĂšs du comte de Vannes, il dĂ©tourne des vivres pour les donner aux pauvres. DĂ©couvert, il sâexile vers le sud, il se fait moine Ă Saulon, en Saintonge, puis devient ermite dans une forĂȘt au nord-ouest de Bordeaux. Il sâinstalle dans une grotte sur les coteaux dominant la y multiplie les miracles et sa notoriĂ©tĂ© grandit dans le pays. Ce qui attire des disciples. AprĂšs la mort dâEmilion, en 767, lâendroit devient un monastĂšre, avant de donner naissance Ă une agglomĂ©ration qui porte son nom. Son culte se dĂ©veloppe, parallĂšlement Ă la rĂ©putation des vignobles locaux, cultivĂ©s depuis lâĂ©poque romaine. Aujourdâhui, les vins de Saint-Ămilion sont mondialement connus, rendant internationalement cĂ©lĂšbre ce saint breton, considĂ©rĂ© tout naturellement comme le patron des nĂ©gociants en saints ont plutĂŽt migrĂ© vers le nord. Câest le cas de Judoc, qui installe un monastĂšre sur les rives de la Canche, dans lâactuel Pas-de-Calais. Son nom a mutĂ© en Josse et il a donnĂ© son nom Ă la ville de Saint-Josse-sur-Mer dans le pas de Calais et Saint-Josse-ten-Noode, en baladeusesAu IXe siĂšcle, les Vikings ravagent une partie de lâEurope occidentale, dont la Bretagne. Ils sâattaquent particuliĂšrement aux riches monastĂšres ou aux Ă©glises. Lâabbaye de LandĂ©vennec 29 est ainsi dĂ©truite en 913. Comme dans dâautres Ă©tablissements religieux, les moines ont prĂ©fĂ©rĂ© fuir, pour mettre Ă lâabri les reliques de leurs saints et leurs prĂ©cieux manuscrits. Cet exil, de quelques dĂ©cennies, explique la propagation du culte de certains saints bretons dans dâautres rĂ©gions moines de LandĂ©vennec sont ainsi accueillis dans la petite ville de Montreuil-sur-Mer, dans lâactuel Pas-de-Calais. Ils y fondent un monastĂšre en lâhonneur de saint GwennolĂ©, dont le nom sâest transformĂ© localement en saint Walloy. Ils y perpĂ©tuent leurs activitĂ©s de retranscription des textes sacrĂ©s. Deux Vies de saint GuĂ©nolĂ© sont ainsi conservĂ©es Ă Douai. Ces moines sont Ă©galement proches de lâAngleterre et du royaume saxon du Wessex, oĂč se sont rĂ©fugiĂ©s des nobles bretons qui prĂ©parent la reconquĂȘte contre les Vikings, ce que fera Alain Barbetorte en 936, devenant alors le premier duc de Bretagne. Une partie des reliques de saint GuĂ©nolĂ© sont restĂ©es Ă Montreuil jusquâĂ la reliques partent vers le nord, comme celles dâIdunet ou saint Diboan, vĂ©nĂ©rĂ© Ă ChĂąteaulin 29 et dans le Centre-Bretagne. Ces reliques auraient Ă©tĂ© transportĂ©es dans lâEure, Ă Port-Mort, oĂč il est cĂ©lĂ©brĂ© sous le nom dâEthbin ou Yben. La commune de Saint-Langis-lĂšs-Montagne, dans lâOrne, lui doit aussi son reliques de saint MĂ©en furent Ă©galement dĂ©mĂ©nagĂ©es prĂšs de Saumur, lors des invasions vikings. Ce dernier est Ă©galement honorĂ© dans lâAveyron oĂč il a donnĂ© son nom au village de Saint-MĂ©en-le-Couffeleux aujourdâhui Peux-et-Couffeleux, mais son culte serait liĂ© Ă un voyage quâil aurait fait Ă RomeâŠManuscrits bretons en Angleterre et Ă New YorkCette migration des moines bretons du Xe siĂšcle nâa pas Ă©tĂ© sans consĂ©quences. Leurs abbĂ©s ont continuĂ© Ă jouer un rĂŽle politique, visitant les nobles francs ou saxons qui les avaient pris sous leur protection. Pour les remercier, ils leur ont offert de prĂ©cieux manuscrits, Ă©crits en Bretagne ou dans le Nord de la France. Câest ainsi que plusieurs des Ă©vangĂ©liaires de LandĂ©vennec se trouvent aujourdâhui en Angleterre, notamment Ă la British Librairy de Londres et Ă Oxford. Lâun des plus beaux exemplaires a Ă©tĂ© donnĂ© par un privĂ© Ă la Public Librairy de New York. Autant de traces fort lointaines de lâinfluence intellectuelle des Bretons du haut Moyen Ăge. Indochine mandarins et explorateurs RĂ©servĂ© aux abonnĂ©s Caramba ! Des Bretons au Mexique⊠RĂ©servĂ© aux abonnĂ©s Les Saintes, le pent-ti punch⊠RĂ©servĂ© aux abonnĂ©s Johnnies des Bretons aux petits oignons RĂ©servĂ© aux abonnĂ©s Irlande des Bretons qui ne manquent pas dâEire ! RĂ©servĂ© aux abonnĂ©s
Le trait est dâune dĂ©licatesse de dentelle, parfois relevĂ© dâune touche dâaquarelle vaporeuse. La matiĂšre de ces dessins semble puisĂ©e Ă mĂȘme les nuages qui passent, les merveilleux nuages. On y voit des nuĂ©es dâenfants turbulents, de grands envols de feuilles mortes, la sĂ©vĂšre verticalitĂ© des villes, de vastes ondulations vĂ©gĂ©tales, de tout petits bourgeois qui se rĂȘvent en grands fauves, de vastes boulevards que la pluie dĂ©trempe, des avenues new-yorkaises profondes comme des canyons infestĂ©s de fourmis⊠Câest, reconnaissable entre tous, lâunivers de SempĂ©. Durant plus de 60 ans, le dessinateur a traduit les petits riens de la vie en vertiges mĂ©taphysiques et, inversement, ramenĂ© les grandes questions existentielles Ă leur dĂ©risoire dimension humaine. Lâhumour jaillit du choc thermique entre lâimmense et le minuscule, le sublime et le ridicule. Il est toujours tendre, car si SempĂ© avait lâart dâĂ©pingler les travers des gens, jamais il ne jugeait ni ne condamnait ces peintres du dimanche qui se prennent pour Van Gogh ou ces pĂȘcheurs en riviĂšre qui pensent Ă Moby Dick. Il a créé un personnage de petit bonhomme rondouillard avec chapeau et moustache Ă qui, peu ou prou, nous ressemblons tous moralement. A propos d'inĂ©dits du Petit Nicolas» SempĂ©, le trait juste Gamin chahuteur Jean-Jacques SempĂ© est dĂ©cĂ©dĂ© jeudi 11 aoĂ»t dans sa rĂ©sidence de campagne. En 2019, Le Temps l'avait rencontrĂ© dans son atelier parisien. Le Petit Nicolas, personnage quâil avait créé avec RenĂ© Goscinny, fĂȘtait ses 60 ans. Et Raoul Taburin, un livre quâil avait Ă©crit et dessinĂ©, Ă©tait adaptĂ© au cinĂ©ma avec BenoĂźt Poelvoorde dans le rĂŽle principal. SituĂ© au septiĂšme Ă©tage dâun majestueux immeuble du boulevard du Montparnasse, son vaste atelier sâouvre sur les toits de Paris. Au loin, on aperçoit Notre-Dame, que le dessinateur a vu brĂ»ler lâavant-veille CâĂ©tait effroyable, effroyable. On nâavait jamais pensĂ© quâune pareille catastrophe puisse arriver»⊠Au fond de la piĂšce, on trouve un piano, un canapĂ©, une tĂ©lĂ© et une table devant un mur couvert de dessins. Câest le musĂ©e intime de SempĂ©, son mur du souvenir oĂč il accroche les Ćuvres de ses maĂźtres et amis, Saul Steinberg, Savignac, Abe Birnbaum, Koren, Chaval, Bosc⊠Lire Ă©galement cinĂ©ma Une jolie balade Ă taburin Jean-Jacques SempĂ© a 86 ans. Affaibli par un AVC qui lui interdit de faire du vĂ©lo Je suis vexé», grommelle-t-il, il se dĂ©place avec difficultĂ© et tousse Ă en perdre le souffle quand il tire goulĂ»ment sur sa vapoteuse Ridicule! Câest ridicule. Mais enfin, on a lâimpression de faire un effortâŠÂ». LâĆil dâun bleu vif a toutefois conservĂ© la vivacitĂ© de lâenfance. Sous lâapparence de lâhomme ĂągĂ© brĂ»le lâancienne fougue du gamin chahuteur quâil Ă©tait tandis quâune exquise politesse Ă lâancienne nuance la truculence du sud-ouest. Avez-vous vu Raoul Taburin», le film tirĂ© de votre livre? Oui, deux fois. Je lâaime bien. Câest une bonne adaptation. Jâaime beaucoup les comĂ©diens, Poelvoorde et Edouard Baer, que je croise depuis longtemps Ă Saint-Germain-des-PrĂ©s. Je suis ravi quâils jouent lĂ -dedans. Et les films tirĂ©s du Petit Nicolas»? Je ne les aime pas beaucoup. Jâavais toujours prĂ©tendu quâon ne pouvait pas faire Le Petit Nicolas» au cinĂ©ma. Mais la fille de Goscinny y tenait absolument. Alors, bon, jâai laissĂ© faire. Câest la fille de mon copain. Notre critique sĂ©vĂšre de l'un des films Les vacances du Petit Nicolas Raoul Taburin», mais aussi M. Lambert» ou Marcellin Caillou»⊠A cĂŽtĂ© des recueils de dessins, vous avez publiĂ© plusieurs rĂ©cits illustrĂ©s. Vous ressentez le besoin de raconter des histoires? Oui. Jâai toujours aimĂ© faire les deux, raconter des histoires et faire des dessins. Le plus difficile Ă©tant de dessiner. Ah, oui! Et de loin⊠Le dessin ne coule pas de source. Non, non, non, câest du boulot. Un jour, le brave Jean-SĂ©bastien Bach a dĂ©clarĂ© Quiconque travaillera autant que moi fera aussi bien.» Câest faux. Je peux vous assurer que jâai travaillĂ© autant que lui, mais mes dessins nâont pas la qualitĂ© de sa musique. Oui, mais les dessins de Bach nâauraient peut-ĂȘtre pas eu la qualitĂ© des vĂŽtres⊠Ha, ha, ha! Je lui aurais bien demandĂ© de faire lâĂ©change. Vous avez travaillĂ© avec des Ă©crivains, Patrick SĂŒskind pour Lâhistoire de Monsieur Sommer» et Patrick Modiano pour Catherine Certitude». Comment se passent ces collaborations? Avec SĂŒskind, câest trĂšs simple il travaillait dans son coin, on se voyait et voilĂ . Avec Modiano, rien nâest jamais simple. On se connaissait depuis longtemps et sa femme, chaque fois quâon se rencontrait, tournait autour de nous, en disant Mais pourquoi vous ne faites pas quelque chose ensemble?» Un jour, je les vois, rue de lâUniversitĂ©, venir de trĂšs loin. Alors je rĂ©flĂ©chis un moment et quand ils arrivent Ă ma hauteur, je dis Ă Patrick Alors, voilĂ câest une petite fille myope et danseuse. Sa mĂšre est partie Ă New York. Elle est Ă©levĂ©e par son pĂšre et va le rejoindre. Tu te dĂ©brouilles avec ça.» Câest ce qui sâest passĂ©. Etablissez-vous une hiĂ©rarchie entre les diffĂ©rents arts, le dessin, lâĂ©criture, la peinture, la musiqueâŠ? Ecoutez, il y a des gĂ©nies partout. Jâai eu la chance dâen connaĂźtre quelques-uns⊠Regardez ma petite collection Savignac, le gĂ©nie de lâaffiche, Steinberg, le gĂ©nie du dessin humoristique, Abe Birnbaum, qui a fait quantitĂ© de couvertures pour le New Yorker, et Chaval, et Bosc⊠Tous ces gens mâĂ©blouissent Beaucoup de vos amis sont morts. Y a-t-il une mĂ©lancolie chez vous? Une mĂ©lancolie⊠Quand ils meurent, je suis forcĂ©ment triste. Mais comme je pense Ă eux tous les jours⊠Je vis avec eux, en permanence. Câest bizarre comme on peut vivre avec des gens tout le temps sans que ça vous prenne beaucoup de temps⊠Ils sont un peu comme des fantĂŽmes? Ce ne sont pas des fantĂŽmes, mais des lĂ©gendes pour moi. Comme Louis XIV. Ils sont importants. La bande dessinĂ©e ne vous a jamais attirĂ©. Pourquoi? Je nâaime pas ça. Je nâaime pas les petites cases. Il faut quâil y ait de lâespace autour. Jâai essayĂ© dâen faire, 28 planches du Petit Nicolas» quand jâĂ©tais tout jeune. Je suis nul. Lire Ă©galement Le Petit Nicolas souffle 60 bougies Vous avez fait de la peinture? Moi? Non. Si, une fois, une toile. Jâai fait une gare avec des gens qui attendent le train sur le quai. Le train nâest jamais arrivĂ©, ils sont toujours lĂ . Câest la seule peinture Ă lâhuile que jâaie jamais faite. Je ne sais plus oĂč elle est. Peut-ĂȘtre chez la galeriste Martine Gossieaux. Je la retrouverai un jour. Vous souvenez-vous dâun premier dessin que vous ayez fait, enfant? Mmm! Je prĂ©fĂ©rerais ne plus mâen souvenir. Oui, oui, je mâen souviens trĂšs bien. Ah, non! Je ne veux pas en parler! Il est tellement mauvais, câest une catastrophe. MĂȘme racontĂ©, il est accablant. Avez-vous senti trĂšs jeune le pouvoir du dessin? Ecoutez, mon cher, il est plus facile de trouver un crayon et du papier quâun piano. Alors, jâai fait des dessins, enfin essayĂ© de faire des dessins. Il fallait bien faire quelque chose. Jâai fait plein de petits boulots. Cela dit, je nâaurais jamais cru que je gagnerais ma vie en dessinant. Ăa a Ă©tĂ© une angoisse constante. Câest un mĂ©tier de fou⊠Si vous aviez trouvĂ© un piano, vous auriez pu devenir pianiste? LĂ , jâai le piano de la femme dâun copain. Elle me lâa donnĂ© lorsquâelle a arrĂȘtĂ©. Ce piano mâa poussĂ© Ă mentir une fois. Un jour mon copain Michel Legrand me rend visite. Il sortait de dialyse et il Ă©tait dans une forme formidable! Il se met au piano et joue avec une facilitĂ©, une dextĂ©ritĂ© effroyables. Le lendemain, je rencontre dans le hall de lâimmeuble le voisin du dessous, un homme charmant, qui me dit Je vous entends depuis des mois faire des exercices au piano, mais hier, câĂ©tait Ă©blouissant! Vous avez fait des progrĂšs incroyables!» Je lui ai dit que ce nâĂ©tait pas moi, mais Michel Legrand qui jouait! Jâai vu une telle dĂ©ception sur son visage que jâai rajoutĂ© Oui, mais je jouais avec lui!» Il Ă©tait heureux, mais jâavais menti⊠On dit quâun petit dessin vaut mieux quâun grand discours. Vous approuvez? Jâai connu de grands discours qui Ă©taient merveilleux et de petits dessins ridicules⊠Tout est vrai, tout est faux, vous savez. La politique ne vous inspire pas. Mais les recueils de dessins que vous avez publiĂ©s au dĂ©but des annĂ©es 1960, comme Rien nâest simple» ou Tout se complique», annoncent les bouleversements de Mai 68 en exprimant la complexitĂ© croissante du monde moderne⊠Oui. Jâai un peu catalysĂ©. CâĂ©tait dans lâair. Vos dessins racontent une pĂ©riode prĂ©cise, mais ils restent indĂ©modables, Ă©ternels⊠Câest assez amusant. Nous sommes diffĂ©rents des Chinois, mais Le Petit Nicolas a un succĂšs fou en Chine. Qui aurait cru ça il y a soixante ans? Comment expliquez-vous le succĂšs du Petit Nicolas»? Parce que câest du rĂȘve. Les enfants sây retrouvent, mĂȘme sâils nâont pas connu les bancs dâĂ©cole que jâai connus. Ils comprennent tout de suite lâambiance de lâĂ©cole, qui nâa pas trop changĂ©, sauf si ça devient violent. Le Petit Nicolas nâĂ©tait pas violent. Ils se battaient entre eux mais ne touchaient pas aux professeurs. Vos dessins et les textes de Goscinny sont indissociables. On Ă©tait trĂšs copains. Il faisait ses textes, je les recevais et je faisais des dessins. Pas trop, parce que câĂ©tait trĂšs cher Ă imprimer. Jâai parfois eu la possibilitĂ© dâen rajouter quelques-uns dans les livres. Quelles sont la part de lâobservation et la part de lâimagination dans votre Ćuvre? Lâobservation est pratiquement nulle. Je ne suis pas du tout observateur. Cela fait un certain temps que jâhabite ici, mais je suis incapable de vous citer les commerçants en bas de chez moi, mĂȘme si je les vois et que je leur parle. Mais je nâoublie pas les ambiances. Elles me marquent beaucoup. Jâai Ă©tĂ© Ă©bloui par New York comme par Paris en arrivant de Bordeaux. Vous travaillez sur documentation? Je devrais, mais je ne le fais jamais, ça mâennuie. Mon cher Duke Ellington, je lâai vu plusieurs fois en concert, mais je ne prends jamais une photo quand je le dessine. Un grand boulevard parisien dessinĂ© par SempĂ© est immĂ©diatement reconnaissable. Câest lâesprit de Paris. Seul un grand boulevard parisien dessinĂ© par SempĂ© est plus vrai quâun grand boulevard parisien⊠Vous ĂȘtes fort aimable. Ce que vous dites me fait trĂšs plaisir⊠Vous travaillez de façon instinctive? Câest surtout beaucoup de boulot. Je fais nâimporte quoi et je mâĂ©nerve et je suis furieux et je recommence et je suis en colĂšre et je dĂ©barque chez des amis de mauvaise humeur⊠A un moment, le trait juste arrive? A un moment, je dois rendre le dessin. Alors lĂ , je ne me pose plus de questions. Car si je recommence, je mets tout le monde dans lâembarras, lâimprimeur sâarrache les cheveux, le retard coĂ»te de lâargent Ă lâĂ©diteur, il mâen veut un peu forcĂ©ment. Je ne me suis jamais dit que jâĂ©tais content dâun dessin. Vos dessins font la part belle au blanc⊠Oui, jâaime ça. Mais regardez les dessins au mur, tout le blanc quâont laissĂ© les dessinateurs. Câest pour lâespace, car tout est confinĂ© dans nos vies. Vous arrive-t-il de travailler avec lâordinateur? Mais, jâen ai une peur horrible! Tout ce qui est ordinateur⊠Je suis affolĂ©, affolĂ©. Le pire, ce sont les tĂ©lĂ©phones. Vous avez rendez-vous avec un ami, vous ĂȘtes content de le voir, et son premier geste est de sortir son tĂ©lĂ©phone en disant Attends! Je vais te montrer quelque chose.» Il tape, et tape, et on nâattrape jamais lâimage quâil veut montrer⊠Le monde dâaujourdâhui vous effraie-t-il? Ecoutez, je pense quâen 14-18 dans un village prĂšs de la frontiĂšre franco-allemande, il mâaurait effrayĂ© aussi. Je crois que le monde a toujours Ă©tĂ© effrayant. On sâest toujours tapĂ© sur la gueule, sans arrĂȘt. RepĂšres 1932 Naissance Ă Pessac, prĂšs de Bordeaux. 1950 Premiers dessins dans la presse. 1955 PremiĂšres planches du Petit Nicolas 1959 PremiĂšre histoire du Petit Nicolas dans Sud-Ouest Dimanche 1962 Publie Rien nâest simple. 1978 PremiĂšre couverture pour le New Yorker 1995 Publie Raoul Taburin 2017 Publie Musiques.
Diffusezle ou sautez-le :âSelling The OCâsur Netflix, un spin-offâSelling Sunsetâavec plus dâagents, plus de drames et des propriĂ©tĂ©s plus chĂšres OpĂ©ration de Los Angeles dans un avant-poste dâĂ©lite de Newport Beach dans Selling the OC. 11 agents ont Ă©tĂ© embauchĂ©s pour leur nouveau bureau, avec un mĂ©lange de personnalitĂ©s et
FrĂšres, vous qui avez Ă©tĂ© appelĂ©s par Dieu, regardez bien parmi vous, il nây a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce quâil y a de fou dans le monde, voilĂ ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages ; ce quâil y a de faible dans le monde, voilĂ ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est dâorigine modeste, mĂ©prisĂ© dans le monde, ce qui nâest rien, voilĂ ce que Dieu a choisi pour dĂ©truire ce qui est quelque chose, afin que personne ne puisse sâenorgueillir devant Dieu. Câest grĂące Ă Dieu, en effet, que vous ĂȘtes, dans le Christ JĂ©sus, qui a Ă©tĂ© envoyĂ© par lui pour ĂȘtre notre sagesse, pour ĂȘtre notre justice, notre sanctification, notre rĂ©demption. Ainsi, comme il est Ă©crit Celui qui veut sâenorgueillir, quâil mette son orgueil dans le Seigneur. 1 Corinthiens 1, 26 â 31 Jâai envie de dĂ©border de gratitude Ă lâĂ©gard de saint Paul pour ce texte. Comme lâEglise lâa souvent oubliĂ© au cours des siĂšcles ! Et le nĂŽtre nâest pas exempt de ce travers. Je ne parviens toujours pas Ă mâexpliquer comment les catholiques les plus visibles et Ă©coutĂ©s soient encore les plus titrĂ©s et fortunĂ©s. Je donne un seul exemple qui mâa blessĂ©e il y a un an, jâai envoyĂ© mon manuscrit Ă deux maisons dâĂ©dition qui se consacrent plus spĂ©cialement aux ouvrages religieux. La premiĂšre mâa rĂ©pondu trĂšs vite par la nĂ©gative en argumentant quâils Ă©ditaient du religieux et que mon manuscrit nâentrait pas dans ce cadre. Soit. De la deuxiĂšme, je nâai jamais eu aucune rĂ©ponse, cela fait un an maintenant, malgrĂ© des mails et une lettre de relance, je nâai mĂȘme pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme digne de recevoir un refus, et mon manuscrit a dĂ» passer Ă la broyeuse. Mais les choix de cet Ă©diteur sont devenus, comme partout, des choix commerciaux. Avant tout, il faut vendre⊠De ces dĂ©convenues, jâai su tirer du bien puisque ce site entiĂšrement gratuit me procure une joie infinie et de trĂšs belles rencontres spirituelles. Pour autant, je peine encore Ă ĂȘtre prise au sĂ©rieux quand jâai un avis Ă donner sur le plan spirituel. Jâai des origines rurales et ouvriĂšres et deux sĂ©jours en hĂŽpital psychiatrique Ă mon pedigree, et une certaine Eglise nâaime pas ça. MĂȘme de nos jours, mĂȘme en mĂ©ditant pieusement cet extrait de saint Paul. Et pourtant, dans le Christ, mon parcours est mon bonheur, ma joie dâavoir communiĂ© Ă sa Croix, ma chance dâavoir cĂŽtoyĂ© les plus humbles parmi les humbles, ceux que lâon ne mentionne mĂȘme pas dans les homĂ©lies et qui emplissent les hĂŽpitaux psychiatriques et sont des clients fidĂšles des pharmacies en psychotropes de toutes sortes. Jâai nouĂ© parmi eux des amitiĂ©s des plus sincĂšres. Seigneur JĂ©sus, se pourrait-il que ton Eglise soit aujourdâhui largement tournĂ©e vers les dĂ©linquants de toutes sortes qui font le mal, et indiffĂ©rente Ă ceux dont la vie nâest quâune souffrance subie et souvent due Ă des tiers ? Se pourrait-il que ton Eglise ait rĂ©solument dĂ©cidĂ© de nâĂ©couter que les sages et les intelligents aux yeux des hommes pour avancer, et de mĂ©priser ce quâil y a de fou dans le monde ? Source imagePfdbR.