Sile tutoiement est une Ă©vidence dans lâorganisation et que tout le monde se tutoie, alors il serait fortement prĂ©fĂ©rable de suivre le groupe et de se tutoyer entre collĂšgues. Dans lâĂ©ventualitĂ© oĂč vouvoyer semble Ă©vident dans la compagnie, rien nâempĂȘche de proposer de se faire tutoyer sicâest ce que lâon prĂ©fĂšre. Il demeure que le respect est prĂ©sent peu
RĂ©sumĂ© Index Plan Notes de la rĂ©daction Notes de lâauteur Texte Bibliographie Annexe Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s On sâintĂ©resse dans cet article aux usages du tutoiement dans les relations au travail, tel quâil est mesurĂ© Ă travers les donnĂ©es tirĂ©es dâune enquĂȘte quantitative qui contenait quelques variables concernant lâusage du pronom tu » Ă lâadresse du responsable hiĂ©rarchique direct. On montre dâabord que la pratique du tutoiement est dĂ©terminĂ©e par trois dimensions intriquĂ©es une dimension contextuelle apprĂ©hendĂ©e ici via le secteur dâactivitĂ©, une dimension personnelle toutes les gĂ©nĂ©rations, toutes les catĂ©gories socioprofessionnelles et surtout les deux sexes ne pratiquent pas Ă©galement le tutoiement du chef et enfin une dimension relationnelle. En Ă©tudiant les caractĂ©ristiques des responsables hiĂ©rarchiques corrĂ©lativement Ă celles de leurs subordonnĂ©s, lâapproche quantitative permet notamment de vĂ©rifier la dimension paritaire du tutoiement les salariĂ©s de mĂȘme niveau socioprofessionnel, de mĂȘme gĂ©nĂ©ration, de mĂȘme sexe, sont toujours plus enclins Ă se tutoyer. Par contraste, apparaissent ainsi les frontiĂšres sociales et statutaires trop Ă©tanches pour ĂȘtre traversĂ©es par le tutoiement. Lâarticle montre notamment Ă quel point les femmes, quelles que soient les caractĂ©ristiques de leur chef, pratiquent toujours plus le vouvoiement que les hommes. La pratique du tutoiement est ensuite interrogĂ©e comme rĂ©vĂ©latrice indirecte dâun tropisme nĂ©o-managĂ©rial dans les organisations. On montre alors comment lâabandon du vouvoiement dans les relations hiĂ©rarchiques est corrĂ©lĂ© avec divers indicateurs du changement gestionnaire dâinspiration nĂ©o-managĂ©riale, tels que les objectifs chiffrĂ©s et les entretiens dâĂ©valuation, ce qui explique peut-ĂȘtre en partie pourquoi le vouvoiement rĂ©siste plus dans le secteur public. On Ă©met finalement lâhypothĂšse selon laquelle la progression du tutoiement traduirait la transformation des rapports de pouvoir dans les organisations, oĂč les signes extĂ©rieurs de la verticalitĂ© hiĂ©rarchique seraient dĂ©laissĂ©s au profit dâun contrĂŽle par les chiffres qui sâaccommode aisĂ©ment dâune dĂ©contraction apparente dans les relations interpersonnelles. This article focuses on the uses of the informal French pronoun âtuâ in labour relations, as measured by data from the COI survey, which contained some variables concerning the use of "tu" in addressing oneâs immediate line manager. The article first shows that the use of âtuâ is determined by three interwoven dimensions a contextual dimension the work sector, a personal dimension the generations, the socio-professional categories and in particular the two sexes differ in how comfortable they feel addressing a superior as âtuâ and finally a relational dimension. By studying the characteristics of line managers alongside those of their subordinates in a quantitative approach, it is possible to verify the dimension of solidarity in the use of âtuâ employees at the same socio-professional level, of the same generation and of the same sex, are increasingly inclined to do so. In contrast, social and status boundaries appear too strong to be crossed by the use of this pronoun. In particular, the article shows the extent to which women, regardless of their managerâs characteristics, still use âtuâ less than men. This practice is then explored as an indirect indicator of neo-managerial tropism in organisations. This shows how the abandonment of the more formal âvousâ in hierarchical relations correlates with various indicators of managerial change, such as quantitative objectives and evaluation interviews, which may partly explain why the use of âvousâ is more persistent in the public sector. The paper suggests that the progress of âtuâ may reflect the change in power relations within organisations, with a move away from the outward signs of hierarchical verticality to a quantitative monitoring that easily accommodates an apparent relaxation in interpersonal de page EntrĂ©es dâindex Haut de page Notes de la rĂ©dactionPremier manuscrit reçu le 8 juin 2017 ; article acceptĂ© le 6 mars 2018. Notes de lâauteurCet article a dâabord grandement bĂ©nĂ©ficiĂ© de la relecture attentive de CĂ©dric HugrĂ©e qui a su apporter les remarques stimulantes et les encouragements nĂ©cessaires Ă la finalisation dâune premiĂšre version. Quâil en soit remerciĂ©. Merci Ă©galement au comitĂ© de rĂ©daction ainsi quâaux Ă©valuateurs qui ont permis dâamĂ©liorer substantiellement les versions successives de cet article. Merci enfin Ă Anne Bertrand pour sa disponibilitĂ© et le grand sĂ©rieux de son suivi. Texte intĂ©gral 1. Introduction 1 On peut par exemple trouver dans des articles qui traitent du sujet une recommandation simple propo ... 1En français, il nâest pas toujours facile de savoir sâil convient de tutoyer ou vouvoyer un interlocuteur lorsquâon le rencontre pour la premiĂšre fois. Le choix du pronom est lâobjet de codifications sociales complexes, riches en zones dâombre, qui rĂ©sistent Ă lâobjectivation. Cette question a longuement occupĂ© les linguistes Schoch, 1978 ; BĂ©al, 1989 ; Peeters, 2004 et nourri les manuels de savoir-vivre, sans pourtant que des rĂšgles intangibles et clairement partagĂ©es nâĂ©mergent, au-delĂ de quelques gĂ©nĂ©ralitĂ©s1. Cette indĂ©termination pose problĂšme aux Ă©trangers dĂ©sireux dâapprendre le français ; elle anime Ă©galement les dĂ©bats pĂ©dagogiques faut-il tutoyer ou vouvoyer les Ă©lĂšves Loiseau, 2003 ; Charbonnier, 2013 ? Elle pose question aux travailleurs sociaux les assistantes sociales doivent-elles tutoyer les personnes quâelles suivent ? Et les personnes suivies peuvent-elles se permettre de les tutoyer en retour Paugam, 2009 ? Cette question concerne aussi les sociologues Ă lâabord de leurs terrains faut-il tutoyer ou vouvoyer ses interlocuteurs ? Car si cette distinction peut, selon Muriel Darmon, devenir un matĂ©riau prĂ©cieux dans lâanalyse des entretiens » Darmon, 2008, p. 51, elle peut aussi, Ă lâoccasion, peser sur les analyses lexicomĂ©triques des corpus, en clivant les entretiens selon le pronom utilisĂ© entre les interactants Cibois, 2008. Câest enfin, nous le verrons, une question particuliĂšrement sensible dans le monde du travail est-il bienvenu de tutoyer son employeur ou son responsable hiĂ©rarchique ? Ă partir de quand et avec qui peut-on se le permettre » ? JusquâoĂč le tutoiement est-il soluble dans les relations de pouvoir ? 2 Sâil est connu que toutes les langues nâopĂšrent pas une telle distinction, aucune ne se prive cepen ... 3 Les nobles tutoient les gens du peuple, et ceux-ci utilisent le vous Ă lâĂ©gard des seigneurs. Les ... 2Cette question nâest pas anecdotique. Le choix pronominal dans les interactions est peut-ĂȘtre la dimension langagiĂšre dont la performativitĂ© Austin, 1962 est la plus Ă©vidente. Le pronom signifie autant quâil construit le degrĂ© de proximitĂ©, la distance » entre protagonistes dâune interaction. En effet, en français comme dans dâautres langues, le vouvoiement sert Ă marquer la distance ou la diffĂ©rence des positions sociales2. Remontant aux origines historiques de ces distinctions pronominales, Roger Brown et Albert Gilman 1960 ont ainsi montrĂ© comment lâĂ©mergence du vouvoiement Ă lâadresse dâune personne seule sâinscrivait dans une sĂ©mantique du pouvoir » power semantic dans laquelle le tutoiement non rĂ©ciproque dire tu et recevoir vous Ă©tait le marqueur langagier dâune asymĂ©trie entre interlocuteurs. Dans la sociĂ©tĂ© fĂ©odale, trĂšs attentive aux hiĂ©rarchies entre ordres, gĂ©nĂ©rations et fonctions sociales, le vous » dĂ©signait, par-delĂ la personne, son groupe social3. Ă lâinverse, le tutoiement sâinscrivait dans une sĂ©mantique de la solidaritĂ© » solidarity semantic on tutoyait â et lâon tutoie toujours â ses Ă©gaux, ses pairs, ses proches, dans une posture Ă©galitaire dĂ©passant les clivages sociaux ou gĂ©nĂ©rationnels. Cette dimension rend dâailleurs le tutoiement trĂšs ambigu il peut aussi bien ĂȘtre un marqueur de proximitĂ© et dâaffection que devenir une offense caractĂ©risĂ©e sâil est utilisĂ© Ă contre-emploi, en lâabsence de toute solidaritĂ© objective â Ă ce point quâil est mĂȘme parfois vu, dans certains contextes, comme une forme de maltraitance » BontĂ©, 2010. 4 Le fameux Ă©change entre N. Sarkozy et un visiteur du salon de lâagriculture en 2008 est tout Ă fait ... 3Tutoyer quelquâun sans son assentiment revient en effet Ă lâinfĂ©rioriser, Ă signifier lâabsence de toute dĂ©fĂ©rence Ă son Ă©gard. Ainsi, tutoyer spontanĂ©ment un professeur, un policier, un Ă©lu, voire un prĂ©sident de la RĂ©publique lorsquâon est un simple Ă©lĂšve, justiciable ou citoyen, revient Ă refuser de reconnaĂźtre sa face » au sens Goffmanien Goffman, 19734. Le tutoiement est de ce fait lâobjet dâune vive attention dans les rapports entre les forces de lâordre et les justiciables. Les enquĂȘtes ethnographiques soulignent que les policiers et les gendarmes font du tutoiement le marqueur dâun rapport de forces leur Ă©tant favorable, et lâutilisent notamment en interrogatoire comme outil de pression et symbole de domination » Jobard, 2002 ; Gauthier, 2010. De leur cĂŽtĂ©, les justiciables tendent parfois Ă retourner ce tutoiement, ce que les policiers voient comme un signe dâirrespect. On voit ainsi que les usages du pronom tu » sont aussi codifiĂ©s quâambigus, et quâils sont Ă la fois produits et producteurs des rapports sociaux, selon quâils rapprochent ou quâils visent Ă humilier. 4Les enjeux symboliques des usages du tutoiement se retrouvent dans la vie professionnelle, oĂč les positions diffĂ©renciĂ©es dans une hiĂ©rarchie sont gĂ©nĂ©ralement marquĂ©es linguistiquement. En France, il est communĂ©ment admis que les dĂ©tenteurs dâune autoritĂ© quelconque sont fondĂ©s Ă sâattendre Ă ĂȘtre vouvoyĂ©s de prime abord et quâil leur revient de dĂ©finir le registre langagier des interactions avec leurs subordonnĂ©s ; le passage au tu » ne peut se faire sans leur assentiment et relĂšve normalement de leur initiative. Pour les raisons dĂ©jĂ Ă©voquĂ©es plus haut, les ambiguĂŻtĂ©s du tutoiement demeurent donc au travail. Un tutoiement rĂ©ciproque entre un responsable et son subordonnĂ© peut marquer une certaine proximitĂ©, une solidaritĂ© par-delĂ les niveaux hiĂ©rarchiques, mais un tutoiement unilatĂ©ral et non consenti peut revĂȘtir une dimension de violence symbolique des salariĂ©s peuvent subir au travail un tutoiement quâils nâont pas dĂ©sirĂ©, quâil Ă©mane de leur supĂ©rieur ou de la clientĂšle, comme dans le cas des caissiĂšres par exemple Bernard, 2014. Ă lâinverse, un tutoiement non autorisĂ© de la part dâun subordonnĂ© peut participer dâun rĂ©pertoire agonistique dans les relations professionnelles. 5Mais, dans lâunivers professionnel, le tutoiement peut revĂȘtir une signification supplĂ©mentaire, lorsquâil devient un signe revendiquĂ© de modernitĂ© organisationnelle. Dans certaines entreprises, lâencouragement Ă la pratique du tutoiement peut traduire une volontĂ© de rompre avec les formalismes dâorganisations fordiennes oĂč la hiĂ©rarchie Ă©tait pensĂ©e sur un mode militaire sĂ©parant statutairement â et linguistiquement â les cadres des exĂ©cutants. Plus quâune simple codification folklorique une culture dâentreprise », le tutoiement devient alors potentiellement producteur du changement organisationnel, un outil visant Ă accompagner lâhorizontalisation des organisations. 6Interroger la place et les usages du tu » dans le quotidien professionnel ne renvoie donc pas seulement Ă une problĂ©matique dâordre sociolinguistique. Cette dĂ©marche sâinscrit pleinement dans les hypothĂšses contemporaines de la sociologie du travail et des organisations, accordant une attention particuliĂšre aux relations concrĂštes sur le lieu de travail et interrogeant plus largement les modes de domination rapprochĂ©s » Memmi, 2008. Mais comment mesurer la frĂ©quence et lâĂ©volution dâune telle pratique ? 5 Les sigles et acronymes utilisĂ©s dans lâarticle sont dĂ©taillĂ©s en annexe. 7Les rĂ©sultats sur lesquels nous allons travailler sâappuient sur une variable dĂ©clarative tirĂ©e de lâenquĂȘte COI voir lâencadrĂ© 1, qui interrogeait les rĂ©pondants sur leur usage du tu » ou du vous » Ă lâadresse de leur responsable hiĂ©rarchique direct voir lâencadrĂ© 2. Ă notre connaissance, cette variable pourtant fort intĂ©ressante nâa que peu Ă©tĂ© utilisĂ©e, hormis de maniĂšre synthĂ©tique â mais nĂ©anmoins trĂšs Ă©clairante â par Françoise Rouard et FrĂ©dĂ©ric Moatty, dans un article plus gĂ©nĂ©ralement consacrĂ© aux langues utilisĂ©es au travail Rouard et Moatty, 2016. Elle nâa dâailleurs pas Ă©tĂ© reprise dans les enquĂȘtes suivantes de la DARES5, quâil sâagisse de lâenquĂȘte conditions de travail » ou de lâenquĂȘte REPONSE. EncadrĂ© 1. LâEnquĂȘte Changements Organisationnels et Informatisation COILâenquĂȘte COI a Ă©tĂ© conçue et coordonnĂ©e par le Centre dâĂ©tudes de lâemploi CEE, en partenariat avec la DARES, lâINSEE et le SESSI Greenan et al., 2005. La premiĂšre version, datant de 1997, ne sâadressait quâaux entreprises industrielles de plus de 50 salariĂ©s, en interrogeant Ă la fois les salariĂ©s et leurs employeurs sur un certain nombre dâaspects de leur vie professionnelle, avec une majoritĂ© de modules ayant trait Ă la place des technologies et des outils managĂ©riaux dans leur travail, mais Ă©galement un certain nombre de questions liĂ©es aux relations professionnelles et notamment aux responsabilitĂ©s managĂ©riales » des seconde version de lâenquĂȘte, diffusĂ©e en 2006, a Ă©tendu lâanalyse aux entreprises de plus de 20 salariĂ©s du secteur marchand, et a associĂ© la Direction gĂ©nĂ©rale de lâadministration et de la fonction publique DGAFP pour soumettre le mĂȘme questionnaire aux salariĂ©s de la fonction publique dâĂtat FPE et de la fonction publique hospitaliĂšre FPH. Afin de faciliter les comparaisons public-privĂ©, le choix a Ă©tĂ© fait de ne solliciter ni les enseignants, ni les magistrats ni lâensemble des personnels du ministĂšre de la DĂ©fense, qui ont Ă©tĂ© exclus du champ de lâenquĂȘte du fait de leurs conditions de travail atypiques. Le dispositif COI nâa pas Ă©tĂ© prolongĂ© au-delĂ de 2006, mais un certain nombre de ses questions ont Ă©tĂ© versĂ©es Ă lâenquĂȘte Conditions de travail » de 2011 et Ă lâenquĂȘte REPONSE » 2011, 2017.Le prĂ©sent travail sâappuie sur les rĂ©sultats du volet salariĂ©s » de lâenquĂȘte hors FPH, qui contient 15 600 salariĂ©s appartenant Ă 7 000 entreprises des secteurs marchands et un peu plus de 1 200 agents de la Fonction publique dâĂtat issus de 380 directions dâadministrations centrales ou questionnaire adressĂ© aux salariĂ©s Ă©tait structurĂ© en neuf parties. AprĂšs une description large du rĂ©pondant, de son statut dâemploi, Ă©taient successivement abordĂ©s ses horaires et outils de travail ; les caractĂ©ristiques de son lieu de travail et les relations quâil y entretient avec ses collĂšgues notamment son n + 1, ci-aprĂšs appelĂ© chef » ; ses responsabilitĂ©s, son autonomie et lâaide quâil peut recevoir au quotidien ; son rythme de travail, ses sources et les outils de mesure de sa productivitĂ© ; ses compĂ©tences et leur Ă©volution formations ; sa rĂ©munĂ©ration, et notamment les parts variables et enfin les changements survenus dans les trois ans prĂ©cĂ©dant lâenquĂȘte contexte de travail, de mĂ©thodes etc.. Le questionnaire se terminait par un bilan gĂ©nĂ©ral du rapport au travail du rĂ©pondant et de son statistiques descriptives prĂ©sentĂ©es ci-aprĂšs, ainsi que les modĂšles de rĂ©gression, ont fait lâobjet dâun redressement pour tenir compte de la structure spĂ©cifique de lâĂ©chantillon de trouvera plus dâinformations sur 8Le tutoiement que nous Ă©tudierons est donc un tutoiement ascendant » Ă lâadresse dâune ou un supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct. LâenquĂȘte COI ne permet pas dâinterroger la rĂ©ciproque, câest-Ă -dire les cas oĂč un supĂ©rieur hiĂ©rarchique dĂ©clarerait tutoyer les salariĂ©s sous sa responsabilitĂ©. LâenquĂȘte ne permet pas non plus dâanalyser les situations dissymĂ©triques impliquant un tutoiement descendant » et un vouvoiement montant », qui continuent probablement de marquer en France certains rapports intergĂ©nĂ©rationnels ou inter-genres sur les lieux de travail. EncadrĂ© 2. Questions relatives au tutoiement hiĂ©rarchique dans lâenquĂȘte COI Votre supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct estâŠ- un homme ?- une femme ?- vous nâavez pas de supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct ? Est-il ou est-elleâŠ- Ă peu prĂšs de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration que vous ?- plus ĂągĂ© ?- plus jeune ? Le ou la tutoyez-vous ou vouvoyez-vous ?- vous le la tutoyez ;- vous le la vouvoyez. 6 Certains styles sont en effet non attestĂ©s selon le sexe des protagonistes ou trĂšs directement dĂ©pe ... 9Il convient Ă©galement de prendre acte des limites dâune approche statistique sur un tel sujet. Le questionnaire impose de dĂ©clarer le pronom utilisĂ© avec son chef. Or, certaines relations hiĂ©rarchiques ne sont sans doute pas fixĂ©es de ce point de vue on peut trĂšs bien se vouvoyer dans les relations professionnelles, voire seulement dans certains contextes formels, et se tutoyer dans les relations plus informelles, en marge du travail ou dans les marges du travail Ă lâoccasion dâĂ©vĂ©nements particuliers ou dâactivitĂ©s festives ou ludiques entre collĂšgues. Des pĂ©riodes de flottement plus ou moins longues peuvent Ă©galement accompagner le choix du pronom, faites dâallers-retours, dâaudaces contrariĂ©es, dâimplicite ambiguĂŻtĂ© qui font quâen pratique, on peut Ă la fois tutoyer et vouvoyer quelquâun, et ce pendant longtemps. Une sociologie du tutoiement mĂ©rite donc un travail de terrain fait dâobservations prolongĂ©es, Ă lâimage de lâenquĂȘte ethnographique de Denis Guigo 1991, rĂ©alisĂ©e Ă la fin des annĂ©es 1980 dans la direction parisienne dâune grande sociĂ©tĂ©, qui rĂ©vĂšle toute la complexitĂ© des rĂšgles dâadresse en milieu professionnel. Il montre notamment que le systĂšme dâadresse en entreprise ne se rĂ©duit pas Ă cette alternative entre vouvoiement et tutoiement. Il distingue ainsi huit styles » possibles combinant lâusage de Monsieur ou Madame, du nom ou du prĂ©nom, associĂ©s Ă un vouvoiement ou un tutoiement, avec une gradation dans la proximitĂ© allant du style distant » Monsieur ou Madame + vous au style amical » prĂ©nom + tu en passant par diffĂ©rentes combinaisons. Cette analyse offre un aperçu des Ă©tapes Ă franchir sur le chemin dâune proximitĂ© croissante abandon du Monsieur / Madame », utilisation du prĂ©nom, passage au tutoiement tout en tenant compte du caractĂšre genrĂ© des rĂšgles dâadresse6. Une Ă©tude aussi fine des systĂšmes dâadresse » demeure impossible avec les donnĂ©es de lâenquĂȘte COI. Mais, comme Denis Guigo lâestimait fort justement, le choix du terme dâadresse entre deux personnes combine toujours crĂ©ativitĂ© individuelle et mĂ©diation des usages sociaux prĂ©existants » Guigo, 1991, p. 48. Ătudier cette question du point de vue de lâenquĂȘte quantitative gomme sans doute lâimportance de lâintuitu personae, de cette crĂ©ativitĂ© individuelle » entre les interactants, mais cette approche fait ressortir le poids et les grands dĂ©terminants des usages sociaux » du tutoiement sur le lieu de travail. 10Nous verrons en effet quâau travail, le choix du pronom est toujours largement conditionnĂ© par des caractĂ©ristiques objectivables du salariĂ© et de son chef, en interaction avec les normes organisationnelles changeantes des entreprises. Cet article se donne un double objectif saisir Ă la fois certaines constantes dans la codification des rapports interpersonnels au travail et mesurer, par certains signes indirects, les liens entre la pratique du tutoiement et lâĂ©volution gestionnaire des entreprises et de la fonction publique dâĂtat. 7 Lâextension de lâenquĂȘte COI Ă lâadministration dâĂtat permet cependant dâaborder de maniĂšre orig ... 11La premiĂšre partie sera consacrĂ©e Ă la place du tutoiement sur les lieux de travail, en tenant compte des caractĂ©ristiques des rĂ©pondants et de celles de leurs chefs. Il sâagira de mesurer lâeffet sur la pratique du tutoiement des diffĂ©rences de sexe, dâĂąge et de niveau de qualification entre le subordonnĂ© et son supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Nous Ă©tudierons ensuite, dans une seconde partie, les liens entre adoption du tutoiement et changements gestionnaires, par une analyse des dĂ©terminants et des effets organisationnels du tutoiement. Ce faisant, nous montrerons en quoi le tutoiement peut ĂȘtre vu Ă la fois comme un marqueur et un vecteur du changement organisationnel et avec lui des rapports de pouvoir dans les organisations. Nous verrons notamment comment la question du tutoiement peut sâintĂ©grer dans une mise en perspective plus gĂ©nĂ©rale des mĂ©thodes de travail et des relations de travail des secteurs public et privĂ©, ce qui Ă©tait lâun des objectifs de lâenquĂȘte COI7. 2. La place du tutoiement hiĂ©rarchique au travail Un tutoiement aujourdâhui majoritaire mais trĂšs inĂ©gal selon les secteurs 12Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, un peu moins des deux tiers des salariĂ©s 63 % dans la population gĂ©nĂ©rale de lâenquĂȘte dĂ©claraient tutoyer leur chef, faisant du vouvoiement du supĂ©rieur une rĂšgle dâadresse aujourdâhui largement minoritaire figure 1. La pratique du tutoiement nâest cependant pas homogĂšne dans toute la population salariĂ©e prise en compte dans le champ de lâĂ©tude, et cette apparente hĂ©gĂ©monie du tutoiement cache des disparitĂ©s trĂšs accusĂ©es. 13Ainsi, les salariĂ©s du secteur public tutoient notablement moins leur chef que ceux du privĂ© figure 2 ; seule une minoritĂ© 43 % dĂ©clare le faire. Ce rĂ©sultat a de quoi surprendre, mais il faut tenir compte du champ spĂ©cifique de lâenquĂȘte COI dans la fonction publique dâĂtat. Le souhait des concepteurs de lâenquĂȘte dâen retirer les magistrats et les enseignants, du fait de leur usage supposĂ© faible des outils informatiques, pĂšse certainement sur la place globale du tutoiement dans la fonction publique dâĂtat. 14Ă lâintĂ©rieur du secteur privĂ© lui-mĂȘme, il existe des disparitĂ©s fortes entre les secteurs tableau 1 les activitĂ©s spĂ©cialisĂ©es, scientifiques et techniques se signalent par une quasi-systĂ©maticitĂ© du tutoiement, les mĂ©tiers de lâanimation semblent Ă©galement trĂšs propices Ă cette pratique, ainsi que les secteurs industriels qui sont au-delĂ de 70 % de tutoiement. Ă lâinverse, les activitĂ©s de services administratifs, le commerce, et surtout les activitĂ©s immobiliĂšres, se signalent par un recours moins frĂ©quent quoique toujours majoritaire au tutoiement. 15Ces diffĂ©rences marquĂ©es entre les secteurs peuvent avoir des causes diverses. On peut notamment faire lâhypothĂšse quâil existe des cultures organisationnelles spĂ©cifiques dans certains secteurs qui expliquent un recours plus systĂ©matique au tutoiement. On pourrait par exemple imaginer que le tutoiement est dâautant plus frĂ©quent que les salariĂ©s restent longtemps dans leur entreprise. En observant lâanciennetĂ© des personnels des secteurs oĂč le tutoiement est le plus Ă©levĂ©, on sâaperçoit cependant que cette variable ne semble pas pouvoir expliquer Ă elle seule le recours au tutoiement. En effet, si lâon observe bien un tutoiement et une anciennetĂ© moyenne Ă©levĂ©s dans les secteurs de lâindustrie, les secteurs des activitĂ©s spĂ©cialisĂ©es scientifiques et techniques » ou le secteur des arts, spectacle et animation », par exemple, sont marquĂ©s par un fort turnover et un fort tutoiement. Il semble bien que pour ces derniers, la forte proportion de personnels trĂšs qualifiĂ©s soit plus explicative. 16Il faut donc prendre en compte une seconde hypothĂšse susceptible dâexpliquer les diffĂ©rences sectorielles la structure hiĂ©rarchique et la dĂ©mographie des diffĂ©rents secteurs. La question se pose en effet car, Ă titre dâexemple, on peut relever que le tutoiement est trĂšs Ă©levĂ© dans certains secteurs oĂč les femmes sont trĂšs minoritaires Ă peine 9 % de femmes dans la construction et entre 25 % et 30 % dans les diffĂ©rents secteurs de lâindustrie. Or, cela nâest probablement pas sans effet sur la question des rĂšgles dâadresse, comme nous le verrons par la suite. Les statistiques descriptives globales sont donc Ă prendre avec mesure tant que les liens entre le tutoiement et la composition des personnels des diffĂ©rents secteurs nâa pas Ă©tĂ© prise en compte, ce que nous allons faire maintenant. Figure 1. RĂšgle dâadresse utilisĂ©e avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source enquĂȘtes COI et COI-FP 2006 / volet salariĂ©s », Statistique publique, salariĂ©s ayant au moins un an dâanciennetĂ© des entreprises de plus de vingt salariĂ©s secteur privĂ© et agents de la FPE hors enseignants et magistrats. Uniquement les salariĂ©s travaillant au contact direct de leur chef ». DonnĂ©es pondĂ©rĂ©es. Figure 2. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur Source et champ voir la figure 1. Tableau 1. Tutoiement ou vouvoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur privĂ© â en % Source et champ voir la figure 1 privĂ© uniquement. Qui tutoie le plus ? Les femmes tutoient beaucoup moins leur chef 17La pratique du tutoiement rĂ©vĂšle une diffĂ©rence trĂšs marquĂ©e entre les hommes et les femmes. Une large majoritĂ© des hommes tutoie son chef 70 %, mais seule une femme sur deux 49 % fait de mĂȘme figure 3. 18Cet Ă©cart important sâexplique pour partie par des effets de structure. On peut dâabord relever que les femmes sont plus rarement Ă des niveaux hiĂ©rarchiques Ă©levĂ©s, lĂ oĂč le tutoiement est la rĂšgle, du fait du plafond de verre » Buscatto et Marry, 2009 quâelles rencontrent Ă la fois dans lâadministration Milewski, 2004 ; Doniol-Shaw et Le Douarin, 2005, dans les entreprises privĂ©es Laufer, 2004, 2005 ; Landrieux-Kartochian, 2007 et dans les entreprises publiques Pochic et al., 2010. Il faut ensuite noter quâelles ont moins de chances dâĂȘtre encadrĂ©es par des collĂšgues de mĂȘme sexe, et nous verrons que la proximitĂ© de genre a une influence considĂ©rable sur le tutoiement sur le lieu de travail. LâĂąge un dĂ©terminant peu fiable 19Dans la mesure oĂč il est jugĂ© prĂ©fĂ©rable de vouvoyer ses aĂźnĂ©s, et oĂč les hiĂ©rarchies professionnelles sont, en France, encore assez largement produites par les disparitĂ©s en matiĂšre dâexpĂ©rience, il serait logique que les jeunes actifs soient tendanciellement enclins Ă vouvoyer leur chef. Pourtant, lâĂąge nâapparaĂźt pas aussi mĂ©caniquement liĂ© aux rĂšgles dâadresse quâon pourrait sây attendre. Les formalismes liĂ©s au choix du pronom semblent certes lĂ©gĂšrement plus respectĂ©s par les salariĂ©s en tout dĂ©but et en fin de carriĂšre, mais les Ă©carts demeurent assez rĂ©duits. Câest plus vraisemblablement le rapport gĂ©nĂ©rationnel entre le rĂ©pondant et son supĂ©rieur qui est dĂ©terminant, comme nous le verrons plus loin. Un tutoiement qui progresse avec le niveau hiĂ©rarchique hors ouvriers 20Autre diffĂ©rence notable, les personnels dâencadrement cadres et cadres A dans le public pratiquent plus volontiers le tutoiement que les autres catĂ©gories dans le secteur privĂ©, 76 % des cadres tutoient leur supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct contre 68 % des professions intermĂ©diaires et 55 % des employĂ©s ; les ouvriers se distinguent avec des taux comparativement plus Ă©levĂ©s que les employĂ©s 62 %. Lâusage du tu » dĂ©cline donc selon les niveaux hiĂ©rarchiques dâune maniĂšre presque linĂ©aire, Ă lâexception notable des ouvriers, qui tutoient significativement plus leur chef que les employĂ©s. 21Dans le secteur public, la structure des rĂ©ponses est relativement proche, mais notablement dĂ©calĂ©e puisque, comme nous lâavons montrĂ© plus haut, le tutoiement y est globalement moins frĂ©quent figure 4. Ainsi, la catĂ©gorie qui tutoie le plus dans le secteur public les cadres A tutoie Ă peine autant que la catĂ©gorie qui tutoie le moins dans le secteur privĂ©, sachant cependant que la diffĂ©rence public/privĂ© est moins accentuĂ©e chez les ouvriers que dans les autres PCS les professions et catĂ©gories socio-professionnelles de lâINSEE. 22Comment expliquer cette structuration hiĂ©rarchique du tutoiement ? On conçoit assez bien que le tutoiement entre cadres traduise une commune appartenance Ă un groupe restreint conscient de lui-mĂȘme. Une logique de paritĂ© semble sous-jacente et ce tu » sâinscrit bien dans la sĂ©mantique de la solidaritĂ© » de R. Brown et A. Gilman 1960. Comme le notait Denis Guigo Le passage Ă lâĂ©tat de cadre est en quelque sorte une initiation certains membres de lâencadrement vouvoient toujours les employĂ©s et ne passent au Tu que le jour prĂ©cis oĂč lâun dâentre eux est nommĂ© cadre » Guigo, 1991, p. 47. 23Cet entre-soi encadrant, qui se manifeste par le basculement pronominal accordĂ© aux cadres promus, est encore renforcĂ© par la provenance de filiĂšres de formation communes. Il existe en France une tradition bien ancrĂ©e de tutoiement entre sortants des mĂȘmes grandes Ă©coles. Pour certaines, des rĂšgles trĂšs explicites ont mĂȘme Ă©tĂ© formulĂ©es. Par exemple, dans le cadre dâune enquĂȘte rĂ©cente, une jeune ingĂ©nieure sortie de polytechnique Ă©voque le fait que chez les âXâ, il y a des rĂšgles [selon lesquelles] on devrait tutoyer tout le monde. AprĂšs il y a quand mĂȘme une dĂ©rogation ; câest que, au-delĂ de dix ans dâĂ©cart dâĂąge, on a le droit de vouvoyer les gens ». Elle admettra dâailleurs sa difficultĂ© Ă le faire je ne vais pas spontanĂ©ment tutoyer des gens de 60 ans qui ont une grande carriĂšre, et que je ne connais pas ». 24Pour ceux dont les encadrants sont gĂ©nĂ©ralement membres dâun autre collĂšge professionnel professions intermĂ©diaires et employĂ©s, le tutoiement semble moins facile. Chez les ouvriers, on peut faire lâhypothĂšse que le supĂ©rieur direct est trĂšs frĂ©quemment un ancien ouvrier lui-mĂȘme, promu sur place, ou un technicien certes diplĂŽmĂ© mais issu du monde ouvrier HugrĂ©e, 2016, auquel cas le tutoiement sâimpose comme marqueur dâune communautĂ© de destin qui dĂ©passe les nivellements hiĂ©rarchiques de premier degrĂ© qui structurent lâindustrie. Il importe cependant de noter que cette Ă©vidence apparente du tutoiement parmi les ouvriers ne vaut que pour les hommes, et quâelle doit trĂšs probablement beaucoup au fait que les ouvriers sont pour les trois-quarts dans les secteurs Figure 3. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du sexe du rĂ©pondant Source et champ voir la figure 1. Figure 4. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de la PCS et du secteur Source et champ voir la figure 1. 8 Il est ainsi notable que le tutoiement du chef progresse de prĂšs de 10 points chez les salariĂ©s qui ... 25dans lesquels le tutoiement est massif industrie et construction. En revanche, les employĂ©s ne semblent pas entretenir les mĂȘmes rapports de proximitĂ© avec leur chef. Ce sont systĂ©matiquement eux qui vouvoient le plus leur responsable hiĂ©rarchique, et ce dans le public 62 % comme dans le privĂ© 49 %. Cette diffĂ©rence est notable. Lâusine, lâatelier ou le chantier semblent des lieux plus Ă©pargnĂ©s par les formalismes langagiers que les bureaux ; il reste Ă dĂ©terminer si cela tient Ă lâactivitĂ© mĂȘme qui sây pratique, aux interactions rendues possibles par les relations de travail8, ou au sex-ratio des personnels aux diffĂ©rents niveaux de qualification. Quels chefs sont les plus vouvoyĂ©s ? 26Ătant le produit dâun rapport social entre un salariĂ© et son chef, le choix du pronom ne peut pas ĂȘtre analysĂ© Ă la seule aune des propriĂ©tĂ©s sociales du subordonnĂ© ; il importe Ă©galement de prendre en compte les caractĂ©ristiques du chef, car les rĂšgles dâadresse sont dâabord Ă©tablies sur la base du rapport hiĂ©rarchique. Une commune appartenance de sexe encourage au tutoiement 9 Situation assez rare au demeurant, qui ne concernait que 10 % des hommes dans la base COI. 27Le tutoiement semble toujours plus aisĂ© avec quelquâun de son sexe 72 % des hommes tutoient leur chef lorsquâil sâagit dâun homme mais ils ne sont que 65 % Ă le faire sâil sâagit dâune femme9. Cet effet de la diffĂ©rence de sexe est encore plus marquĂ© chez les femmes 60 % des femmes tutoient leur chef si câest une femme mais elles ne sont que 42 % Ă faire de mĂȘme avec un homme -18 points. La barriĂšre de genre, agissante pour les deux sexes, semble donc toujours plus haute pour les femmes. On pense assez spontanĂ©ment quâelle sâexplique par des raisons liĂ©es Ă une forme de prudence de la part de ces derniĂšres, qui marqueraient avec les hommes une distance leur permettant dâĂ©viter une familiaritĂ© potentiellement problĂ©matique. Le vouvoiement maintiendrait une distance protectrice contre des formes de harcĂšlement. Câest lâhypothĂšse que formulent F. Rouard et F. Moatty Ă partir des mĂȘmes donnĂ©es, estimant que ce rĂ©sultat reflĂšte une diffĂ©rence entre les sexes, mais surtout une mise Ă distance du supĂ©rieur hiĂ©rarchique chez les femmes, qui limitent le registre de la familiaritĂ© dans les relations professionnelles » Rouard et Moatty, 2016, p. 67. Cette explication semble tout Ă fait crĂ©dible mais nâĂ©puise pas la question, car cette mise Ă distance se retrouve chez les deux sexes. Doit-on dĂšs lors imaginer que les hommes jugent Ă©galement plus prudent dâĂ©viter toute familiaritĂ© avec des chefs de sexe fĂ©minin ? Rien nâinterdit de lâimaginer, mais nous nâavons guĂšre de moyens de rĂ©pondre Ă cette question pour lâinstant. LâaĂźnesse pousse au vouvoiement 28La pratique du tutoiement est plus frĂ©quente lorsque le chef est de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration 71 %, voire plus jeune 66 % que le rĂ©pondant. Suivant une rĂšgle dâadresse bien Ă©tablie, les chefs plus ĂągĂ©s que leurs subordonnĂ©s sont donc moins tutoyĂ©s que les autres 56 %. Câest dâailleurs la situation la plus frĂ©quente 43 % des rĂ©pondants ont un chef plus ĂągĂ©, 30 % un chef Ă peu prĂšs de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et un gros quart ont un chef plus jeune quâeux. 10 Ce phĂ©nomĂšne semble dâailleurs dâautant plus sensible que lâĂ©cart dâĂąge a toutes les chances dâĂȘtre ... 29Lâobservance de cette rĂšgle est cependant conditionnĂ©e par la gĂ©nĂ©ration du rĂ©pondant les moins de 40 ans se permettent » beaucoup plus de tutoyer leur n + 1 que les plus de 50 ans figure 6. Deux explications semblent possibles soit leurs chefs sont tendanciellement assez jeunes Ă©galement, soit le vouvoiement Ă lâadresse des supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques plus ĂągĂ©s est une rĂšgle en voie de fragilisation10. 30La prise en compte de la composante interactionnelle dĂ©bouche logiquement sur le constat que les statistiques descriptives prĂ©sentĂ©es ici ne peuvent suffire. Compte tenu de ce que lâon vient de voir, si les personnels dâencadrement nâont pas les mĂȘmes profils dans les diffĂ©rents secteurs, il est possible que les rĂ©sultats globaux soient influencĂ©s par la composition des populations. Notons dâabord que la structure de la population encadrante en France crĂ©e des probabilitĂ©s trĂšs inĂ©gales dâavoir un chef du mĂȘme sexe que soi selon quâon est homme ou femme les chefs » recensĂ©s dans la base COI sont dans 80 % des cas de sexe masculin, les hommes ont donc une probabilitĂ© beaucoup plus forte dâavoir un chef du mĂȘme sexe quâeux. Câest le cas de 90 % des hommes contre seulement 35 % des femmes. De mĂȘme, les ouvriers ont une probabilitĂ© plus Ă©levĂ©e que les autres salariĂ©s dâavoir un chef plus jeune quâeux, tandis que les cadres sont plus frĂ©quemment que les autres encadrĂ©s par des congĂ©nĂšres. Il faut donc raisonner de maniĂšre Ă neutraliser ces diffĂ©rences structurelles. Figure 5. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de lâĂ©cart dâĂąge Source et champ voir la figure 1. Figure 6. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct lorsquâil est plus ĂągĂ© en fonction de lâĂąge Source et champ voir la figure 1 + salariĂ©s dont le chef » est plus ĂągĂ© quâeux n = 6919.Lecture 58 % des salariĂ©s de moins de 30 ans tutoient leur chef lorsquâil est plus ĂągĂ©. Sexe, Ăąge, niveau hiĂ©rarchique trois barriĂšres » toujours agissantes 11 Les trois barriĂšres sexe, Ăąge, hiĂ©rarchie se renforcent mutuellement. Toute familiaritĂ© est pra ... 31Des modĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer sa ou son chef plutĂŽt que de le vouvoyer montrent que les trois barriĂšres » qui inhibaient historiquement lâusage du tutoiement au travail dâaprĂšs D. Guigo semblent toujours agissantes11 diffĂ©rences de sexe, dâĂąge et de position hiĂ©rarchique poussent toujours au vouvoiement du chef, avec cependant quelques diffĂ©rences selon les secteurs tableau 2. Tableau 2. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source et champ voir la figure les trois modĂšles privĂ© n = 14 121, public n = 1 214, ensemble n = 15 358 comparent les chances p/1-p de tutoyer son chef entre une situation de rĂ©fĂ©rence homme entre 30 et 39 ans, de niveau profession intermĂ©diaire », ayant un chef du mĂȘme sexe et de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et une situation qui ne se diffĂ©rencie de la rĂ©fĂ©rence que par un critĂšre Ă la fois. Si les odds ratio sont supĂ©rieurs Ă 1, lâeffet estimĂ© est positif ; sâils sont compris entre 0 et 1, lâeffet est nĂ©gatif. Ainsi, dans le secteur privĂ©, si au lieu dâĂȘtre un homme, la rĂ©pondante est une femme, les chances quâelle tutoie son chef sont deux fois moindres contre 1. Les astĂ©risques accolĂ©s Ă lâodd ratio renseignent la significativitĂ© de lâeffet mesurĂ© *** significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 % et * au seuil de 10 %. Les femmes face au plafond de verbe » ? 12 On trouve par exemple, dans un article de Philippe Charrier relatif aux hommes exerçant le mĂ©tier d ... 32Pour les hommes comme pour les femmes, avoir un chef dâun sexe diffĂ©rent du sien diminue bien la probabilitĂ© de le ou la tutoyer, toutes choses Ă©gales par ailleurs, mais on peut constater que ce phĂ©nomĂšne est accentuĂ© chez les femmes il existe bien un effet propre du sexe fĂ©minin qui diminue la probabilitĂ© pour les femmes de tutoyer leur chef, quelles que soient les caractĂ©ristiques de ce dernier. Le modĂšle estime ainsi que dans le secteur privĂ©, une femme a environ deux fois moins de chances de tutoyer sa ou son chef quâun homme, indĂ©pendamment de leurs Ăąges et niveaux hiĂ©rarchiques respectifs. La pratique du tutoiement ascendant, comme revendication implicite dâune Ă©galitĂ© par-delĂ les statuts, est donc bien une pratique tendanciellement plus masculine. Les femmes semblent plus respecter les rĂšgles dâadresse associĂ©es aux diffĂ©rences hiĂ©rarchiques au travail. La modĂ©lisation permet donc dâasseoir lâhypothĂšse selon laquelle cette forme de respect nâest pas seulement le fruit dâune stratĂ©gie visant Ă garder ses distances » avec des chefs de sexe masculin. Le vouvoiement fĂ©minin du ou de la supĂ©rieure directe traduit sans doute lâintĂ©riorisation dâune sujĂ©tion plus globale ancrĂ©e dans les codifications sociales, qui les rend plus observantes des hiĂ©rarchies, lĂ oĂč les hommes dĂ©passent plus volontiers les frontiĂšres linguistiques quâon leur assigne12. Il nâest donc pas Ă©galement facile pour les femmes de sâaffranchir des dĂ©fĂ©rences astreintes codifiĂ©es dans les rapports sociaux, ce que nous pourrions appeler un plafond de verbe », la trace linguistique dâun rapport plus gĂ©nĂ©ral de domination Bourdieu, 1998 qui les dissuade dâopter pour le pronom associĂ© Ă la sĂ©mantique de la solidaritĂ© ». Le tutoiement des jeunes, entre effets dâĂąge et de gĂ©nĂ©ration 33Si lâĂąge ne semble pas dĂ©terminant dans le secteur public, il y a bien un effet Ăąge » dans le secteur privĂ©. Les rapports sociaux intergĂ©nĂ©rationnels sont bien lâobjet dâun marquage langagier au travail. Toutes choses Ă©gales par ailleurs, on voit dâune part quâil est toujours moins probable de tutoyer un chef plus ĂągĂ© que soi et dâautre part que les rĂ©pondants vouvoient dâautant plus leur chef quâils sont eux-mĂȘmes ĂągĂ©s. La rĂšgle demeure donc toujours prĂ©gnante qui reconnaĂźt la diffĂ©rence dâĂąge comme productrice dâune inĂ©galitĂ© encourageant au vouvoiement des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes, mĂȘme si cette rĂšgle semble sâaffaiblir dans les plus jeunes gĂ©nĂ©rations. Que reste-t-il du tutoiement ouvrier ? 34Suivant la mĂȘme approche, si lâon neutralise notamment les Ă©carts de sexe et dâĂąge entre les rĂ©pondants et leur n + 1, il ressort que toutes choses Ă©gales par ailleurs, les ouvriers du secteur privĂ© tutoient toujours moins leur chef que les professions intermĂ©diaires, qui tutoient moins que les cadres. Sâil existe bien statistiquement un tutoiement ouvrier, celui-ci semble largement le produit des propriĂ©tĂ©s sociales des interactants. Une fois les effets de structure contrĂŽlĂ©s, il reste bien lâimage dâun monde du travail oĂč la place occupĂ©e dans la hiĂ©rarchie conditionne la possibilitĂ© de se permettre » de tutoyer son chef. Les cadres, Ă lâimage de la noblesse dâancien rĂ©gime, pratiquent un tutoiement rĂ©ciproque trĂšs frĂ©quent, marqueur dâune commune appartenance Ă un groupe dominant conscient de lui-mĂȘme. Ils reçoivent en revanche un vouvoiement de la part de ceux qui sont moins haut placĂ©s quâeux, et cette rĂšgle semble se transposer jusquâaux plus bas niveaux de la hiĂ©rarchie salariale. Ce phĂ©nomĂšne ne se transpose pas Ă lâidentique dans le secteur public, le modĂšle nâaboutissant pas Ă des rĂ©sultats significatifs. Il faut noter cependant que les ouvriers » de la fonction publique dâĂtat sont Ă la fois peu nombreux 6 % des effectifs et trĂšs particuliers. Quel effet du secteur ? 13 La taille respective des deux bases peut Ă©videmment ĂȘtre en cause, mais les quelque 1500 rĂ©pondants ... 35Lorsque lâon compare les modĂ©lisations construites respectivement sur le secteur public et le secteur privĂ©, il est notable quâĂ lâexception du sexe, la plupart des variables nâont pas dâeffet significatif dans le secteur public13. De plus, lorsque le secteur est ajoutĂ© comme paramĂštre du modĂšle colonne Ensemble » dans le tableau 2, on constate quâil y a bien un effet secteur » propre Ă la fonction publique dâĂtat, que le recours plus frĂ©quent au vouvoiement que lâon y observe nâest pas seulement lâeffet dâune composition de la main dâĆuvre diffĂ©rente, ni la consĂ©quence de logiques dâaccĂšs aux responsabilitĂ©s plus tardives. Toutes choses Ă©gales par ailleurs, on tutoie tendanciellement moins dans le secteur public et cette pratique y semble moins dĂ©terminĂ©e par les caractĂ©ristiques des agents. En un mot, le vouvoiement semble sây imposer comme une norme plus impersonnelle, conditionnant plus le vouvoiement Ă une inĂ©galitĂ© de fonctions inscrite dans un systĂšme bureaucratique quâaux propriĂ©tĂ©s sociales des interactants. 36Cette diffĂ©rence nous invite maintenant Ă Ă©tudier les effets contextuels et organisationnels qui peuvent influencer le choix du pronom. Le recours plus frĂ©quent au tutoiement dans le privĂ© serait-il le signe dâorganisations plus horizontales, moins pyramidales que celle de la fonction publique, volontiers prĂ©sentĂ©e comme affectĂ©e dâun lourd retard gestionnaire », empĂȘtrĂ©e dans une forme bureaucratique rĂ©putĂ©e immuable Bezes, 2009 ? Nous allons en effet voir maintenant que le recours au tutoiement ascendant semble plus caractĂ©ristique de certains milieux professionnels et de certains types dâorganisation. 3. Le tutoiement, une pratique managĂ©riale ? 37Si, comme nous lâavons vu, la probabilitĂ© de tutoyer est dĂ©pendante des caractĂ©ristiques de la personne elle-mĂȘme son sexe, son Ăąge, sa PCS et de celles de son chef, il faut Ă©galement envisager cette pratique comme dĂ©pendante des contextes. Il y a des organisations oĂč le tutoiement semble encouragĂ© Ă tous les niveaux hiĂ©rarchiques, et ce pour des raisons qui ne tiennent pas quâĂ des questions dâambiance au travail. Le tutoiement au cĆur du nouvel esprit du capitalisme ? 14 Dans un entretien avec ValĂ©rie Boussard, Ăve Chiapello pointait ainsi diffĂ©rents Ă©lĂ©ments prĂ©ca ... 15 MĂȘme si lâanglais, contrairement Ă ce quâon pense gĂ©nĂ©ralement, a presque totalement abandonnĂ©, gra ... 16 Cette influence de lâ aplatissement pronominal » associĂ© Ă lâanglais se retrouve dâailleurs dans l ... 38De nombreux Ă©lĂ©ments laissent Ă penser que le tutoiement au travail sâinscrit dans des stratĂ©gies managĂ©riales visant Ă diminuer la verticalitĂ© » hiĂ©rarchique des organisations. Ăve Chiapello rangeait ainsi, il y a quelques annĂ©es, le tutoiement parmi diffĂ©rentes caractĂ©ristiques typiques des organisations nĂ©o-managĂ©riales14. Yannick Estienne, dans un article sur le mouvement des start-up Estienne, 2005, notait Ă©galement combien le tutoiement sây imposait comme une pratique incontournable, Ă©voquant lâesprit start-up » dans lequel le patron est le copain, le tutoiement de rigueur, la tenue vestimentaire dĂ©contractĂ©e » et comment, Ă travers le tutoiement et la faible division hiĂ©rarchique et fonctionnelle du travail, la start-up casse dĂ©finitivement les reprĂ©sentations vieillies de lâentreprise comme haut lieu de la lutte de classes ». Ă titre dâexemple, une enquĂȘte dans une chaĂźne de restauration rapide bien connue pour ses mĂ©thodes de management ne manque pas de constater que le tutoiement se pratique lĂ aussi Ă tous les Ă©chelons de la hiĂ©rarchie » Weber, 2005, ce quâavait Ă©galement constatĂ© Christophe Brochier 2001 quelques annĂ©es auparavant. Si cela peut dĂ©couler de la forte homogĂ©nĂ©itĂ© gĂ©nĂ©rationnelle de ces entreprises, on peut Ă©galement y voir la gĂ©nĂ©ralisation dâun tutoiement dâinspiration anglo-amĂ©ricaine15, associĂ© Ă lâusage des prĂ©noms dans les interactions quotidiennes16. Il y a donc des raisons de penser que le recours au pronom tu » peut traduire une forme organisationnelle particuliĂšre, et quâil est Ă©ventuellement encouragĂ© par les entreprises elles-mĂȘmes â en somme, quâil existe une injonction managĂ©riale au tutoiement. 39LâenquĂȘte COI ne contient pas dâinformations sur les conditions dans lesquelles le tutoiement a Ă©tĂ© adoptĂ©, ni sur sa frĂ©quence gĂ©nĂ©rale dans lâentreprise â ce qui permettrait de caractĂ©riser dâĂ©ventuelles injonctions organisationnelles au tutoiement â, mais du fait de sa vocation premiĂšre, la base contient un grand nombre de variables dĂ©claratives relatives aux contextes organisationnels et aux Ă©volutions des conditions de travail des salariĂ©s. Or, un certain nombre dâentre elles sont corrĂ©lĂ©es avec le tutoiement Ă lâadresse du supĂ©rieur hiĂ©rarchique. 40Une analyse des correspondances multiples permet de typifier les contextes de travail propices au recours au tutoiement figure 7. Le premier facteur est structurĂ© principalement par une opposition entre les contextes caractĂ©risĂ©s par des changements â quâils soient techniques, organisationnels ou de direction â et ceux qui ne le sont pas. Le deuxiĂšme facteur met ensuite en exergue tout un ensemble de variables relatives au degrĂ© de directivitĂ© et de contrĂŽle du travail ; il oppose les contextes de travail oĂč les mĂ©thodes de travail sont imposĂ©es, oĂč les salariĂ©s reçoivent des ordres explicites, suivent des procĂ©dures de qualitĂ© strictes et sont contrĂŽlĂ©s trĂšs rĂ©guliĂšrement, aux contextes oĂč les formes dâencadrement laissent plus de latitude, tout en leur assignant des objectifs chiffrĂ©s et en les contrĂŽlant pĂ©riodiquement Ă travers des entretiens dâĂ©valuation. 17 Les variables socio-dĂ©mographiques sont bien sĂ»r placĂ©es en supplĂ©mentaire » lors du calcul des f ... 41On peut rĂ©sumer cette opposition par lâexistence de deux dimensions du travail la stabilitĂ© et la directivitĂ©. En haut Ă gauche du plan, lâespace social du vouvoiement est dâabord caractĂ©risĂ© par des contextes de travail relativement stables, oĂč le suivi est peu individualisĂ©, ce qui correspond plutĂŽt aux environnements du travail peu qualifiĂ© ouvriers, employĂ©s. En bas Ă droite, lâespace du tutoiement est celui du travail des cadres et professions intermĂ©diaires, caractĂ©risĂ© par plus de changements, des Ă©valuations individualisĂ©es, des objectifs, des primes, des mĂ©thodes libres assorties dâun contrĂŽle plus Ă©pisodique. Les ACM ne permettant pas de contrĂŽler les effets de structure, nous retrouvons donc logiquement lâeffet sous-jacent des niveaux hiĂ©rarchiques17. Pour Ă©tudier plus en dĂ©tail ces deux dimensions, nous allons successivement aborder ce que le tutoiement doit aux changements contextuels et en quoi il peut ĂȘtre corrĂ©lĂ© aux Ă©volutions des formes de contrĂŽle du travail. Figure 7. Analyse des correspondances multiples ACM EncadrĂ© 3. DĂ©tails de lâACMLe plan factoriel agrĂšge les rĂ©pondants des secteurs public et privĂ© n = 16 134.Les variables actives sont ContrĂŽle frĂ©quence de contrĂŽle du le travail est-il contrĂŽlĂ© par le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct ? le travail est-il contrĂŽlĂ© par des moyens informatiques ou vidĂ©o ? le salariĂ© reçoit-il des ordres, des consignes, suit-il des procĂ©dures ou des modes dâemploi ?MĂ©thode imposĂ©e le supĂ©rieur hiĂ©rarchique impose-t-il la mĂ©thode de travail ou fixe-t-il seulement des objectifs et laisse-t-il libre de les atteindre de diffĂ©rentes maniĂšres ? le salariĂ© fait-il partie dâun groupe de travail de type groupe de projet, de rĂ©solution de problĂšme, de pilotage ?Objectifs le salariĂ© doit-il atteindre des objectifs prĂ©cis ?ProcĂ©dures le salariĂ© suit-il des procĂ©dures qualitĂ© strictes ?AmĂ©liorations le salariĂ© a-t-il pu proposer derniĂšrement des amĂ©liorations de son poste de travail, des procĂ©dĂ©s, des machines ?Primes une partie ou la totalitĂ© de la rĂ©munĂ©ration est-elle variable ?EvaluĂ© le salariĂ© a-t-il au moins un entretien dâĂ©valuation par an ?Chg Tech le salariĂ© a-t-il constatĂ© des changements techniques dans son travail durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant lâenquĂȘte ?Chg Org le salariĂ© a-t-il constatĂ© des changements organisationnels durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant lâenquĂȘte ?Chg dir° le salariĂ© a-t-il constatĂ© un changement de direction, un rachat ou une restructuration de son entreprise durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant lâenquĂȘte ?Les variables supplĂ©mentaires sont Sexe, Ăge et PCS. Le tutoiement corrĂ©lĂ© aux changements organisationnels dans le secteur privĂ© 18 Les diffĂ©rences que lâon observe, si elles vont toutes dans le sens dâune lĂ©gĂšre intensification du ... 42Dans le secteur privĂ©, le tutoiement est plus frĂ©quent dans les contextes de changement. Lorsque les salariĂ©s mentionnent une restructuration, un rachat, ou un changement dans lâĂ©quipe de direction » dans les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, la proportion des rĂ©pondants Ă dĂ©clarer tutoyer leur chef direct progresse de 10 points de pourcentage ; lorsquâil sâagit de changements dans les façons de travailler ou dans lâorganisation du travail », lâĂ©cart est de 9 points ; enfin, en cas de changements dans les techniques utilisĂ©es, ce taux augmente de 7 points. Ces Ă©lĂ©ments laissent donc Ă penser que les changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© sâaccompagnent tous dâune intensification du tutoiement, phĂ©nomĂšne que lâon ne retrouve pas avec la mĂȘme intensitĂ© dans le secteur public18. Mais, dans la mesure oĂč les changements sont dĂ©clarĂ©s dâautant plus frĂ©quemment que les rĂ©pondants sont Ă©levĂ©s dans la hiĂ©rarchie, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de mesurer leur effet sur le tutoiement toutes choses Ă©gales par ailleurs. 43Un modĂšle de rĂ©gression logistique intĂ©grant notamment lâeffet des changements dĂ©clarĂ©s sur le tutoiement tableau 3 permet de constater quâil existe bien un effet propre des changements organisationnels et plus encore des changements de direction sur la probabilitĂ© de tutoyer son chef, mĂȘme si ces effets ne sâobservent, ici encore, que dans le secteur privĂ©. Les salariĂ©s du privĂ© qui dĂ©clarent ces types de changements ont en effet une probabilitĂ© significativement plus Ă©levĂ©e de tutoyer leur chef, rĂ©sultat que lâon nâobserve pas en prĂ©sence de changements techniques, ce qui semble finalement assez logique ce nâest que lorsque les changements dĂ©clarĂ©s concernent les relations interpersonnelles au travail via lâorganisation ou lorsque les tĂȘtes changent que le tutoiement gagne du terrain. Sâil nâest question que de technique, il nây a logiquement pas de raison que les rapports interpersonnels Ă©voluent significativement. Dans le secteur public, les changements dĂ©clarĂ©s nâont pas dâeffet statistiquement significatif sur le tutoiement. LĂ encore, le secteur public se signale par des rĂšgles dâadresse peu sensibles au contexte. Figure 8. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction des changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© Source et champ voir la figure 1 secteur privĂ© uniquement. Tableau 3. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source et champ voir la figure 1. Le tutoiement, marqueur dâune moindre directivitĂ© du travail ? 44Pour dĂ©terminer vers quelles formes dâorganisation ces changements conduisent, et en quoi elles peuvent favoriser le tutoiement, il faut aller puiser dans les parties du questionnaire relatives aux conditions de travail. On constate alors que le tutoiement est corrĂ©lĂ© Ă certaines formes dâorganisation du travail oĂč la directivitĂ© est faible. 45Lorsque les salariĂ©s du privĂ© ont par exemple la possibilitĂ© dâadapter leur mĂ©thode de travail en fonction des besoins â que leur travail est dĂ©fini par des objectifs Ă atteindre et non par des mĂ©thodes â ou quâils ont la possibilitĂ© de suggĂ©rer des amĂ©liorations de leur poste de travail, le tutoiement est systĂ©matiquement plus frĂ©quent. Dans le mĂȘme esprit, les salariĂ©s participant Ă des groupes de travail de type groupe de projet » autour de 20 % des rĂ©pondants tutoient leur chef Ă hauteur de 77 %, contre seulement 62 % de ceux qui nâen sont pas membres. Chez les seuls cadres, dĂ©jĂ plus enclins que les autres groupes Ă tutoyer leur chef, on atteint mĂȘme 80 % de tutoiement contre 72 % chez ceux qui ne participent pas Ă ces groupes. Dans la mesure oĂč ils ont prĂ©cisĂ©ment pour fonction de passer outre les divisions hiĂ©rarchiques et fonctionnelles en rĂ©unissant des salariĂ©s dĂ©pendant de directions distinctes et de niveaux divers, les groupes de projet sont des lieux tout Ă fait propices Ă lâadoption dâun tutoiement Ă©galitaire par-delĂ les distinctions hiĂ©rarchiques. Le tutoiement sâassocie donc Ă une certaine autonomie dans lâorganisation du travail, typique dâune gestion par projets oĂč les salariĂ©s sont fortement responsabilisĂ©s. Mais, le fait est connu, cette autonomie sâassortit gĂ©nĂ©ralement de formes moins directes â mais non moins agissantes â de contrĂŽle hiĂ©rarchique, notamment via des objectifs chiffrĂ©s dont lâatteinte est Ă©valuĂ©e pĂ©riodiquement. Un tutoiement associĂ© au management par objectifs dans le secteur privĂ© 46Ainsi, dans le secteur privĂ©, le tutoiement du chef est effectivement plus frĂ©quent chez les salariĂ©s qui doivent atteindre des objectifs chiffrĂ©s 67 %, + 11 points et chez ceux qui ont des parts salariales variables 70 %, + 8 points. De mĂȘme, 72 % des salariĂ©s qui font lâobjet dâun entretien annuel dâĂ©valuation tutoient leur chef, contre Ă peine 57 % de ceux qui nâen font pas. Dans le secteur public, on observe Ă©galement une corrĂ©lation entre parts salariales variables et tutoiement 53 %, + 13 points. 47Une fois de plus, il convient de contrĂŽler les effets de structure, car ces pratiques sont beaucoup plus frĂ©quentes chez les cadres, tout particuliĂšrement dans le secteur privĂ©. Ces derniers sont gĂ©nĂ©ralement ceux par qui et sur qui les mĂ©thodes managĂ©riales se diffusent en premier. Aussi, les diffĂ©rentes variables caractĂ©ristiques dâun management par objectifs ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es dans le modĂšle de rĂ©gression prĂ©sentĂ© plus haut tableau 3. 48On constate alors que dans le secteur privĂ©, lâassignation dâobjectifs chiffrĂ©s, les parts salariales variables, les entretiens individuels et lâautonomie dans les mĂ©thodes de travail accroissent bien â toutes choses Ă©gales par ailleurs â la probabilitĂ© de recourir au tutoiement dans les relations hiĂ©rarchiques. IndĂ©pendamment des caractĂ©ristiques des salariĂ©s et de leurs chefs, lĂ oĂč se conjuguent changements organisationnels et mĂ©thodes managĂ©riales basĂ©es sur la responsabilisation individuelle, le tutoiement est plus frĂ©quent. Il semble mĂȘme que ces transformations viennent affaiblir lâeffet des frontiĂšres hiĂ©rarchiques que nous avions observĂ©es dans la premiĂšre partie lorsque les salariĂ©s sont exposĂ©s aux mĂȘmes changements et aux mĂȘmes mĂ©thodes managĂ©riales, le fait dâĂȘtre ouvrier ou employĂ© ne diminue plus significativement la probabilitĂ© de tutoyer son chef, comparativement aux professions intermĂ©diaires. Seuls les cadres se distinguent encore du reste des rĂ©pondants par une probabilitĂ© significativement plus Ă©levĂ©e de tutoyer leur n+1. Dâun point de vue linguistique, les outils managĂ©riaux semblent donc produire un lissage apparent des frontiĂšres hiĂ©rarchiques de bas niveau dans le secteur privĂ©. 49Ces rĂ©sultats cadrent avec le portrait idĂ©al-typique dâun travailleur du privĂ© soumis aux injonctions paradoxales du nĂ©o-management plus autonome, encouragĂ© Ă prendre des initiatives, associĂ© aux projets de sa structure, mais dans le mĂȘme temps Ă©valuĂ© de maniĂšre quantitative Ă Ă©chĂ©ances rĂ©guliĂšres et motivĂ© par des avantages financiers. Ce salariĂ© ne peut quâentretenir un rapport ambigu Ă sa hiĂ©rarchie, qui se pare de tous les attributs de la proximitĂ©, se laissant dâautant plus la possibilitĂ© dâinvestir un rapport interpersonnel gommant les signes de lâautoritĂ© formelle en adoptant notamment le tutoiement que cette autoritĂ© sâexerce bel et bien en arriĂšre-plan par lâusage dâoutils standardisĂ©s qui mĂ©dient le contrĂŽle et lâautoritĂ©, voire permettent de le transfĂ©rer Ă des entitĂ©s extĂ©rieures. Lâadoption du tutoiement peut alors ĂȘtre le signe dâun transfert des marqueurs et des vĂ©hicules de lâautoritĂ© hiĂ©rarchique dans les organisations. La figure du petit chef » ne sâimpose plus dĂšs lors que le contrĂŽle du travail sâeffectue de maniĂšre pĂ©riodique via des indicateurs chiffrĂ©s. Le vouvoiement public, signe dâune rĂ©sistance du modĂšle bureaucratique ? 50Dans le secteur public, oĂč la diffusion des outils managĂ©riaux Ă©tudiĂ©s Ă©tait pourtant dĂ©jĂ notable au moment de lâenquĂȘte Guillemot et Jeannot, 2013, on ne trouve dâeffet significatif sur le tutoiement que pour les entretiens dâĂ©valuation, qui sont le seul Ă©lĂ©ment contextuel Ă augmenter significativement la probabilitĂ© du tutoiement chez les agents de lâĂtat. On pourrait y voir un signe de la diffusion dâoutils managĂ©riaux typiques du secteur privĂ© Ă lâintĂ©rieur de lâĂtat. Lâentretien professionnel nâest-il pas lâun des leviers de reconnaissance de la performance » des fonctionnaires Chanut et Rojot, 2011 ? Sans doute faut-il prendre en compte ici le fait que les entretiens dâĂ©valuation peuvent avoir des fonctions assez diffĂ©rentes en fonction des secteurs. Dans le secteur privĂ©, lâentretien dâĂ©valuation est souvent un moment propice aux Ă©changes concernant la rĂ©munĂ©ration, lâĂ©volution de carriĂšre, en lien avec lâatteinte ou non des objectifs chiffrĂ©s ; ils sont un moment clĂ© du fonctionnement contractuel du management par objectifs. Dans le secteur public, malgrĂ© une volontĂ© constamment rĂ©pĂ©tĂ©e de mieux reconnaĂźtre les mĂ©rites », le caractĂšre impersonnel du statut limite la possibilitĂ©, pour le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct, de nĂ©gocier pareillement les conditions dâemploi de lâagent. Lâentretien dâĂ©valuation se mue alors en un moment dâĂ©change relativement formel du fait de son intĂ©gration dans la gestion administrative des carriĂšres » Guillemot et Jeannot, 2013. Il faut donc prendre avec prudence la portĂ©e managĂ©riale dâun dispositif dâĂ©valuation aussi gĂ©nĂ©ralisĂ©. Au sein de la fonction publique, les discours sur lâamĂ©lioration de la gestion des ressources humaines » ont longtemps Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă nâĂȘtre quâune rhĂ©torique vide, compte tenu des contraintes affĂ©rentes du statut » Chevalier, 2010. 51Les entretiens dâĂ©valuation mis Ă part, on ne trouve pas dâeffet propre de la diffusion de mĂ©thodes managĂ©riales inspirĂ©es du secteur privĂ© sur le recours au tutoiement dans le secteur public en 2006. Les normes langagiĂšres dans les rapports hiĂ©rarchiques au sein de la fonction publique dâĂtat semblent donc peu sensibles aux changements gestionnaires et aux tentatives dâinstaurer un management plus individualisĂ©, Ă lâimage de ce quâon a pu observer dans le secteur privĂ©. Pour le confirmer, nous avons rĂ©alisĂ© un modĂšle synthĂ©tique rĂ©unissant les deux secteurs tableau 3, modĂšle ensemble » afin de vĂ©rifier lâexistence dâun effet propre de lâappartenance au secteur public sur le tutoiement. En contrĂŽlant les diffĂ©rences dans la composition des populations ainsi que les changements dĂ©clarĂ©s, un agent du secteur public conserve toujours des chances de tutoyer son chef deux fois moindres que celles dâun salariĂ© du privĂ©. 52Il demeure donc un effet propre de lâappartenance Ă la fonction publique dâĂtat sur la probabilitĂ© de tutoyer son chef. La fonction publique dâĂtat possĂšde un rĂ©pertoire pronominal spĂ©cifique peu sensible aux transformations contextuelles. MalgrĂ© la tentation de dĂ©bureaucratiser » lâadministration et la tendance de lâĂtat Ă sâinspirer du secteur privĂ© pour abandonner la diffĂ©rentiation nĂ©gative » de son modĂšle dâemploi Emery et Giauque, 2005, p. 682, le recours plus frĂ©quent au vouvoiement dans lâĂtat, tel quâil se donnait Ă voir en 2006, montre les limites inhĂ©rentes Ă toute dĂ©marche visant Ă manager » les fonctionnaires comme des salariĂ©s du privĂ© Buisson et Peyrin, 2017. Lâattachement au vouvoiement chez les fonctionnaires dâĂtat traduit peut-ĂȘtre la rĂ©sistance dâun modĂšle bureaucratique qui se dĂ©finit notamment par sa forte verticalitĂ© et une distribution claire des rĂŽles dans la hiĂ©rarchie » Guillemot et Jeannot, 2013. Cette question apparemment anodine du choix du pronom traduit peut-ĂȘtre de maniĂšre trĂšs rĂ©vĂ©latrice les limites des tentatives dâhybridation des mĂ©thodes gestionnaires portĂ©es par la nouvelle gestion publique » Bezes, 2005 en matiĂšre de gestion des personnels. 4. Conclusion 19 Revenant sur un travail de Jean-Gustave Padioleau rĂ©alisĂ© au journal Le Monde en 1985, EugĂ©nie SaĂŻt ... 53Tutoyer son chef nâest pas exclusivement le produit dâun intuitu personae, dâun feeling » entre personnes le recours Ă des donnĂ©es quantitatives permet de faire ressortir clairement lâexistence de rĂšgles dâadresse toujours agissantes dans la vie professionnelle ; le tutoiement, sâil est majoritaire, reste bien lâobjet dâune codification dĂ©pendant des rapports sociaux entre le subordonnĂ© et son chef, rapports qui conditionnent largement la possibilitĂ© dâun recours Ă la sĂ©mantique de solidaritĂ© » quâimplique le tu ». Les trois frontiĂšres sociales mises en lumiĂšre par D. Guigo Ă la fin des annĂ©es 1980 sont toujours bien prĂ©sentes. Nous avons notamment vu que les hommes, quel que soit leur niveau hiĂ©rarchique, tutoient toujours plus leur chef que les femmes et que ces derniĂšres, mĂȘme sous lâautoritĂ© de femmes, semblent toujours moins opter pour le tu ». On a Ă©galement pu voir que la frĂ©quence du tutoiement Ă©tait proportionnelle au niveau hiĂ©rarchique on se permet » dâautant plus de tutoyer son chef quâon est soi-mĂȘme Ă©levĂ© dans la hiĂ©rarchie professionnelle. Enfin, nous avons vu que lâĂąge et la gĂ©nĂ©ration jouaient Ă©galement un rĂŽle lâĂąge parce que le tutoiement est toujours plus facile avec nos congĂ©nĂšres ; la gĂ©nĂ©ration parce que les salariĂ©s les plus ĂągĂ©s semblent les plus respectueux des rĂšgles dâadresse. Ce dernier rĂ©sultat nous pousse Ă faire lâhypothĂšse dâune rarĂ©faction progressive du vouvoiement au travail, hypothĂšse qui nâest pas contredite par la mise en perspective de nos rĂ©sultats avec ceux de D. Guigo, mĂȘme sâil sâagit de donnĂ©es bien diffĂ©rentes des nĂŽtres et logiquement incommensurables. En insistant sur le caractĂšre Ă©lectif du tutoiement, son travail ethnographique laisse imaginer la raretĂ© relative de cette rĂšgle dâadresse au tournant des annĂ©es 1990, ce qui permet de saisir, par comparaison, Ă quel point certains formalismes qui sâimposaient encore il y a une trentaine dâannĂ©es dans les rapports interpersonnels semblent avoir reculĂ©. Un certain nombre des styles mis en lumiĂšre Ă lâĂ©poque nâont probablement plus beaucoup cours et le tutoiement, qui paraissait alors une forme trĂšs marquĂ©e de proximitĂ©, semble sâĂȘtre banalisĂ© dans lâintervalle. Les marqueurs langagiers de la hiĂ©rarchie semblent sâaffaiblir, au mĂȘme titre que dâautres formalismes, notamment vestimentaires19. 20 Oderint, dum metuant. 54Nous avons ensuite vu comment le tutoiement pouvait ĂȘtre le marqueur de changements organisationnels allant dans le sens dâune diffusion de pratiques dâinspiration nĂ©o-managĂ©riale oĂč cohabitent Ă©troitement lâautonomie, le travail par projets et une plus forte redevabilitĂ© du travail le relĂąchement formel dans les interactions sâaccompagne volontiers de plus de comptes Ă rendre, Ă travers lâassignation dâobjectifs chiffrĂ©s dĂ©bouchant sur des Ă©valuations pĂ©riodiques. On peut dĂšs lors voir dans le tutoiement le signe dâune transformation des rapports de pouvoir dans les organisations, libĂ©rant les cadres de contact de leurs fonctions de coercition directe, de surveillance et de contrĂŽle du travail â lesquelles sâaccompagnaient volontiers dâune dĂ©fĂ©rence forcĂ©e de la part des subordonnĂ©s â, sans toutefois que disparaissent totalement les rapports de pouvoir liĂ©s Ă lâexercice dâune fonction hiĂ©rarchique. On peut se laisser tutoyer, donner une grande autonomie, le contrĂŽle nâen est pas moins agissant il est seulement transfĂ©rĂ© au suivi quantitatif et ses manifestations sont espacĂ©es dans le temps. Ămergerait donc, dans le cadre professionnel, une sĂ©mantique qui brouille les catĂ©gories de R. Brown et A. Gilman 1960 il existe aujourdâhui un tutoiement hybride qui ne sâinscrit pas tout Ă fait dans une sĂ©mantique de la solidaritĂ© » ni nâabdique toute prĂ©tention Ă lâexercice du pouvoir. Paraphrasant Caligula, Ă qui lâon prĂȘte la cĂ©lĂšbre formule inspirĂ©e de TibĂšre quâils me haĂŻssent, pourvu quâils me craignent »20, les responsables hiĂ©rarchiques dâaujourdâhui pourraient dire quâils me tutoient, pourvu quâils mâobĂ©issent ». Haut de page Bibliographie Austin, J. L., 1962, How To Do Things With Words. Oxford University Press, New York. BĂ©al, C., 1989, âOn se tutoie ?â Second Person Pronominal Usage and Terms of Address in Contemporary French », Australian Review of Applied Linguistics, vol. 12, n° 1, p. 61-82. Bernard, S., 2014, Le travail de lâinteraction. CaissiĂšres et clients face Ă lâautomatisation des caisses », SociĂ©tĂ©s contemporaines, n° 94, p. 93-119. Bezes, P., 2005, Le modĂšle de âlâĂtat stratĂšgeâ genĂšse dâune forme organisationnelle dans lâadministration française, Sociologie du travail, vol. 47, n° 4, p. 431-450. Bezes, P., 2009, RĂ©inventer lâĂtat. Les rĂ©formes de lâadministration française 1962-2008, Presses universitaires de France, Paris. 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DGAFP Direction gĂ©nĂ©rale de lâAdministration et de la Fonction Publique FPE Fonction publique de lâĂtat FPH Fonction publique hospitaliĂšre FPT Fonction publique territoriale INSEE Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques PCS Professions et catĂ©gories socio-professionnelles REPONSE EnquĂȘte statistique menĂ©e par la DARES, dont le nom complet est Relations professionnelles et nĂ©gociations dâentreprise » SESSI Service dâĂ©tude des stratĂ©gies et des statistiques industrielles de lâINSEE Haut de page Notes 1 On peut par exemple trouver dans des articles qui traitent du sujet une recommandation simple proposant une distinction entre un tutoiement rĂ©servĂ© aux proches, aux enfants et aux animaux, et un vouvoiement plus gĂ©nĂ©ralement adressĂ© aux inconnus Ismail et al., 2014. 2 Sâil est connu que toutes les langues nâopĂšrent pas une telle distinction, aucune ne se prive cependant totalement de marqueurs de dĂ©fĂ©rence Ă travers par exemple lâusage dâune dĂ©nomination officielle, dâun titre ou au contraire dâun prĂ©nom, etc. 3 Les nobles tutoient les gens du peuple, et ceux-ci utilisent le vous Ă lâĂ©gard des seigneurs. Les gens du peuple eux-mĂȘmes tutoient les mendiants, qui en retour pratiquent le vouvoiement. Dans le cercle familial, quel que soit le niveau social, les parents recourent au tu quand ils sâadressent Ă leurs enfants, et ceux-ci utilisent le vous en retour, ce qui permet aux enfants de se familiariser dĂšs lâĂąge le plus tendre avec la relation asymĂ©trique ou non rĂ©ciproque de pouvoir quâils retrouveront plus tard Ă lâĂ©chelle de la sociĂ©tĂ© » Peeters, 2004, p. 4-5. 4 Le fameux Ă©change entre N. Sarkozy et un visiteur du salon de lâagriculture en 2008 est tout Ă fait illustratif de ce principe. Ce dernier, refusant de serrer la main du premier, lui a dit Touche-moi pas tu me salis ». On note que la charge offensante Ă©tait volontairement redoublĂ©e par le tutoiement. La rĂ©ponse Eh ben alors casse-toi, pauvâ con ! » a contribuĂ© Ă abaisser » la fonction prĂ©sidentielle aux yeux des commentateurs, du fait de lâinsulte Ă©videmment, mais aussi du fait du tutoiement, qui est apparu dĂ©placĂ©, mais largement prĂ©visible chez un homme politique connu pour tutoyer tout le monde, Ă commencer par les journalistes Carton, 2003. 5 Les sigles et acronymes utilisĂ©s dans lâarticle sont dĂ©taillĂ©s en annexe. 6 Certains styles sont en effet non attestĂ©s selon le sexe des protagonistes ou trĂšs directement dĂ©pendants de leurs sexes respectifs. Le style militaire » â au charme surannĂ© â nom de famille + tu Lambert, tu viens manger ? » Ă©tait strictement masculin, tandis que le style amĂ©ricain » prĂ©nom + vouvoiement nâĂ©tait pratiquĂ© que par les hommes Ă lâadresse des femmes souvent de niveau hiĂ©rarchique infĂ©rieur ou entre femmes mais jamais, selon D. Guigo, par une femme Ă lâadresse dâun homme. Lâauteur ne nĂ©glige cependant pas que la trĂšs faible fĂ©minisation de la direction quâil a Ă©tudiĂ©e diminuait la probabilitĂ© dâune telle situation. 7 Lâextension de lâenquĂȘte COI Ă lâadministration dâĂtat permet cependant dâaborder de maniĂšre originale la question du devenir de la bureaucratie dans un contexte marquĂ© par la rĂ©fĂ©rence au marchĂ© et au modĂšle de gestion du privĂ© » Guillemot et Jeannot, 2013, p. 87. 8 Il est ainsi notable que le tutoiement du chef progresse de prĂšs de 10 points chez les salariĂ©s qui travaillent de nuit. Ainsi, certains contextes de travail pĂ©nibles favorisent peut-ĂȘtre lâĂ©mergence de relations dĂ©barrassĂ©es des formalismes usuels, mĂȘme si, lĂ encore, le travail de nuit concerne plus des hommes. 9 Situation assez rare au demeurant, qui ne concernait que 10 % des hommes dans la base COI. 10 Ce phĂ©nomĂšne semble dâailleurs dâautant plus sensible que lâĂ©cart dâĂąge a toutes les chances dâĂȘtre relativement faible lorsque le rĂ©pondant est ĂągĂ©. Du fait des dĂ©parts Ă la retraite, la probabilitĂ© dâavoir un chef beaucoup plus ĂągĂ© que soi diminue logiquement avec la montĂ©e en Ăąge. 11 Les trois barriĂšres sexe, Ăąge, hiĂ©rarchie se renforcent mutuellement. Toute familiaritĂ© est pratiquement exclue si plusieurs barriĂšres se superposent on ne voit presque jamais une jeune collaboratrice tutoyer un chef de service dâĂąge respectable, ni un jeune cadre dire Tu Ă une employĂ©e ĂągĂ©e » Guigo, 1991, p. 47. 12 On trouve par exemple, dans un article de Philippe Charrier relatif aux hommes exerçant le mĂ©tier de sage-femme, un verbatim dâentretien qui traduit cette diffĂ©rence entre hommes et femmes dans la maniĂšre dâenvisager les frontiĂšres hiĂ©rarchiques DĂ©jĂ la relation que jâai pu avoir avec les diffĂ©rents gynĂ©cos et surtout les gynĂ©cos hommes, moi en tant quâhomme on a un contact nettement plus simple. Câest-Ă -dire quâon peut plus facilement passer au tutoiement, enfin cette notion de hiĂ©rarchie entre le mĂ©decin et la sage-femme Ă©tait beaucoup moins marquĂ©e, moi en tant quâhomme quâavec certaines collĂšgues femmes » Charrier, 2007, p. 111. 13 La taille respective des deux bases peut Ă©videmment ĂȘtre en cause, mais les quelque 1500 rĂ©pondants dans la FPE devraient permettre une certaine consolidation statistique des rĂ©sultats. Ce nâest pas le cas. 14 Dans un entretien avec ValĂ©rie Boussard, Ăve Chiapello pointait ainsi diffĂ©rents Ă©lĂ©ments prĂ©carisation croissante des salariĂ©s, rĂ©duction du nombre de niveaux hiĂ©rarchiques, modification plus frĂ©quente du contenu du travail et des structures organisationnelles, dĂ©veloppement du tutoiement au travail, illĂ©gitimitĂ© des comportements autoritaires, attention croissante aux compĂ©tences de nĂ©gociation et de communication des cadres » Boussard, 2005, p. 12, nous soulignons. 15 MĂȘme si lâanglais, contrairement Ă ce quâon pense gĂ©nĂ©ralement, a presque totalement abandonnĂ©, grammaticalement parlant, le tutoiement thou au profit du vouvoiement systĂ©matique you. Il reste que la question grammaticale sâefface derriĂšre la logique sociale en lâabsence de nivellement entre pronoms, le dernier utilisĂ©, fĂ»t-il distanciĂ© Ă lâorigine, devient inĂ©vitablement Ă©galitaire, ce qui nâempĂȘche nullement de signifier la dĂ©fĂ©rence par dâautres moyens usage de titres, etc.. 16 Cette influence de lâ aplatissement pronominal » associĂ© Ă lâanglais se retrouve dâailleurs dans les donnĂ©es de lâenquĂȘte COI, puisque le tutoiement est corrĂ©lĂ© Ă la frĂ©quence dâutilisation de lâanglais au travail 86 % des cadres du privĂ© qui le parlent frĂ©quemment au travail tutoient leur chef, contre 65 % de ceux qui ne le parlent jamais. 17 Les variables socio-dĂ©mographiques sont bien sĂ»r placĂ©es en supplĂ©mentaire » lors du calcul des facteurs voir lâencadrĂ© 3. 18 Les diffĂ©rences que lâon observe, si elles vont toutes dans le sens dâune lĂ©gĂšre intensification du tutoiement en contexte de changement, ne sont pas ou trĂšs peu significatives statistiquement. 19 Revenant sur un travail de Jean-Gustave Padioleau rĂ©alisĂ© au journal Le Monde en 1985, EugĂ©nie SaĂŻtta relĂšve une Ă©volution notable Les hiĂ©rarchies internes [âŠ] apparaissent plus attĂ©nuĂ©es en 2001 quâauparavant. Premiers Ă©lĂ©ments de changement, lâabandon du vouvoiement pour le tutoiement systĂ©matique, et du costume cravate pour un libre arbitre dans le choix vestimentaire, certains journalistes se contentant dâun jean et dâun tee-shirt » SaĂŻtta, 2005, p. 193. 20 Oderint, dum de page Table des illustrations Titre Figure 1. RĂšgle dâadresse utilisĂ©e avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source enquĂȘtes COI et COI-FP 2006 / volet salariĂ©s », Statistique publique, salariĂ©s ayant au moins un an dâanciennetĂ© des entreprises de plus de vingt salariĂ©s secteur privĂ© et agents de la FPE hors enseignants et magistrats. Uniquement les salariĂ©s travaillant au contact direct de leur chef ». DonnĂ©es pondĂ©rĂ©es. URL Fichier image/png, 53k Titre Figure 2. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 43k Titre Tableau 1. Tutoiement ou vouvoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur privĂ© â en % LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 privĂ© uniquement. URL Fichier image/png, 377k Titre Figure 3. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du sexe du rĂ©pondant LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 43k Titre Figure 4. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de la PCS et du secteur LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 77k Titre Figure 5. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de lâĂ©cart dâĂąge LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 66k Titre Figure 6. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct lorsquâil est plus ĂągĂ© en fonction de lâĂąge LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 + salariĂ©s dont le chef » est plus ĂągĂ© quâeux n = 6919.Lecture 58 % des salariĂ©s de moins de 30 ans tutoient leur chef lorsquâil est plus ĂągĂ©. URL Fichier image/png, 60k Titre Tableau 2. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source et champ voir la figure les trois modĂšles privĂ© n = 14 121, public n = 1 214, ensemble n = 15 358 comparent les chances p/1-p de tutoyer son chef entre une situation de rĂ©fĂ©rence homme entre 30 et 39 ans, de niveau profession intermĂ©diaire », ayant un chef du mĂȘme sexe et de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et une situation qui ne se diffĂ©rencie de la rĂ©fĂ©rence que par un critĂšre Ă la fois. Si les odds ratio sont supĂ©rieurs Ă 1, lâeffet estimĂ© est positif ; sâils sont compris entre 0 et 1, lâeffet est nĂ©gatif. Ainsi, dans le secteur privĂ©, si au lieu dâĂȘtre un homme, la rĂ©pondante est une femme, les chances quâelle tutoie son chef sont deux fois moindres contre 1. Les astĂ©risques accolĂ©s Ă lâodd ratio renseignent la significativitĂ© de lâeffet mesurĂ© *** significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 % et * au seuil de 10 %. URL Fichier image/png, 225k Titre Figure 7. Analyse des correspondances multiples ACM URL Fichier image/png, 13k Titre Figure 8. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction des changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 secteur privĂ© uniquement. URL Fichier image/png, 104k Titre Tableau 3. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 358k Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Alex Alber, Tutoyer son chef. Entre rapports sociaux et logiques managĂ©riales », Sociologie du travail [En ligne], Vol. 61 - n° 1 Janvier-Mars 2019, mis en ligne le 07 mars 2019, consultĂ© le 28 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Alex AlberCitĂ©s, territoires, environnement et sociĂ©tĂ©s, Ă©quipe Construction sociale et politique des espaces, des normes et des trajectoires » CITERES/COST, UMR 7324 CNRS et UniversitĂ© de Tours, MSH Villes et Territoires, BP 60449, 37204 Tours Cedex 03, FranceChercheur associĂ© au CEET/ de page
Bonjour Je suis totalement d'accord avec le message d'Arnaud, et bien que je tutoie assez facilement, j'ai toujours mis le respect des autres en avant âet le vouvoiement en est l'une des marques, du moins c'est ce que l'on m'a enseignĂ© lorsque j'Ă©tais gamine (je sais, cela fait plusieurs dĂ©cennies )â et n'ai jamais Ă©tĂ© la premiĂšre Ă tutoyer un
Si tu es sage, tu sais mamie avec sa petite retraite elle peut pas toujours donner beaucoup. Mais tu auras ton orange promis » dit-je dâun air amusĂ©e en reprenant la voix tremblante dâune personne ĂągĂ©e. Nous sommes vĂ©ritablement deux gamines qui se chercher des noises. Faut dire quâil nâen fallait pas beaucoup pour le pouffai Ă©touffant mon rire dans mes mains, visualisant la scĂšne cocasse dâune Weir complĂštement Ă©berluĂ©e de voir deux amants. Elle ne devait pas beaucoup se faire bousculer la vieille impĂ©ratrice. Faut dire quâelle donnait autant envie que de se taper un rĂ©verbĂšre ! Et je suis certaine quâon peut prendre son pied avec ce type dâobjet, bien mieux quâavec elle. Oh que jâaurais aimĂ© quâon filme sa tĂȘte ! » jâavais du mal Ă mâarrĂȘter de rire et finalement, aprĂšs quelques secondes et la larme Ă lâĆil, je rĂ©ussis Ă me ils avaient Ă©tĂ© idiot, mais si lâamour Ă©tait quelques choses dâintelligent, il aurait moins de problĂšme ! Personnellement, je me sentais bien contente dâignore ce genre de problĂ©matique. Avec ma perception du couple et de la notion dâamour, je mâĂ©pargnai des souffrances dĂ©testables. MĂȘme si je devais lutter contre ma nature humaine de verser dans le sentimental. Câest une dĂ©fense, un bouclier qui pouvait se briser un jour et jâespĂšre que cela nâarrive pas. DĂ©jĂ , que jâavais trop investit avec Blanche, hors de question de vivre ce genre dâĂ©mois. MĂȘme si lâhistoire est belle. Mais, nous ne parlions pas dâe moi, mais de ma charmante amie, qui mĂȘme si elle avait Ă©tĂ© idiote, elle avait ses raisons. Rien nâest facile dans les relations humaines. Oui, mais bon les relations sont toujours stupides, tant que ça se finit bien câest le principale » ce fut ma petite conclusion. hĂ©hĂ©, je vais finir par lâouvrir cette nurserie ! »Je lui fis un beau sourire Ă son remerciement, entre deux bĂąillements. Je perçue son regard tendre que je lui rendis par mimĂ©tisme et parce que je lâaffectionnai aussi. Jâai pleins dâidĂ©e si besoin » oui je ne manquais pas de vacheries en rĂ©serve. Je lui donnai avec prĂ©cision, quand jâallais partir dans les songes, lui donnant la possibilitĂ© dâĂ©changer sur mon agression si besoin. AprĂšs tout, jâignore si elle va sâen servir pour son enquĂȘte. Je lui souris quand elle me toucha le bras. Le chat Ă©tait en creux de me ventre bien installĂ© et en train de ronronner. Panda » je montra le soldat Ă cĂŽtĂ© de moi Viens tous les soirs chercher les filles du corps mĂ©dicale, cette fois, il avait dĂ» avoir du retard puisque jâai finis tard du a lâopĂ©ration de Matt. JâĂ©tais seule et donc il mâa raccompagnĂ©e, me proposant quâon aille dĂ©gourdir les jambes de Kalash son chien sur les digue. Jâadore ce chien ! » Jâeue un sourire tendre pour lâanimal Je te le montrerai un jour, il est superbe. Bref. En allant dans un couloir, il y a eu deux types qui ont crus bon de faire de lâhumour et qui dĂ©sirai mâagresser. Je ne sais pas trop encore si Panda câest fait piĂ©gĂ© ou non, mais ils se connaissaient. Bref, je me suis fait plaquer par lâun des loubard et Panda câest battue. Je me suis enfuis, jusquâĂ un laboratoire que je pensais vide et finalement il y avait Mike Femens dedans. On a Ă©laborĂ© un plan, les soldats sont arrivĂ©s, ont leur a balancer une plante qui a explosĂ© sur eux. Ăa nâa pas si bien marchĂ©, car Mike câest retrouver attachĂ© Ă une chaise et moi, au pied dâune table en petite tenue, dans le but de me faire violer. Bon ils mâont frappĂ© car je ne tenais pas en place. Et au moment, oĂč ma culotte allait glisser, Panda Ă dĂ©barquer, Mike câest libĂ©rer et les vilains sont tombĂ© Ă terre. Jâai soignĂ© Panda qui Ă©tait Ă moitiĂ© mort et je me suis Ă©vanouie, hypothermie » se fut du sacrĂ© rĂ©sumĂ© en tout jeta un coup dâĆil au soldat qui Ă©tait dans le coltard, quand Isia le lui montra. Elle la laissa se lancer dans son rĂ©cit, sans chercher Ă lâarrĂȘter, lui narrant les Ă©vĂšnements comme elle les avait perçus. La jeune femme nâĂ©tait pas rassurĂ©e de se dire que lâhomme qui lâavait peut-ĂȘtre piĂ©gĂ© Ă©tait hospitalisĂ© dans la mĂȘme piĂšce quâelle, mais manifestement, il sâĂ©tait battu bec et ongle pour la sortir de lĂ . Alors il sâĂ©tait peut-ĂȘtre retrouvĂ© dans un jeu qui le dĂ©passait. Une enquĂȘte serait ouverte, bien entendu. La consultante hocha de la tĂȘte quand elle lui proposa de rencontrer le chien. Elle lâavait entraperçue Ă la soirĂ©e Santa. Isia nâavait pas subi passivement, du coup, elle sâen remettrait sĂ»rement bien. Une sacrĂ©e aventure », dit-elle. Elle avait Ă©tĂ© complĂšte. NĂ©anmoins, certaines questions vinrent Ă Erin, qui lui demanda donc. Tu avais dĂ©jĂ eu Ă voir avec ces hommes ? Ils voulaient quelque chose en particulier ? Ils nâauraient rien dit des fois sur la personne qui les a envoyĂ©e ? Si je vais trop vite, nâhĂ©site pas Ă me le dire. » Elle suivait le fil de ses pensĂ©es et du coup ça sortait comme ça venait. Non, jâai dĂ» les soigner peut-ĂȘtre mais bon, ils ne mâont pas marquĂ©e. Oui, ils dĂ©siraient les Pass des chambres en plus de me pĂ©ter cul » dit-je avec une pointe dâamusement. Oui, je nâĂ©tais pas spĂ©cialement choquĂ©e au final. Je rĂ©flĂ©chit un peu Non, je nâai rien qui me reviens. Ils Ă©taient dans lâoptique de se faire plaisir. Non ça va je suis » Dâaccord, de toute façon, ils sont bels et bien identifiĂ©s maintenant, vu lâĂ©tat dans lequel on les a retrouvĂ©s, ils nâont pas pu sâenfuir. Ils voulaient certainement finir le boulot Ă lâinfirmerie », dit-elle par pure constatation. N'hĂ©site pas si tu as quelque chose qui te revient dans les prochaines heures ou jour, je suis toujours joignable pour toi. » Oui faut dire que Panda et Mike nây sont pas allĂ© mollo. Remarque-moi non plus si jâavais pu en tuer un avec mon scalpel je lâaurais fait » Je lui fis un grand sourire Oui, je te dirais. Merci et si tu veux discuter avec moi via radio quand tu as un moment tu peux aussi » Je lui attrapai la main dans un geste affectif. Au faite je ne tâai jamais dit. Mais ma mĂšre se nommait Eryn, avec un y » câest drĂŽle non ? » Ce que je comprends parfaitement. Ces pourritures ne mĂ©ritaient pas mieux. Mais je suis contente que tu nâen ait pas tuĂ© un. » Erin lui rendit son sourire, sincĂšre. Elle aurait eu des emmerdes Ă foison, sauf en cas de lĂ©gitime dĂ©fense. Bref. Dâaccord, je nâhĂ©siterai pas Ă tâembĂȘter par radio Ă©galement », dit-elle alors que la doctoresse lui attrapait la main affectueusement. Erin lui caressa le dos de la main avec la chair charnue de son pouce. Ah ? Non, tu ne me lâavais jamais dit. Câest une drĂŽle de coĂŻncidence tiens. Câest elle, ton cĂŽtĂ© australien ? », demanda-t-elle curieuse, avant dâajouter, comme si elle nâavait pas pu sâempĂȘcher NâempĂȘche, avec un nom pareil, je suis sĂ»r que câest une femme extraordinaire ! » Bonjour les chaussettes qui viennent dâexploser ! Oui, jâaurais Ă©tĂ© emmerdĂ©e encore » je ricanai amuser, mieux vaut Ă©viter dâavoir un procĂšs pour meurtre. Je lui souris une nouvelle fois Ă la mention de la radio. Oui, quelques petits Ă©changes seront bĂ©nĂ©fiques pour me tenir compagnie. Surtout avec lâautre ronchon Ă cĂŽtĂ© de moi. Non, câest mon pĂšre qui est Australien. Ma mĂšre Ă©tait chirurgienne de renom, comme quoi câest gĂ©nĂ©tique » oui quelques fleurs ça fait du bien. Bien entendu je parlais au passĂ© de ma mĂšre Ă©tant plus de ce monde Haha oui, elle Ă©tait extraordinaire ! » rĂ©pliquait je confirma de la tĂȘte quâelle aurait Ă©tĂ© embĂȘtĂ©e, avec un sourire amusĂ©e alors que la blonde ricanait. Elle prenait vraiment tout Ă la lĂ©gĂšre et comme ça venait. Au moins, elle ne se faisait pas tant de soucis que ça, ce nâĂ©tait pas plus mal. Dâaccord, tu suis les traces de ta mĂšre, câest bien aussi », fit Erin, notant quâelle parlait dâelle au passĂ© . Ăa ne mâĂ©tonne pas, pour mâavoir donnĂ© une copine pareille, elle devait lâĂȘtre », rajouta la consultante avec un nouveau bisou sur la joue pour son amie. Je vais te laisser te reposer. Je te laisse Harry ? » Elle ne voulait pas lui imposer le chat, si tant est si bien quâun chat sâimpose⊠Dans un sens oui. » câest marrant que finalement je fasse la mĂȘme chose quâelle. Comme quoi des mĂ©tiers pouvait ĂȘtre familiale. Exactement » je rĂ©ceptionnai le bisou avec un beau sourire. Oui, laisse-le-moi il est trĂšs bien lĂ . Je le transmettrais Ă Katty » dit-je amusĂ©e. Je baillai une nouvelle fois DĂ©solĂ©, je vais dormir, merci dâĂȘtre venue ma belle » je lui fis un tendre bisou sur la joue. Bon courage et fait attention Ă toi, jâaimerais que tu ne viennes pas me tenir compagnie dans un ce genre de lit » dit- je dans une petite provocation amusante. Ne t'excuse pas, en ce moment habituellement on sâendort au milieu dâune conversation », dit elle avec humour. Erin fit une moue contrariĂ©e. Je nây compte pas, je prĂ©fĂšre les soirĂ©es entre fille dans ma chambre plutĂŽt quâici. Allez, je file. Repose toi bien ma chĂ©rie. » Oui moi aussi, a plus tard ma belle » fit-je en pouffa avec un salut de la main quand la jeune femme partie. END 14/02/2016
Uneseule chose est sĂ»re, câest que le choix de lâun ou lâautre va impacter la relation thĂ©rapeutique. Il est important que les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes aient conscience des facteurs influençant leur choix dans lâusage du tutoiement ou du vouvoiement et quâils connaissent les attentes des adolescents afin de mieux apprĂ©hender les consultations les impliquant.
NICOLAS OPPENCHAIM Observatoire du Samusocial de Paris Laboratoire LVMT Paris Est Sociologie RĂ©sumĂ© . Lâobjectif de cet article est de prĂ©senter un exemple de participation active des adolescents Ă une recherche de sociologie sur leurs mobilitĂ©s urbaines. Dans le cadre de cette recherche menĂ©e dans des Ă©tablissements scolaires, les adolescents ont ainsi rĂ©alisĂ© des questionnaires de sociologie quâils ont distribuĂ©s Ă dâautres jeunes. Ils ont Ă©galement pris des photographies et Ă©crit des textes sur leurs mobilitĂ©s, avant dâĂȘtre interrogĂ©s individuellement sur ce thĂšme par le chercheur. Cette mĂ©thode a pour premier avantage de favoriser le consentement Ă©clairĂ© des adolescents en leur faisant comprendre les implications de leur participation Ă une recherche. Elle permet Ă©galement de crĂ©er une relation de confiance avec les adolescents et de stimuler leur rĂ©flexivitĂ© afin de les associer Ă lâĂ©laboration de la recherche. Introduction Est-ce que prendre les adolescents comme objet dâĂ©tude suppose lâutilisation de mĂ©thodes de recherche diffĂ©rentes de celles utilisĂ©es pour les adultes ? Quelles sont les mĂ©thodes permettant de concilier rigueur scientifique et prĂ©occupations dĂ©ontologiques dans lâĂ©tude de cette population ? Ces questions ont Ă©tĂ© beaucoup plus abordĂ©es dans la littĂ©rature sociologique anglophone que dans celle en langue française Danic et al, 2006. Or, elles se sont rĂ©vĂ©lĂ©es centrales dans le cadre de la recherche que jâai menĂ©e sur les mobilitĂ©s quotidiennes des adolescents de zones urbaines sensibles ZUS. Cette recherche avait pour point de dĂ©part lâidĂ©e que la mobilitĂ© constitue une Ă©tape importante de la socialisation des adolescents, car elle est le support du passage du monde familier au domaine public Breviglieri, 2007. Elle permettait ainsi dâenrichir les approches statiques de la sĂ©grĂ©gation, en ne rĂ©sumant pas lâinscription urbaine des adolescents de ZUS Ă leur localisation rĂ©sidentielle et en prenant en compte les interactions quâils ont avec des citadins dâune autre origine gĂ©ographique et sociale durant leurs mobilitĂ©s Oppenchaim, 2009. Lors de cette recherche, jâai alors Ă©tĂ© confrontĂ© Ă un certain nombre de difficultĂ©s mĂ©thodologiques et dĂ©ontologiques, inextricablement liĂ©es comment un enquĂȘteur adulte peut-il accĂ©der aux pratiques de mobilitĂ© des adolescents, qui sont un moment privilĂ©giĂ© de lâentre-soi adolescent ? Comment recueillir et utiliser pour un travail acadĂ©mique des informations sur ces pratiques en sâassurant que les adolescents comprennent ce quâimplique leur participation Ă la recherche ? Ces diffĂ©rentes difficultĂ©s mâont conduit Ă dĂ©velopper une mĂ©thodologie inĂ©dite dont le but Ă©tait de favoriser la participation active des adolescents dans la recherche. Jâai ainsi mis en place des projets dans des Ă©tablissements scolaires, combinant initiation des adolescents Ă la sociologie, rĂ©alisation de textes et de photographies sur leurs mobilitĂ©s ainsi que des entretiens individuels semi-directifs. Afin de mieux comprendre la dĂ©marche mĂ©thodologique que jâai suivie, je procĂ©derai en trois temps. Je dĂ©velopperai tout dâabord les problĂšmes que soulĂšve lâĂ©tude des pratiques de mobilitĂ© des adolescents. Puis, je montrerai en quoi la participation active des adolescents dans la recherche permet de rĂ©soudre en partie ces problĂšmes, avant dâexposer comment jâai concrĂštement favorisĂ© cette participation. Quels problĂšmes dĂ©ontologiques et mĂ©thodologiques soulĂšve lâĂ©tude des pratiques de mobilitĂ© des adolescents ? La premiĂšre difficultĂ© mĂ©thodologique spĂ©cifique Ă laquelle est confrontĂ© un chercheur adulte travaillant sur les adolescents est de mener une recherche malgrĂ© la distance gĂ©nĂ©rationnelle qui existe entre lui et les enquĂȘtĂ©s. En effet, les adolescents se situent dans une pĂ©riode de remise en cause du contrĂŽle des adultes sur leurs pratiques et dâaffranchissement vis-Ă -vis de la tutelle des institutions en charge de leur encadrement Zaffran, 2010. Paradoxalement, la mise en relation du chercheur avec les enquĂȘtĂ©s passe nĂ©anmoins majoritairement par ces institutions Ă©cole, centres sociaux, associations dâaide aux devoirsâŠ, car les adolescents y passent une grande partie de leurs temps et que la prĂ©sence dâadultes y est tolĂ©rĂ©e. Ce passage par les institutions ne concerne pas seulement les chercheurs sâintĂ©ressant aux pratiques des adolescents dans ces lieux, mais Ă©galement ceux qui travaillent sur les pratiques se dĂ©roulant en dehors des cadres institutionnels. En effet, ces pratiques, comme les mobilitĂ©s, constituent des moments privilĂ©giĂ©s de lâentre-soi adolescent. Cela rend alors difficile la prĂ©sence prolongĂ©e dâun enquĂȘteur adulte auprĂšs des adolescents lorsquâils rĂ©alisent ces activitĂ©s. Le chercheur peut certes prendre comme terrain dâobservation les lieux non institutionnels dans lesquels les adolescents se rendent durant leur temps libre, comme les centres commerciaux Kokoreff, 1998. NĂ©anmoins, les entretiens avec les adolescents constituent la source dâaccĂšs Ă ces pratiques la plus souvent utilisĂ©e. LâĂ©tude des pratiques extra-institutionnelles des adolescents est alors marquĂ©e par ce paradoxe les institutions constituent une voie dâentrĂ©e privilĂ©giĂ©e, voire unique, pour le chercheur, alors mĂȘme que les adolescents souhaitent sâĂ©manciper de la tutelle de ces institutions et Ă©prouvent, pour certains, une relative mĂ©fiance Ă leur Ă©gard. Cette mĂ©diation par les institutions doit alors impĂ©rativement ĂȘtre intĂ©grĂ©e Ă lâanalyse des rĂ©sultats obtenus. Elle nâest en effet pas sans influence sur la relation dâenquĂȘte entre des adolescents et un enquĂȘteur adulte, plus ou moins assimilĂ© Ă lâinstitution par laquelle il est entrĂ© en contact avec eux. LâenquĂȘteur ne peut alors totalement sâĂ©manciper des relations asymĂ©triques, notamment en terme de pouvoir et dâautoritĂ©, qui structurent la relation de lâadolescent Ă cette institution. De mĂȘme, cette mĂ©diation influence le profil des adolescents auxquels lâenquĂȘteur accĂšde. Lâinstitution par laquelle le chercheur entre en relation avec les adolescents peut ainsi ĂȘtre en charge dâun public spĂ©cifique. Le choix des adolescents retenus pour lâenquĂȘte peut ĂȘtre Ă©galement fortement orientĂ© par les personnels institutionnels assurant lâinterface avec le chercheur Sime, 2008. Le passage par des institutions pour accĂ©der aux adolescents enquĂȘtĂ©s pose donc un certain nombre de problĂšmes mĂ©thodologiques. Mais il soulĂšve Ă©galement des considĂ©rations Ă©thiques, notamment en ce qui concerne le consentement Ă©clairĂ© Ă participer Ă la recherche. Par exemple, lorsque la mise en contact du chercheur avec les adolescents se fait par lâintermĂ©diaire de lâinstitution scolaire, il peut exister une confusion aux yeux des adolescents entre la recherche proprement dite et les activitĂ©s scolaires habituelles. La participation Ă la recherche pouvant alors ĂȘtre perçue comme obligatoire, lâadolescent risque de ne pas oser refuser la proposition. Ce problĂšme du consentement Ă©clairĂ© ne concerne pas que les enquĂȘtĂ©s mineurs Vassy et Keller, 2008, mais il se pose de maniĂšre spĂ©cifique pour les adolescents pour trois raisons Morrow, 2008. Ils bĂ©nĂ©ficient tout dâabord dâun statut juridique particulier, rendant nĂ©cessaire au niveau lĂ©gal lâobtention dâune signature de leurs tuteurs adultes. Le simple accord des enquĂȘtĂ©s mineurs nâest ainsi pas nĂ©cessairement suffisant pour couvrir le chercheur au niveau lĂ©gal. Dâautre part, les adolescents forment un groupe social plus vulnĂ©rable que les adultes. Au niveau individuel, ils peuvent se voir imposĂ©s lors de leurs interactions avec le chercheur les schĂ©mas dâinterprĂ©tation de celui-ci, par manque dâhabitude de ces situations. Au niveau collectif, ils ne possĂšdent pas de reprĂ©sentants dans la communautĂ© adulte leur permettant de discuter les rĂ©sultats tirĂ©s Ă leur Ă©gard ou de sâassurer que leur parole nâa pas Ă©tĂ© travestie ou retranscrite partiellement. Enfin, le consentement des adolescents Ă participer Ă la recherche peut ĂȘtre influencĂ© par diffĂ©rents biais, comme par exemple la confusion Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment entre activitĂ©s obligatoires et activitĂ©s de recherche lorsque celle-ci a lieu dans un cadre institutionnel. La vulnĂ©rabilitĂ© potentielle des adolescents nĂ©cessite donc des prĂ©cautions dĂ©ontologiques, afin de sâassurer que les enquĂȘtĂ©s comprennent les implications de leur participation Ă une recherche sociologique. Elle ne doit cependant pas conduire Ă ne pas investiguer cette population. Les considĂ©rations exposĂ©es prĂ©cĂ©demment sont ainsi assez analogues aux rĂ©flexions qui ont pu ĂȘtre menĂ©es dans le cadre dâenquĂȘtes avec des groupes sociaux adultes vulnĂ©rables, comme les sans-domicile Firdion et al, 1995. Les trois grandes justifications avancĂ©es lors de la mise en place du programme de recherche de lâINED sur cette population peuvent ainsi ĂȘtre transposĂ©es au cas des adolescents. Au niveau scientifique, ne pas mener dâenquĂȘte auprĂšs dâadolescents reviendrait Ă se contenter du regard portĂ© par les adultes sur leurs pratiques. Le chercheur nâaccĂ©derait pas Ă leur point de vue, mais Ă celui des institutions qui en sont en charge. Au niveau dĂ©mocratique, ne pas enquĂȘter sur les adolescents reviendrait Ă ne pas leur donner de statut de personne, Ă supposer une discontinuitĂ© entre leur monde et celui des adultes et donc Ă les exclure symboliquement de la sociĂ©tĂ©. Enfin, au niveau humain, les adolescents ne doivent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s uniquement sous lâangle de leur vulnĂ©rabilitĂ©. Ils peuvent ainsi avoir conscience de la forme de don/contre don impliquĂ© par une situation dâenquĂȘte Skelton, 2008. De mĂȘme, ils peuvent avoir du plaisir Ă livrer leur point de vue Ă un adulte et Ă rĂ©flĂ©chir sur leurs pratiques. Au final, le positionnement Ă©thique du chercheur est fortement influencĂ© par le regard gĂ©nĂ©ral quâil porte sur lâenfance et lâadolescence Morrow, ibid. Si lâadolescent est considĂ©rĂ© uniquement sous lâangle de sa vulnĂ©rabilitĂ©, il nâest pas perçu comme compĂ©tent pour dĂ©terminer lâinfluence, positive ou nĂ©gative, quâaura pour lui la participation Ă une recherche. Au niveau dĂ©ontologique, lâimportant pour le chercheur est alors dâobtenir une autorisation dâenquĂȘter de la part des parents ou des institutions en charge de ces adolescents. Dâautres chercheurs postulent au contraire que les mineurs possĂšdent les compĂ©tences pour comprendre les tenants et aboutissants dâune recherche et peuvent donc accepter ou refuser dâeux-mĂȘmes leur participation Masson, 2004 ; Skelton, ibid. Si le chercheur doit sâassurer au maximum quâils comprennent les consĂ©quences de cette participation Ă court, moyen et long terme, le consentement des adolescents prime sur celui de leurs parents ou des institutions qui en ont la charge. Le chercheur ne peut donc se contenter de lâautorisation Ă©crite des parents ou des personnels institutionnels. Au contraire, il doit faire primer le droit des enfants Ă sâexprimer plutĂŽt que sa propre protection juridique vis-Ă -vis dâautres adultes. Par exemple, lorsque les adolescents sont en mesure de comprendre lâimpact de lâenquĂȘte sur leur vie, il est parfois plus Ă©thique dâagir en fonction du souhait de lâadolescent de donner son point de vue plutĂŽt que de solliciter lâaccord de parents qui pourraient sây opposer Where the child consents to participate the parentâs consent is not required ⊠where children can understand enough to distinguish research from other interventions and to understand the impact on them on participating, it may be more ethical to act on their consent than to require the fully informed consent of a parent. Such an approach gives children the maximum opportunity to have their views and experiences recorded and avoid the risk of exclusion of children whose parents would not respond to a request or would wish to control whom their child speaks to » Masson, ibid. Cette position est en adĂ©quation avec la Convention de 1989 de lâOrganisation des Nations Unies sur les droits de lâenfant, dont les articles 12 et 13 mettent en avant non seulement le droit de regard des enfants sur ce qui les concerne, mais Ă©galement celui dâexprimer leur point de vue sâils le dĂ©sirent Bell, 2008. Cette position commence peu Ă peu Ă se diffuser dans le champ des Ă©tudes françaises Danic et al, 2006. Elle est beaucoup plus rĂ©pandue parmi les recherches anglo-saxonnes sur les pratiques sociales des adolescents, notamment celles qui sont publiĂ©es dans la revue Childrenâs Geography et/ou celles qui sâinspirent de la Participatory Action Research » Hart, 1992. Dans cette mĂ©thode participative, les enquĂȘtĂ©s participent activement au processus de recherche, ils identifient avec le chercheur les problĂšmes de leur communautĂ©, ils choisissent les outils permettant de mieux comprendre ces problĂšmes et ils trouvent ensemble des solutions pour changer leur situation. Nous avons donc vu que prendre les adolescents comme objet de recherche posait un certain nombre de problĂšmes mĂ©thodologiques comment accĂ©der aux pratiques qui se dĂ©roulent en dehors des cadres institutionnels et dĂ©ontologiques comment faire comprendre aux adolescents ce que signifie de participer Ă une recherche, afin quâils puissent consentir, ou non, Ă y participer. Nous allons maintenant voir que la participation active des adolescents Ă la recherche permet de rĂ©soudre en partie ces diffĂ©rents problĂšmes. Quels sont les intĂ©rĂȘts dâune participation active des adolescents Ă la recherche ? Les ouvrages ou revues de langue anglaise citĂ©s prĂ©cĂ©demment contiennent de nombreuses pistes permettant de favoriser le consentement Ă©clairĂ© des adolescents. La principale innovation mĂ©thodologique proposĂ©e est alors dâencourager la participation active des adolescents enquĂȘtĂ©s dans la recherche. Cette participation est plus ou moins importante selon les recherches Hart, ibid. Dans sa forme la plus simple, elle passe par exemple par la prise de photographies, la rĂ©alisation de cartes mentales ou la rĂ©daction de textes par les enquĂȘtĂ©s. La participation est plus importante lorsquâun chercheur dĂ©finit un thĂšme gĂ©nĂ©ral de recherche avant de commencer son enquĂȘte, mais quâil implique ensuite les adolescents dans la construction des questions de recherche Fine et al, 2003, quâils les laissent juges du choix de la mĂ©thode la plus adĂ©quate Ă lâexpression de leur point de vue Skelton, ibid ou quâil les forme au recueil de donnĂ©es auprĂšs dâautres jeunes Alderson, 1995. Plus largement, des adolescents peuvent Ă©galement participer Ă la dĂ©finition des objectifs de la recherche en cours et faire partie de son comitĂ© de pilotage Hart, ibid alors que certains chercheurs dĂ©fendent mĂȘme lâidĂ©e dâune participation dâadolescents aux comitĂ©s dâĂ©thique des universitĂ©s Ă chaque Ă©valuation de projet incluant des enquĂȘtĂ©s mineurs Sime, ibid. Cette participation active des adolescents comporte de nombreux avantages Ă©thiques et scientifiques. La prise de photographies permet ainsi par exemple tout dâabord dâobtenir des informations sur des pratiques et des lieux non accessibles Ă un enquĂȘteur adulte. Elle offre Ă©galement lâavantage dâintĂ©grer Ă la recherche des adolescents Ă©prouvant des difficultĂ©s de verbalisation. Cette participation comporte aussi un aspect ludique, permettant dâentraĂźner lâadhĂ©sion dâadolescents ne souhaitant initialement pas se prĂȘter au jeu de lâentretien ou de lâobservation. Mais elle offre Ă©galement dâautres avantages, notamment celui dâinflĂ©chir les problĂ©matiques de recherche du sociologue tout au long de lâenquĂȘte en y intĂ©grant les capacitĂ©s rĂ©flexives des adolescents Sime, ibid. Les adolescents ne sont en effet pas des idiots culturels », sans aucun regard rĂ©flexif sur leurs pratiques Garfinkel, 1967. Cette participation active favorise Ă©galement la comprĂ©hension des adolescents sur les enjeux Ă©thiques dâune enquĂȘte sociologique, et Ă©claire en consĂ©quence leur consentement Ă participer Ă la recherche. Dans le champ français, ces mĂ©thodes de participation active des adolescents Ă la recherche ont Ă©tĂ©, Ă ma connaissance, mises en Ćuvre dans peu de travaux Dubet et Martucelli, 1996 ; Lepoutre, 2005. Ces travaux mettent en Ă©vidence dâautres avantages de cette participation que ceux Ă©noncĂ©s prĂ©cĂ©demment. Ils montrent tout dâabord comment il est possible dâarticuler objectifs pĂ©dagogiques et production de connaissances scientifiques dans le cadre de projets menĂ©s dans des Ă©tablissements scolaires Lepoutre, ibid. La recherche ne conduit alors pas seulement Ă la reconnaissance du travail du chercheur par ses pairs, mais donne Ă©galement naissance Ă un objet tangible un livre, une exposition⊠auquel les adolescents sont fiers dâavoir collaborĂ©. Cela libĂšre quelque part le chercheur de lâexamen de conscience sur lâutilitĂ© de sa recherche pour les adolescents ayant acceptĂ© dây participer. Ces travaux montrent Ă©galement quâil est nĂ©cessaire de laisser une place dans la recherche Ă la rĂ©flexivitĂ© des adolescents sur leurs pratiques. Le chercheur peut ainsi leur soumettre les interprĂ©tations quâil a tirĂ©es Ă leur Ă©gard, afin dâen amĂ©liorer la pertinence Dubet et Martucelli, ibid. La participation des adolescents Ă la recherche favorise ainsi, entre autres, leur consentement Ă©clairĂ©, elle permet lâaccĂšs Ă des pratiques peu accessibles Ă un enquĂȘteur adulte, elle peut entraĂźner lâadhĂ©sion de jeunes ne souhaitant pas initialement rĂ©pondre Ă des questions, elle Ă©vite de recueillir des discours trop formatĂ©s par les propos que les adolescents ont lâhabitude de tenir aux adultes⊠Une derniĂšre considĂ©ration gĂ©nĂ©rale explique lâintĂ©rĂȘt que jâai portĂ© Ă ces mĂ©thodes. Elles sont en adĂ©quation avec ma perspective thĂ©orique sur la mobilitĂ© des adolescents de ZUS. Dans leurs dĂ©placements, ces adolescents sont confrontĂ©s Ă des situations problĂ©matiques, notamment dans leurs interactions avec des citadins dont ils ne sont pas familiers. Ces Ă©preuves, mĂȘme les plus minimes, peuvent alors conduire Ă un retour rĂ©flexif de lâadolescent sur ses habitudes dâaction et Ă leur modification. Le retour des adolescents durant des entretiens sur les Ă©preuves quâils ont rencontrĂ©es dans leur mobilitĂ© nâest alors possible que sâils adoptent sur leurs pratiques un regard rĂ©flexif, ce qui est un des intĂ©rĂȘts de leur implication active dans la recherche. Pour conclure cette partie, soulignons que lâensemble des considĂ©rations dĂ©ontologiques soulevĂ©es jusquâĂ prĂ©sent ne sont pas totalement spĂ©cifiques aux adolescents. Tout chercheur qui Ă©tudie dans la durĂ©e un monde social est confrontĂ© Ă un moment ou un autre Ă ces considĂ©rations, notamment lorsquâil travaille sur un monde social dominĂ© Lepoutre, ibid. Nâest-il pas en train de trahir la confiance des enquĂȘtĂ©s ? Ne profite-il pas de leur confiance Ă des seuls fins de promotion acadĂ©mique, alors que le sort des enquĂȘtĂ©s ne sera pas modifiĂ© par cette recherche ? Les enquĂȘtĂ©s ont-ils conscience quâune partie de leurs pratiques, mĂȘme anonymisĂ©es, risquent dâĂȘtre portĂ©es sur la place publique ? Comment dĂ©terminer les pratiques quâil convient de rĂ©vĂ©ler ou au contraire de laisser dans lâombre pour ne pas nuire aux enquĂȘtĂ©s ? LĂ aussi, la comprĂ©hension par les enquĂȘtĂ©s de lâimplication de leur participation Ă la recherche est essentielle et elle ne peut pas se limiter Ă la signature dâun formulaire de consentement Ă participer. Les mĂ©thodes visant Ă favoriser la participation active des enquĂȘtĂ©s afin de rĂ©soudre, en partie, ces problĂšmes dĂ©ontologiques nâont dâailleurs pas seulement Ă©tĂ© mises en Ćuvre avec des mineurs. Citons par exemple, dans une perspective thĂ©orique proche de la mienne sur la mobilitĂ©, le projet quâI. Joseph menait sur la ligne de mĂ©tro 2 Ă Paris. Celui-ci souhaitait substituer Ă lâobservation participante traditionnelle une ethnographie participative » avec des itinĂ©raires commentĂ©s dâusagers du mĂ©tro, des auto-confrontations entre citadins ayant des conflits dâusage ainsi que des forums hybrides composĂ©s de gestionnaires et dâusagers Tonnelat, JolĂ© et Kornblum, 2007. Des projets autour de la mobilitĂ© menĂ©s dans huit Ă©tablissements scolaires Avant de prĂ©senter plus en dĂ©tail les projets que jâai menĂ©s dans des Ă©tablissements scolaires, il convient de rappeler quâils ont suivi chronologiquement une ethnographie dâun an avec de jeunes garçons 13-18 ans frĂ©quentant la maison de quartier dâune ZUS de grande couronne. Jây ai Ă©tĂ© confrontĂ© aux difficultĂ©s habituelles rencontrĂ©es par un ethnographe dans son travail de terrain avec des populations dĂ©favorisĂ©es. Il mâa fallu ainsi, classiquement, faire avec la distance sociale qui me sĂ©parait des jeunes afin dâacquĂ©rir un savoir ĂȘtre avec » les adolescents. Cette distance sociale Ă©tait Ă©galement redoublĂ©e par une distance gĂ©nĂ©rationnelle avec les adolescents, qui ne me percevaient ni comme un animateur, ni comme un chercheur, mais me situaient quelque part entre ces deux professions. La prĂ©sence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains, lâaccompagnement de sorties, la rĂ©alisation de vingt entretiens ethnographiques mâont alors permis de recueillir un riche matĂ©riau dâinformation sur les pratiques de mobilitĂ© des adolescents du quartier. Elle mâa aidĂ© dâune part Ă mieux comprendre les interdĂ©pendances entre ancrage rĂ©sidentiel et pratiques de mobilitĂ© des adolescents, mais Ă©galement quâune des principales Ă©preuves que ces derniers affrontaient dans leurs mobilitĂ©s Ă©tait la confrontation aux autres citadins en raison du triple stigmate sociale, ethnique et gĂ©nĂ©rationnelle dont ils se sentent porteurs Oppenchaim, 2011. Je ressentais cependant une insatisfaction Ă©thique durant cette ethnographie. En effet, si la plupart des jeunes acceptaient de me faire partager en partie leur quotidien et de rĂ©pondre Ă mes questions, cela Ă©tait le plus souvent beaucoup plus dĂ» Ă une sympathie Ă mon Ă©gard quâĂ une rĂ©elle comprĂ©hension des enjeux et intĂ©rĂȘt de mon travail de recherche. TrĂšs peu dâadolescents comprenaient lâintĂ©rĂȘt de se pencher sur leurs pratiques de mobilitĂ©, la plupart y voyant malgrĂ© leur sympathie une maniĂšre dĂ©tournĂ©e des institutions de contrĂŽler leurs moments de libertĂ© hors du cadre des diffĂ©rentes institutions dans lesquelles ils sont insĂ©rĂ©s Ă©cole, travail social, policeâŠ.. Cette absence de comprĂ©hension me questionnait alors sur le sens de la dĂ©marche sociologique, notamment savoir pour qui on Ă©crit et dans quel but ? » Lepoutre, ibid. Cette question se pose gĂ©nĂ©ralement au moment de la restitution de la recherche et du recueil de gains symboliques de la part de lâenquĂȘteur. Elle ne cessait cependant de me tarauder au moment de lâenquĂȘte, ayant lâimpression de recevoir des histoires de vie singuliĂšre de la part de ces jeunes, sans rien leur apporter en retour. Câest alors cette insatisfaction qui a nourri mon intĂ©rĂȘt pour les mĂ©thodes favorisant lâimplication active des adolescents dans la recherche. Ces mĂ©thodes me semblaient dâautant plus intĂ©ressantes que certains adolescents de la maison de quartier dĂ©veloppaient une vraie rĂ©flexion sur leurs pratiques de mobilitĂ©. Un dâentre eux mâexpliqua ainsi un jour quâil avait plus tendance Ă frĂ©quenter ChĂątelet que les Champs ElysĂ©es, car malgrĂ© la prĂ©sence massive de policiers il y Ă©tait beaucoup moins contrĂŽlĂ©. InterrogĂ© sur les raisons de ces contrĂŽles plus nombreux aux Champs-ElysĂ©es, il les expliqua par la prĂ©sence plus importante de touristes, dĂ©finissant au contraire ChĂątelet comme un lieu de passage oĂč la prĂ©sence des jeunes Ă©tait plus tolĂ©rĂ©e. Or malgrĂ© tous mes efforts, il mâa Ă©tĂ© impossible dans le cadre de mon ethnographie de mettre en Ćuvre ces mĂ©thodes. Cela Ă©tait sans doute dĂ» Ă la spĂ©cificitĂ© de mon terrain dâĂ©tude, une maison de quartier considĂ©rĂ©e par les jeunes essentiellement comme un lieu de loisirs et de retrouvailles Ă lâĂ©cart des regards des personnes plus ĂągĂ©s du quartier. Jâai ainsi proposĂ© Ă certains jeunes avec lesquels jâavais dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© un entretien classique de prendre des photographies durant leurs dĂ©placements puis de les commenter. La plupart me dĂ©claraient cependant avoir la flemme » et que cela leur rappelait trop le cadre scolaire. Cette difficultĂ© Ă mettre en Ćuvre ces mĂ©thodes Ă©tait Ă©galement renforcĂ©e par le turn-over des jeunes frĂ©quentant la maison de quartier, qui pour certains ne venaient que pour une heure ou de maniĂšre espacĂ©e dans le temps. Jâai alors complĂ©tĂ© cette ethnographie par des projets menĂ©s dans huit Ă©tablissements scolaires quatre classes de troisiĂšme, deux secondes professionnelles BEP vente et deux secondes gĂ©nĂ©rales. Ces projets articulaient trois dimensions dâune part, une initiation des Ă©lĂšves Ă la sociologie, sous la forme de la rĂ©alisation et de la passation dâun questionnaire Ă dâautres adolescents ; dâautre part la rĂ©alisation de textes et de photographies autour de leur mobilitĂ© ; enfin quatre-vingt quinze entretiens semi-directifs dâune heure, rĂ©alisĂ©s aprĂšs lâinitiation Ă la sociologie et donnant lieu dans la majoritĂ© des cas Ă une restitution collective de mon enquĂȘte devant lâensemble des Ă©lĂšves. Mener une recherche dans des Ă©tablissements scolaires suppose tout dâabord de nouer une relation de confiance Ă la fois avec les Ă©lĂšves et avec les professeurs. La construction de cette relation dans le cadre scolaire ne va pas de soi, car un nombre important des adolescents de ZUS entretient un rapport conflictuel avec lâinstitution scolaire. Le principal biais que je devais Ă©viter Ă©tait dâĂȘtre considĂ©rĂ© par les Ă©lĂšves comme un professeur, ou du moins dâĂȘtre assimilĂ© Ă lâinstitution scolaire. Chaque prise de contact avec les Ă©lĂšves comprenait ainsi une prĂ©sentation de la sociologie et de ma dĂ©marche de recherche, en prĂ©cisant bien que je nâappartenais pas institutionnellement Ă lâĂ©tablissement. Jâai alors cherchĂ© Ă casser le cadre scolaire de diffĂ©rentes maniĂšres en Ă©vacuant lâattente de la note câĂ©tait Ă chaque fois une des premiĂšres questions qui Ă©taient posĂ©es par les Ă©lĂšves ou par la possibilitĂ© de tutoiement et dâappellation par le prĂ©nom de maniĂšre rĂ©ciproque. Le fait dâĂȘtre un jeune chercheur ne partageant pas totalement les codes vestimentaires et de langage des professeurs a sans doute Ă©galement participĂ© Ă casser ce cadre scolaire tu nâas pas la voix clean comme un prof » me confia ainsi un jour un jeune lors dâun entretien. La familiarisation antĂ©rieure avec les codes, notamment de langage, des adolescents de ZUS lors de mon ethnographie mâa aussi sans doute aidĂ© Ă ne pas ĂȘtre perçu comme appartenant Ă lâinstitution scolaire. Casser ce cadre scolaire avait pour principal but de renforcer lâidĂ©e dâĂ©galitĂ© dans la construction de la recherche, les Ă©lĂšves mâapportant autant que je pouvais leur apporter, en particulier un projet allant Ă lâencontre de la routine scolaire. JâĂ©tais ainsi sans doute pour les Ă©lĂšves un objet aussi Ă©trange que jâavais pu lâĂȘtre pour les adolescents de la maison de quartier un intervenant extĂ©rieur qui nâest pas un professeur et nâen partage pas totalement les codes. Je ne dis pas que les Ă©lĂšves ne peuvent se confier aux professeurs, mais ne pas ĂȘtre identifiĂ© Ă une figure dâautoritĂ© mâa semblĂ© faciliter lâimplication des Ă©lĂšves. Il convient nĂ©anmoins de ne pas ĂȘtre naĂŻf comme nous le verrons ultĂ©rieurement, lâimplication plus ou moins importante de certains Ă©lĂšves dans le processus de recherche, notamment dans lâĂ©laboration de questionnaires, a pu ĂȘtre motivĂ©e en partie par la pression de leurs professeurs. Cette mise entre parenthĂšses temporaire du cadre scolaire lors de mes interventions Ă©tait tolĂ©rĂ©e par les professeurs dâHistoire-gĂ©ographie, de Français, de Vente ou dâArts Plastiques qui avaient acceptĂ© de travailler avec moi. Ces derniers devaient combiner les intĂ©rĂȘts de recherche du sociologue, lâadhĂ©sion des Ă©lĂšves, ainsi que leurs propres objectifs pĂ©dagogiques. Il sâagissait gĂ©nĂ©ralement, mĂȘme si cela est difficilement quantifiable, de professeurs dynamiques, atypiques pour certains, mais qui partageaient un bon relationnel avec les Ă©lĂšves. Au final, sans ĂȘtre totalement assimilĂ© par les adolescents Ă lâinstitution scolaire, jâai donc pu bĂ©nĂ©ficier des avantages que peut apporter un cadre scolaire par rapport Ă celui de la maison de quartier, notamment pouvoir mener des projets dans la durĂ©e en y impliquant activement les adolescents. Rappelons nĂ©anmoins quâil existe des degrĂ©s dans la participation des adolescents dans la recherche. Celle-ci peut aller de lâinformation des enquĂȘtĂ©s sur les objectifs et les consĂ©quences de lâenquĂȘte au choix par les adolescents du sujet Ă investiguer Hart, ibid. Or, les Ă©lĂšves nâont pas participĂ© directement au choix du thĂšme gĂ©nĂ©ral de ma recherche ou Ă celui des outils, mĂȘme sâils disposaient dâune grande marge dans les modalitĂ©s concrĂštes dâutilisation de ces outils thĂšmes Ă investiguer dans le questionnaire, libertĂ© dans la forme dâĂ©criture des textes, rendu des rĂ©sultats sous la forme dâune exposition ou dâun blog. Sur lâĂ©chelle de participation des enfants Ă la recherche Ă©laborĂ©e par R. Hart 1992 8, je me situe donc au sixiĂšme Ă©chelon sur huit le chercheur dĂ©cide du thĂšme gĂ©nĂ©ral, mais discute avec les enfants des meilleurs moyens de la mener. Lâimposition dâun thĂšme gĂ©nĂ©ral et la rĂ©alisation dâentretiens classiques Ă la fin des projets mâa cependant sans doute permis de ne pas ĂȘtre perçu par certains adolescents comme un simple animateur, ce qui a pu renforcer leur sĂ©rieux et leur implication dans les projets. La premiĂšre dimension de ces projets a Ă©tĂ© la rĂ©alisation de questionnaires par les Ă©lĂšves sur des thĂ©matiques propres Ă lâadolescence quâils avaient auparavant choisies les relations amoureuses et amicales entre adolescents, le rapport des adolescents Ă leur quartier et Ă la ville en gĂ©nĂ©ral, les adolescents et lâorganisation de leur temps. Les Ă©lĂšves ont ensuite distribuĂ© ces questionnaires Ă dâautres adolescents avant quâune restitution des rĂ©sultats ne leur soit faite en classe entiĂšre. Cette initiation Ă la sociologie a prĂ©sentĂ©e plusieurs avantages. Dâune part, elle a permis de faire comprendre aux Ă©lĂšves les enjeux dĂ©ontologiques et scientifiques dâune enquĂȘte. Ces derniers ont ainsi dĂ» expliquer Ă dâautres adolescents, quâils nâavaient parfois jamais vus, que des rĂ©ponses personnelles, par exemple sur leur sexualitĂ©, Ă©taient anonymes et donneraient lieu Ă une restitution en classe, sans que leur nom soit rĂ©vĂ©lĂ©. Ils ont Ă©galement dĂ» faire comprendre Ă ces adolescents en quoi leurs rĂ©ponses prĂ©sentaient un intĂ©rĂȘt de recherche. Les Ă©lĂšves ont ainsi pu saisir en pratique ce quâimpliquait de se prĂȘter Ă une enquĂȘte sociologique. Cette initiation offrait Ă©galement des avantages sur le plan scientifique. Si les thĂšmes des questionnaires Ă©taient divers, ils posaient en filigrane des questions propres Ă ma recherche, en particulier les disparitĂ©s entre filles et garçons sur les horaires de sortie. La restitution des rĂ©sultats des questionnaires en classe entiĂšre a ainsi donnĂ© lieu Ă des discussions trĂšs fournies et a obligĂ© les Ă©lĂšves Ă rĂ©flĂ©chir et Ă argumenter sur certaines spĂ©cificitĂ©s de leurs pratiques. Elle a Ă©galement permis de libĂ©rer la parole de certains jeunes et de prĂ©parer ainsi les entretiens individuels qui ont suivi. Le cĂŽtĂ© ludique de la rĂ©alisation et de la passation des questionnaires a Ă©galement pu contribuer Ă crĂ©er une relation de confiance avec les adolescents et Ă favoriser leur participation ultĂ©rieure Ă ces entretiens. Enfin, dans certains projets il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que les Ă©lĂšves ne distribueraient pas seulement le questionnaire aux adolescents de leur quartier mais Ă©galement de maniĂšre collective Ă la sortie de grands lycĂ©es du centre de Paris. Cela avait pour premier avantage de faire rĂ©flĂ©chir les Ă©lĂšves sur les disparitĂ©s entre adolescents banlieusards et parisiens. Plus largement, cela donnait lâoccasion Ă certains Ă©lĂšves qui ne sây Ă©taient jamais rendus, de frĂ©quenter les quartiers centraux de Paris. Ils Ă©taient ainsi confrontĂ©s, lors de la distribution en tĂȘte Ă tĂȘte des questionnaires, Ă lâaltĂ©ritĂ© dâadolescents dâun autre milieu social. Une partie des Ă©lĂšves se rendaient ainsi initialement Ă contrecĆur Ă Paris, ayant peur que personne nâaccepte de rĂ©pondre Ă leurs questions. Sâils avaient au dĂ©but faiblement confiance en eux, ils se sont rendus peu Ă peu compte quâils pouvaient rĂ©ussir Ă obtenir lâattention des adolescents parisiens, le statut dâenquĂȘteur permettant par ailleurs de suspendre le temps dâune interaction le stigmate social dont une partie se sentait porteuse. Lien de cause Ă effet ou non, ces Ă©lĂšves ont Ă©tĂ© ensuite beaucoup plus nombreux que la moyenne Ă effectuer leur stage professionnalisant dans Paris intra-muros. Le but premier de la recherche Ă©tait la production de connaissance, et non de faire Ă©voluer, mĂȘme Ă la marge, les compĂ©tences de mobilitĂ© des Ă©lĂšves. NĂ©anmoins, cette distribution du questionnaire dans Paris, ainsi que lâenthousiasme dâune majoritĂ© des Ă©lĂšves pour les projets, offrait Ă©galement lâavantage dâapaiser mes interrogations sur lâutilitĂ© immĂ©diate de ma recherche. ParallĂšlement ou aprĂšs cette initiation Ă la sociologie, les Ă©lĂšves menaient Ă©galement des travaux dâĂ©criture et photographique sur le thĂšme de la ville et des mobilitĂ©s. Ces travaux permettaient de prĂ©parer les entretiens ultĂ©rieurs en donnant un cĂŽtĂ© ludique Ă la recherche, en renforçant ou en crĂ©ant une relation de confiance avec les adolescents et en favorisant le retour rĂ©flexif sur leurs pratiques. Ils donnaient Ă©galement des informations directes sur les pratiques de mobilitĂ© de ces adolescents. La prise de photographies des Ă©lĂšves sur leurs mobilitĂ©s a Ă©tĂ© faite selon deux grandes modalitĂ©s, en raison de diffĂ©rentes contraintes financiĂšres. Lorsque jâai rĂ©ussi Ă obtenir des financements, du Conseil DĂ©partemental de Seine Saint Denis ou des classes APAC du rectorat, les Ă©lĂšves Ă©taient accompagnĂ©s par un photographe professionnel durant une aprĂšs-midi. En lâabsence de financement, les Ă©lĂšves prenaient eux-mĂȘmes des photographies sur leur quartier ou les lieux frĂ©quentĂ©s durant leur mobilitĂ©, Ă lâaide dâappareils jetables distribuĂ©s ou le plus souvent avec leur propre appareil ou tĂ©lĂ©phone portable. Ces photographies permettaient dâintĂ©grer de maniĂšre ludique des adolescents pouvant avoir des difficultĂ©s ou une rĂ©ticence initiales Ă verbaliser leurs pratiques. La prĂ©sence du photographe professionnel prĂ©sentait lâavantage supplĂ©mentaire de permettre une initiation Ă la photographie, ainsi quâune familiarisation Ă certains lieux quâils ne connaissaient pas, les dĂ©placements se faisant le plus souvent par groupe de trois. Au niveau scientifique, ces dĂ©placements ont permis un retour rĂ©flexif des jeunes sur les lieux quâils frĂ©quentent, ces derniers explicitant durant le trajet pourquoi ils choisissaient ce lieu, ce quâil leur Ă©voquait, pourquoi ils insistaient sur tel aspect dans leur prise de vue, etc. Ils me permettaient Ă©galement de renforcer la relation de confiance avec les jeunes et de pouvoir ensuite faire un retour approfondi sur les lieux photographiĂ©s durant lâentretien individuel. Figure 1 Photographie et texte dâun Ă©lĂšve de troisiĂšme gĂ©nĂ©rale avril 2009 Ces prises de photographies ont Ă©tĂ© complĂ©tĂ©es par un travail dâĂ©criture des Ă©lĂšves, soit directement Ă partir des clichĂ©s, soit en sâappuyant sur des descriptions urbaines dâĂ©crivains. Je craignais que cette dimension du projet soit perçue comme trop scolaire, mais elle a recueilli lâadhĂ©sion de la majoritĂ©. Cela sâexplique sans doute par la libertĂ© de forme dont ils disposaient pour dĂ©crire leur quartier et leur rapport Ă la ville Ă©criture de slams, de poĂšmes, description neutre du quartier de rĂ©sidence ou des lieux frĂ©quentĂ©s en sâinspirant des Ćuvres de Georges PĂ©rec dans EspĂšces dâespaces. Jâai choisi, en commun avec les professeurs de Français, ce livre comme support dâaide aux Ă©lĂšves pour dĂ©crire leur quartier, car il contient de nombreux passages qui fournissent un mode dâemploi des descriptions sociologiques sur la ville Becker, 2010. Figure 2 Texte dâun Ă©lĂšve de seconde gĂ©nĂ©rale mars 2009 Ma rue,âŠ, je dois parler de ma rue⊠trĂšs bien. Comment ? Le plus platement possible, dâaccord, jâme lance. Tout dâabord je nâai pas vraiment de rue. Câest plutĂŽt un grand bĂątiment donnant sur un parking. Sur ce parking de 34 places, une quarantaine de voitures sont stationnĂ©es. Il est 19 heures, tout est normal comme dâhabitude. Du haut de mes 15 Ă©tages je peux apercevoir une grosse flaque dâhuile se dĂ©versant dâune voiture sans roue, les restes dâune voiture brĂ»lĂ©e volontairement dâun acte criminel. De chez moi, je peux voir pratiquement tout le Bois Saint Denis, lâaĂ©roport Charles de Gaulle et ses trois terminaux ses trois tours de contrĂŽle et ses quelques 500 vols par jour, une bonne partie du centre-ville et son brouhaha, lâenseigne de Leroy Merlin » de Livry Gargan clignotant toutes les trois secondes et demie, et le phare de Paris, lâĆil de Paris brillant de mille feux Ă la tombĂ©e de la nuit, tournoyant et mâĂ©blouissant Ă vingt quatre secondes dâintervalle. En bas, devant mon hall, on peut entendre un jeune murmurer Ă un vieillard Jâte donne une dix ». Le vieux rĂ©pondit Non, je, jeâŠje veux une trente ! ». Ah nan ici, câest moi qui choisis, jâte passe une dix ! Un point câest tout ! ». TrĂšs bien tu as gagnĂ©, donne moi une ». Ou bien un autre, encore plus jeune, essayant de suivre les paroles, incomprĂ©hensibles pour lui, dâun rappeur amĂ©ricain quâil a soigneusement tĂ©lĂ©chargĂ©es illĂ©galement et mis sur son I-Pod vidĂ©o troisiĂšme gĂ©nĂ©ration huit gigas, quâil a volĂ© Ă un pauvre homme dans le RER il sâen vante tous les jours. Sur le mur qui fait face au parking, on remarque que le numĂ©ro de mon immeuble est le quatre-vingt treize ou plutĂŽt le trois avec, peint Ă la peinture blanche, un neuf devant, pour rendre le bĂątiment plus beau. Câest bien, câest crĂ©atif, comme quoi avec peu on peut faire beaucoup. Sur le mur de la gauche, un petit dĂ©gradĂ© de couleurs qui devient de plus en plus foncĂ©. Câest le jeune qui Ă©coutait du rap US » qui vient dâarriver ici. Il nâhabite pas dans ce bĂątiment, mais il y reste jour et nuit et il nâa aucune honte ou pudeur. Ah ! Je viens de voir un petit garçon seul qui a failli se faire renverser par une Renault 25 qui voulait se garer. Le petit courait derriĂšre son ballon NĂ©mo en pleurant car il avait Ă©tĂ© percĂ© par le chien dâun jeune qui, faisant des tractions Ă lâarrĂȘt de bus frime avec ses muscles et ses deux bĂ©bĂ©s Rottweiler. Les deux Rottweilers ont les oreilles et la queue coupĂ©es aux ciseaux par leur maĂźtre, car comme ces chiens font des combats, il vaut mieux quâelles soient coupĂ©es, car si, lors dâun combat, lâun dâeux perd une oreille, ce pourrait ĂȘtre trĂšs embĂȘtant et humiliant pour le maĂźtre. Une bande dâadolescents, sĂ»rement collĂ©giens, avec leurs cartables imbibĂ©s de Tipex, viennent de passer dire bonjour aux jeunes postĂ©s devant mon bĂątiment, ils prennent sur eux alors quâil ne le faut pas ! AprĂšs les avoir saluĂ©s, ils reprennent leur balade avec ce quâils appellent une dĂ©gaine. Jâappelle ça boiter mais câest leur choix. Ils rencontrent deux jeunes demoiselles fashion », les adolescents se ruent sur elles comme sâils avaient aperçus leur idole. Certains leur font la bise et dâautres leur serrent la main pour montrer leur indiffĂ©rence. Ils partent ensemble sur le cĂŽtĂ© du bĂątiment que je ne peux pas observer. Je ferme la fenĂȘtre de ma cuisine dâoĂč je vous dĂ©cris mon environnement quotidien, grĂące Ă des jumelles que jâai utilisĂ©es pour plus de prĂ©cision. La fermeture de cette fenĂȘtre permet une coupure entre le bruit assourdissant des klaxons du 619 et le calme rĂ©gnant dans ma maison. JâespĂšre que cette description vous a permis de plonger au cĆur de ma rue. Comme pour les photographies, ces textes me servaient de support aux entretiens ultĂ©rieurs, avec lesquels ils entraient bien souvent en cohĂ©rence. Ils tĂ©moignaient ainsi avec finesse de diffĂ©rents rapports entretenus au quartier de rĂ©sidence, parfois mieux dĂ©crits dans les rĂ©cits des jeunes que dans leurs propos. Lâensemble des textes et photographies rĂ©alisĂ©s, couplĂ© aux rĂ©sultats des questionnaires, ont ensuite donnĂ© lieu Ă des opĂ©rations de valorisation, afin que les Ă©lĂšves puissent voir le rĂ©sultat de leur travail. Il leur Ă©tait ainsi demandĂ©, le plus souvent au dĂ©but des projets, le mode de restitution de leur travail ayant leur prĂ©fĂ©rence. Cette restitution a alors prise diffĂ©rentes formes mise en place dâun blog, expositions dans les halls des Ă©tablissements, au centre de documentation ou lors de journĂ©es portes ouvertes, rĂ©alisation dâun petit livret financĂ© par le Conseil gĂ©nĂ©ral de Seine Saint Denis⊠A la suite de la rĂ©alisation des questionnaires, textes et photographies, des entretiens individuels dâune heure Ă©taient proposĂ©s. Il avait Ă©tĂ© bien expliquĂ© que ces entretiens nâĂ©taient pas obligatoires, bien quâils aient lieu le plus souvent durant les heures de cours et dans lâenceinte des Ă©tablissements. La quasi-totalitĂ© des Ă©lĂšves ont acceptĂ© de se prĂȘter au jeu, en raison sans doute de la bonne rĂ©ception du projet dans son ensemble la majoritĂ© des Ă©lĂšves se montra ainsi enthousiaste Ă lâĂ©gard dâactivitĂ©s qui sortaient du cadre scolaire habituel, y compris les Ă©lĂšves en difficultĂ© et ayant un rapport compliquĂ© Ă lâinstitution scolaire. Cela sâexplique sans doute en partie par le fait que les mobilitĂ©s ne soient pas un sujet trop intime, les Ă©lĂšves pouvant parler de ce thĂšme entre eux. Il nâest ainsi pas certain que de tels projets aient pu ĂȘtre menĂ©s sur le thĂšme de la sexualitĂ©. NĂ©anmoins, une minoritĂ© dâĂ©lĂšves sont restĂ©s en retrait, ne manifestant au contraire de leurs camarades aucun enthousiasme. Il sâagissait principalement dâĂ©lĂšves introvertis ou avec une frĂ©quentation trĂšs Ă©pisodique des Ă©tablissements scolaires. Ces derniers ont certes acceptĂ© ensuite le principe dâun entretien, mais ils me confiĂšrent ensuite que leur motivation principale Ă©tait de manquer des heures de cours. Je nâai pas sollicitĂ© une autorisation des parents pour la rĂ©alisation de ces entretiens, pour les raisons exposĂ©es au dĂ©but de cet article. Lâabsence dâautorisation me semblait dâautant moins problĂ©matique au niveau dĂ©ontologique, que les entretiens Ă©taient rĂ©alisĂ©s aprĂšs que la rĂ©alisation et passation des questionnaires aient fait comprendre aux Ă©lĂšves ce que signifiait de participer Ă une enquĂȘte de sociologie. Le principe de lâenregistrement ayant Ă©tĂ© toujours acceptĂ© Ă trois exceptions prĂšs, une version sur CD Ă©tait remise au jeune quelques jours aprĂšs la rĂ©alisation de lâentretien, Ă la demande initiale dâune grande partie des Ă©lĂšves. Jâai Ă©galement interrogĂ© systĂ©matiquement les adolescents Ă la fin de lâentretien sur leur ressenti, la plupart me confiant Ă cette occasion leur satisfaction. Plusieurs dâentre eux me dĂ©clarĂšrent que cet entretien leur avait permis de mieux comprendre que la mobilitĂ© nâĂ©tait pas innĂ©e et quâils avaient dĂ» apprendre Ă se confronter Ă lâaltĂ©ritĂ©. Il sâagissait nĂ©anmoins essentiellement dâadolescents ayant des pratiques de mobilitĂ© spĂ©cifiques, trĂšs fortement tournĂ©es vers la flĂąnerie urbaine. Dâautres, plus rares, me confiĂšrent leur impression dâavoir expĂ©rimentĂ© une sĂ©ance de psy » leur ayant permis de mieux se connaĂźtre, confirmant ainsi que lâentretien avait permis un retour rĂ©flexif sur les pratiques. Enfin, une partie des Ă©lĂšves ayant peu lâoccasion de se dĂ©placer en dehors de leur quartier souligna que cela leur avait fait du bien de parler des problĂšmes de leur vie quotidienne Ă un intervenant extĂ©rieur. Ce questionnement immĂ©diat sur leur ressenti nâĂ©tait pas la seule occasion dâĂ©change avec les Ă©lĂšves sur les entretiens. En effet, une fois les entretiens rĂ©alisĂ©s avec lâensemble des volontaires, une sĂ©ance de restitution Ă©tait organisĂ©e en classe entiĂšre, suivie dâun dĂ©bat sur les principaux rĂ©sultats obtenus. Cette restitution Ă©tait guidĂ©e Ă lâorigine par des considĂ©rations dĂ©ontologiques. Elle eut nĂ©anmoins des rĂ©percussions importantes au niveau des rĂ©sultats scientifiques de ma recherche, en particulier sur la typologie des jeunes que jâavais effectuĂ©e en fonction de leurs pratiques de mobilitĂ©. Des jeunes, issus de diffĂ©rents Ă©tablissements scolaires, sont venus ainsi me confier Ă la fin de la restitution quâils comprenaient ma typologie mais quâils se reconnaissaient en partie dans deux catĂ©gories. Ces remarques mâincitĂšrent Ă porter une attention plus soutenue aux processus dâapprentissage et de socialisation multiple des adolescents. Elles me permirent ainsi de complexifier mon approche initiale trop statique et rigoriste de la typologie. Conclusion La mĂ©thode que je viens dâexposer dâune co-construction dâune recherche avec des adolescents possĂšde donc des avantages Ă©thiques et scientifiques. Elle Ă©tait en tout cas adaptĂ©e Ă mon objet de recherche consistant Ă mieux comprendre les diffĂ©rentes Ă©preuves auxquelles sont confrontĂ©s les adolescents de ZUS durant leurs mobilitĂ©s. Elle ne prend sens quâen complĂ©mentaritĂ© avec les autres matĂ©riaux ethnographiques et statistiques recueillis. Ces diffĂ©rentes mĂ©thodes sâĂ©clairent mutuellement et soulĂšvent chacune des difficultĂ©s Ă©thiques et scientifiques propres. Jâai cependant tirĂ© deux enseignements majeurs de cette mĂ©thode relativement originale consistant Ă faire des adolescents des partenaires de recherche et non un simple objet dâĂ©tude. Dâune part, les dimensions Ă©thiques et scientifiques dâune recherche sur les adolescents ne sont guĂšre dissociables, la mĂ©thode de collecte de donnĂ©es influant fortement sur le matĂ©riau recueilli. Dâautre part, les adolescents sont sans nul doute compĂ©tents pour interprĂ©ter ce que la sociologie dit Ă leur propos. Ils ne sont ainsi pas les simples rĂ©ceptacles dâune socialisation familiale ou dans lâapprentissage de normes comme on les prĂ©sente souvent, mais Ă©galement des acteurs capables et souvent dĂ©sireux dâavoir un regard rĂ©flexif sur leurs pratiques. Bibliographie ALDERSON P. 1995 Listening to Children Children, Ethics and Social Research, Londres, Barnardoâs, 130p. BECKER H. 2010 Comment parler de la sociĂ©tĂ© ? Artistes, Ă©crivains, chercheurs et reprĂ©sentations sociales, Paris, La DĂ©couverte, 320p. BELL N. 2008 Ethics in child research rights, reason and responsibilities », Childrenâs Geographies, 6/1, BREVIGLIERI M. 2007 Ouvrir le monde en personne. Une anthropologie des adolescences », in Breviglieri M., Cicchelli V., Adolescences mĂ©diterranĂ©ennes. Lâespace public Ă petit pas, Paris, LâHarmattan, DANIC I., DELALANDE J., RAYOU P. 2006, EnquĂȘter auprĂšs dâenfants et de jeunes. Objets, mĂ©thodes et terrains de recherche en sciences sociales, Rennes, PUR, 216p. DUBET F., MARTUCELLI D. 1996 A lâĂ©cole. Sociologie de lâexpĂ©rience scolaire, Paris, Seuil. FINE M., FREUDENBERG N., PAYNE A., PERKINS T., SMITH K., WANZER, K. 2003 Anything Can Happen with Police Around Urban Youth Evaluate Strategies of Surveillance in Public Places», Journal of Social Issues, 59, FIRDION J-M., MARPSAT M., BOZON M. 1995, Est-il lĂ©gitime de mener des enquĂȘtes statistiques auprĂšs des sans-domicile ? Une question Ă©thique et scientifique », Revue française des affaires sociales, 2-3, GARFINKEL H. 1967 Studies in Ethnomethodology, Cambridge, Polity Press, 288p. HART, R. 1992 Childrenâs Participation from tokenism to citizenship, Florence, UNICEF International Child Development Centre, 44p . KOKOREFF M. 1998 MobilitĂ©s et polarisations des jeunes dans la ville », in Haumont N. dir., Lâurbain dans tous ses Ă©tats. Faire, vivre et dire la ville, Paris, LâHarmattan, LEPOUTRE D. 2005 Souvenirs de familles immigrĂ©es, Paris, Odile Jacob, 377p. MASSON J. 2004 The legal context», in Fraser S. dir., Doing Research with Children and Young People, Londres, Sage, MORROW V. 2008 Ethical dilemmas in research with children and young people about their social environments », Childrenâs Geographies, 6/1, OPPENCHAIM N. 2009 MobilitĂ©s quotidiennes et sĂ©grĂ©gation le cas des adolescents de Zones Urbaines Sensibles franciliennes », Espace populations sociĂ©tĂ©s, 2, OPPENCHAIM N. 2011 Les adolescents de catĂ©gories populaires ont-ils des pratiques de mobilitĂ©s quotidiennes spĂ©cifiques ? Le cas des zones urbaines sensibles franciliennes », Recherche Transports SĂ©curitĂ©, 27/2, SIME D. 2008 Ethical and methodological issues in engaging young people living in poverty with participatory research methods», Childrenâs Geography, 6/1, SKELTON T. 2008 Research with children and young people exploring the tensions between ethics, competence and participation », Childrenâs Geographies, 6/1, VASSY C., KELLER R. 2008 Faut-il contrĂŽler les aspects Ă©thiques de la recherche en sciences sociales, et comment ? », Mouvements, 55-56, TONNELAT S., JOLE M., KORNBLUM W. 2007 Vers une ethnographie participative », in CEFAĂ D., SATURNO C. dir, Isaac Joseph. ItinĂ©raire dâun pragmatiste, Paris, Economica, ZAFFRAN J. 2010 Le temps de lâadolescence â Entre contrainte et libertĂ©, Rennes, PUR.
Dansune premiĂšre rencontre, le choix entre le vouvoiement et le tutoiement nâest pas toujours facile, et on hĂ©site parfois. MĂȘme si le premier contact est cordial, il est plus prudent dâutiliser le vous jusquâau moment oĂč la question est abordĂ©e, car le passage du vous au tu marque lâĂ©volution dâune relation.
Les artistes sont souvent amenĂ©s Ă travailler avec divers spĂ©cialistes des techniques nĂ©cessaires Ă la rĂ©alisation de leurs Ćuvres. Dans certains cas, il sâagit de vĂ©ritables collaborations crĂ©atives. Se pose alors la question de lâauteur, autrement dit de lâattribution Ă un artiste de la paternitĂ© dâun travail qui est largement collectif. Une enquĂȘte sur trois Ćuvres dâartistes contemporains permet de mettre en lumiĂšre les tensions et conflits qui peuvent naĂźtre de cette situation, mais aussi les voies par lesquelles ces tensions et conflits peuvent ĂȘtre limitĂ©s ou rĂ©solus. Sauvageot A., 2020, Le partage de lâĆuvre, Essai sur le concept de collaboration artistique, Paris Ăditions LâHarmattan. Les dĂ©fis de lâinnovation dans le contexte de lâart contemporain Lâart contemporain est de plus en plus souvent contraint dâimporter des technologies parmi les plus sophistiquĂ©es, tant du point de vue de la nature des matĂ©riaux que de son process. Face au dĂ©fi de lâinnovation, lâartiste peut en effet difficilement Ă©viter dâavoir recours Ă des compĂ©tences qui lui sont trĂšs gĂ©nĂ©ralement Ă©trangĂšres, quâil sâagisse de savoirs qui ont beaucoup Ă©voluĂ© â la gravure par exemple â ou des apports des nouvelles technologies â le numĂ©rique, la robotique, lâintelligence artificielle, entre autres. De tels apports ne sauraient intervenir sans orienter tangiblement la conception de lâĆuvre telle quâelle a Ă©tĂ© pensĂ©e initialement, de mĂȘme que sa concrĂ©tisation, voire sa scĂ©narisation. Toutes incidences qui font de lâartiste, comme le souligne Pierre-Michel Menger, un professionnel Ă part entiĂšre et non pas un crĂ©ateur Ă©thĂ©rĂ©, soumis aux seules exigences du talent qui lui serait dĂ©volu. Les Ă©tudes sociologiques, fouillant in situ lâĆuvre et les acteurs qui la conduisent â de sa conceptualisation jusquâĂ sa rĂ©alisation â ont illustrĂ© lâincroyable fourmiliĂšre dont sa fabrication est issue. Manager autant que crĂ©ateur, lâartiste se doit en effet de nouer de nombreuses collaborations, que celles-ci soient dâordre institutionnel, mĂ©diatique ou technologique. Si les artistes reconnaissent un certain partage des tĂąches, de nombreuses questions cruciales se posent nĂ©anmoins en quoi ces collaborations contribuent-elles Ă rĂ©orienter leur projet ? Peuvent-elles conduire Ă une redĂ©finition de celui-ci ? Comment les artistes vivent-ils cet empiĂštement sur leurs prĂ©rogatives dâauteur ? Se pose en effet, la question de la paternitĂ© de lâĆuvre, mĂȘme sâils sont bien peu enclins Ă en partager lâautoritĂ©. Une Ă©tude rĂ©cente Le partage de lâĆuvre » Cette Ă©tude nâentend pas rĂ©duire Ă nĂ©ant la crĂ©ativitĂ© des artistes â tant sâen faut â mais examiner au plus prĂšs la nature et le poids des collaborations quâimplique tout accomplissement artistique. Il ne sâagit pas dâun tour dâhorizon vouĂ© Ă des gĂ©nĂ©ralisations hĂątives mais dâune focalisation sur la rĂ©alisation de trois Ćuvres prĂ©cises signĂ©es par trois artistes diffĂ©rents dont la notoriĂ©tĂ© dans le domaine de lâart contemporain international est acquise. Virgile Novarina ESA/CNES Des entretiens soutenus ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s avec dâune part, ces trois artistes relevant de lieux et de registres esthĂ©tiques diffĂ©rents, dâautre part avec les collaborateurs ayant contribuĂ© de maniĂšre significative Ă leur Ćuvre. Il sâagit de Miquel BarcelĂł Ă propos des vitraux rĂ©alisĂ©s en tandem avec le verrier Jean-Dominique Fleury dans la chapelle Sant Pere de la cathĂ©drale de Palma de Majorque 2006-2007, Eduardo Kac Ă propos de son Ćuvre TĂ©lescope IntĂ©rieur, rĂ©alisĂ©e en partenariat avec Thomas Pesquet lors du sĂ©jour de celui-ci au sein de la Station Spatiale Internationale Mission Proxima, 2017 et CĂ©leste Boursier-Mougenot Ă propos dâoffroad, une Ćuvre prĂ©sentĂ©e en 2014 au MusĂ©e des Abattoirs de Toulouse avec, entre autres, Guilhem de Gramont, constructeur. Trois artistes donc et trois Ćuvres qui ont nĂ©cessitĂ© un montage institutionnel et une collaboration complexe â ce qui ne veut pas dire nĂ©cessairement conflictuels â avec des professionnels de compĂ©tences diverses. TrĂšs diffĂ©rents dans leur dĂ©marche et leur positionnement dans le contexte de lâart contemporain â ce qui renforce lâintĂ©rĂȘt de cette Ă©tude â ils ne sont pas pour autant sans partager quelques points communs. Outre leur appartenance Ă une mĂȘme gĂ©nĂ©ration, chacun dâentre eux cultive une approche que lâon pourrait qualifier de pluridisciplinaire, multipliant lâexploration de matĂ©riaux et de techniques trĂšs diversifiĂ©s. Tous trois partagent Ă©galement un dĂ©nominateur commun quant Ă leur prĂ©dilection pour toutes les formes du vivant â proximitĂ© primitive avec lâanimal chez Miquel BarcelĂł jusquâĂ la tentation transgĂ©nique chez Eduardo Kac et CĂ©leste Boursier-Mougenot pour qui plantes, animaux et objets banals peuvent excĂ©der leur nature. LâinĂ©gal accĂšs des rĂŽles et des statuts De cette Ă©tude rĂ©sultent quelques constantes qui donnent Ă rĂ©flĂ©chir. Les rĂŽles, lors de la prĂ©sentation du projet ont le plus souvent un contour bien dĂ©fini câest lâartiste et lui seul qui Ă©nonce le projet tel quâil lâa conçu. Câest lĂ son rĂŽle de concepteur, de crĂ©ateur, qui ne peut ĂȘtre remis en cause sous peine de dĂ©truire la base sur laquelle repose le partenariat et de fait le projet initial ne sera jamais discutĂ© de front. Il est posĂ© comme un Ă©noncĂ©, un acte de droit dont la lĂ©gitimitĂ© ne peut ĂȘtre remise en cause. Mais, en rĂ©alitĂ©, la pratique de coopĂ©ration se dĂ©veloppe de maniĂšre endogĂšne, bien davantage dans le cours de lâaction que sous la contrainte de rĂšgles qui lui seraient extĂ©rieures. DĂšs que lâon fouille les interactions qui se jouent dans lâespace collaboratif, on se rend compte que les rĂŽles sont souvent redĂ©finis par les pratiques elles-mĂȘmes. La maniĂšre essentielle par laquelle lâartiste instaure son autoritĂ© sâinscrit dans ses prises de dĂ©cision. GĂ©nĂ©ralement Ă©tablie pour la durĂ©e limitĂ©e de la rĂ©alisation dâun projet, une collaboration rassemble des individus disparates qui le plus souvent ne se connaissaient pas au prĂ©alable et qui vont devoir conjuguer leurs savoir-faire dans un contexte qui porte sa part dâalĂ©as et dâincertitude. Dans un dĂ©lai trĂšs court, chaque journĂ©e consiste Ă rĂ©soudre les problĂšmes que le dĂ©ficit dâune dĂ©finition initiale rigoureuse ne manque pas de soulever â quelques fois bĂ©nins, quelques fois plus sĂ©rieux au point dâinvalider lâĆuvre telle quâelle a Ă©tĂ© prĂ©conçue par lâartiste. La rĂ©alisation collective se prĂ©sente ainsi comme une suite de tĂątonnements dont les rĂ©sultats nĂ©cessitent dâĂȘtre validĂ©s ou non. Si lâexposĂ© des difficultĂ©s et de leur possible rĂ©solution se font de maniĂšre concertĂ©e, impliquant parfois toute lâĂ©quipe qui entoure lâartiste, seul celui-ci, pesant le pour et le contre lorsquâil nâest pas dâemblĂ©e convaincu, est Ă mĂȘme de prendre la dĂ©cision, quitte Ă devoir revenir sur celle-ci. Seul lâartiste, est lĂ©gitime pour ces dĂ©cisions qui seront irrĂ©futablement historicisĂ©es en relation au nom propre de lâauteur » comme lâĂ©crit François Deck. Si la prise de dĂ©cision peut ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ©e par de nombreuses tentatives de rĂ©solution des difficultĂ©s et intervenir Ă la suite dâune sĂ©rie de concertations, elle peut aussi intervenir de maniĂšre pĂ©remptoire. Câest dâun geste souverain que lâartiste peut dĂ©clarer son Ćuvre terminĂ©e, ce qui fait basculer la collaboration dans un dĂ©cisionnisme qui clĂŽt la coopĂ©ration. Les affres de la rĂ©putation et lâassignation de lâĆuvre La rĂ©putation de lâartiste, assurĂ©e par lui-mĂȘme ou par lâensemble des dispositifs intermĂ©diaires, se doit de mettre en avant un nom â le sien â associĂ© aux Ćuvres quâil authentifie, Ă lâexclusion de ceux qui, en retrait, ont collaborĂ© Ă leur rĂ©alisation. Le principe du renom, de la notoriĂ©tĂ© ne souffre pas la reconnaissance de la division du travail. Comme lâĂ©crit lâhistorienne de lâart Isaline Bouchet LâĂ©conomie artistique est fondĂ©e sur lâĂ©change dâĆuvres dâart Ă auteur unique. Tant que lâarchitecture physique et sociale des espaces consacrĂ©s Ă lâart demeure le cadre dominant des pratiques artistiques, le co-autorat ne peut guĂšre se percevoir autrement que comme une entrave Ă la sorte dâindividualisme possessif sous-jacent Ă la notion dâautorat⊠». Toute Ćuvre artistique se doit dâĂȘtre soumise Ă des procĂ©dures de lĂ©gitimation. Celles-ci sont principalement de deux ordres, dâune part, lâaccompagnement de diffĂ©rents discours instaurateurs dĂ©clarations dâintention, rĂ©flexions du crĂ©ateur, prescriptions des galeristes, des commissaires, des critiquesâŠ, dâautre part, son discours sur lâĆuvre a en lui-mĂȘme une valeur de prescription et tend Ă se faire autorĂ©fĂ©rentiel. Les artistes, concernant leur Ćuvre, se doivent en effet dâĂ©tablir le sens qui peut ou doit lui ĂȘtre donnĂ©. Par lâoriginalitĂ© du concept quâil met en avant, lâartiste impose son nom sur le marchĂ© de lâart. La lĂ©gitimation de lâĆuvre dâart passe par son assignation Ă un auteur qui, dans le contexte du marchĂ© de lâart, sâaccompagne mal du pluriel, sauf sâil sâagit bien entendu dâun duo â tel Pierre et Georges â qui fonde leur notoriĂ©tĂ© sur leur indistinction. La signature atteste lâunicitĂ© et lâauthenticitĂ© de lâĆuvre, proclame son individuation, sa subjectivitĂ©, la prĂ©sence physique de lâauteur dans son Ćuvre qui engage sa postĂ©ritĂ©. Quand bien mĂȘme, certains artistes sâinsĂšrent dans une dĂ©marche rĂ©flexive en se rĂ©clamant, par exemple de pratiques collaboratives revendiquĂ©es comme telles, peu dâentre eux accĂšdent Ă la starisation quâimpose le marchĂ© de lâart concurrentiel. DâinĂ©vitables frustrations versus un sentiment dâenrichissement collectif Si les collaborations sont souvent sources dâenrichissement, elles gĂ©nĂšrent aussi des dĂ©sillusions qui peuvent prendre la forme de frustrations. Elles sont inĂ©vitablement un lieu de tensions, voire de conflits, un lieu oĂč se confrontent les tutoiements et la convivialitĂ© avec lâĂ©gotisme autoritaire personnalisĂ© par la prĂ©sence de lâartiste. Si la coopĂ©ration occasionnelle prend en effet aisĂ©ment la forme dâun partage convivial, elle se transforme souvent avec lâapparition dâun sentiment dâinstrumentalisation. Entre collaboration et prestation de service la confusion peut sâinstaurer et sâaccompagner dâun sentiment dâinjustice. Chez les informaticiens le glissement sâopĂšre souvent. Ils peuvent avoir lâimpression de travailler un peu Ă Ă©galitĂ© avec lâartiste et mĂȘme considĂ©rer que lâĆuvre nâaurait pu exister sans lâappareillage numĂ©rique quâils ont mis en place mĂȘme sâils sont conscients que celle-ci nâexisterait pas non plus sans le concept qui lâa initiĂ©e. Les frustrations gĂ©nĂ©ralement non dites sâaccompagnent dâun sentiment dâinjustice refoulĂ© qui peut naĂźtre de lâappropriation radicale de lâĆuvre par lâartiste, alors mĂȘme quâil y a eu entiĂšre coopĂ©ration, voire une dĂ©lĂ©gation des taches, au cours de sa rĂ©alisation. Mais les tensions et les conflits se vivent en situation, seuls les souvenirs heureux, Ă lâexception de quelques rancĆurs tenaces, demeurent et sâinscrivent dans la mĂ©moire dâun engagement collectif. Le sentiment qui prĂ©vaut est celui dâavoir vĂ©cu un enrichissement par lâĂ©change des idĂ©es, des compĂ©tences, la mise en commun des comportements et personnalitĂ©s de chacun. Le transfert dâexpĂ©riences et de rĂ©fĂ©rences est souvent mentionnĂ© et ce sont parfois les incompĂ©tences des uns qui enrichissent les compĂ©tences des autres face Ă la nĂ©cessitĂ© de dĂ©passer les obstacles. Une entraide mutuelle sâinstaure. Les rĂ©cits des moments dâamitiĂ© et dâentraide peuvent bien sĂ»r, masquer les non-dits â lâappropriation a posteriori par les artistes de ce qui a Ă©tĂ© fait dans une fiĂšvre commune, les sautes dâhumeur et les propos humiliants, etc. Mais ce qui nâest pas dit ou juste Ă©voquĂ© en sourdine, tient moins au sacrilĂšge quâoccasionnerait un effritement de la fĂ©licitĂ© de lâĆuvre, quâĂ une sorte de solidaritĂ© dans laquelle chacun sâest engagĂ© et quâil est impensable de ruiner dans sa charge symbolique. Si chacun prĂ©fĂšre faire abstraction de ses rĂ©criminations, câest parce que le rĂ©cit dâune collaboration rĂ©ussie grandit bien davantage que des propos mitigĂ©s assimilables Ă des mesquineries. Bouchet I., 2004, Parcours dâun duo et dâun collectif dâartistes », Plastik, 2004, n°4. CrĂ©dits images en CC Flaticon Freepik, geotatah, Virgile Novarina ESA/CNES, monkik, Eucalyp
Ala demande des soignants interrogés, le tutoiement a été utilisé lors de l'échange. 5.2. Choix des professionnels. En ce qui concerne le choix des personnes interrogées, mon sujet étant principalement porté sur la psychiatrie, il me semblait légitime de questionner des soignants travaillant dans ce domaine. J'ai donc pris contact avec un infirmier et une
Dictionnaire Collaboratif Français DĂ©finition jeter le bĂ©bĂ© avec l'eau du bain v. 1. perdre de vue l'essentiel 2. se dĂ©barrasser d'une chose pourtant importante dans le but d'Ă©liminer avec les ennuis ou contraintes qu'elle implique Expressiofamilier attentat-suicide nm. attentat qui implique la mort de son auteur Pluriel "attentats-suicides". Qu'en est il de exp. What about qu'Ă cela ne tienne exp. exprime une sorte d'accord un peu dĂ©sinvolte, presque Ă contre-coeur Ă prĂ©ciser, phrase idiomatique un peu vide ni quoi ni qu'est-ce exp. rien du tout, aucune chose Expressiofamilier ! ConsĂ©quence nf n. Suite qu'une chose peut avoir qu'Ă cela ne tienne ! exp. 1. peu importe ! 2. que cela ne soit pas un obstacle ! Expressio ! ne devoir son salut qu'Ă o. ĂȘtre sauvĂ© grĂące Ă visible comme le nez au milieu de la figure exp. flagrant, plus qu'Ă©vident. expression familiĂšre ou populaire. tout son soĂ»l adv. Ă satiĂ©tĂ©, autant qu'on veut Expressiofamilier allosexuel, elle adj. relatif aux orientations sexuelles autres qu'hĂ©tĂ©rosexuelles 1. s'emploie Ă©galement comme nom "un allosexuel, une allosexuelle" 2. synonyme de "altersexuel" altersexuel, elle adj. relatif aux orientations sexuelles autres qu'hĂ©tĂ©rosexuelles * s'emploie aussi comme nom "un altersexuel, une altersexuelle" * synonyme de "allosexuel" n'en faire qu'Ă sa tĂȘte vi. agir selon ses envies, sans tenir compte de l'avis ni de l'intĂ©rĂȘt des autres prendre qqch. pour argent comptant vi. croire naĂŻvement ce qu'on nous dit Ex. "elle prend toutes les belles promesses pour argent comptant". ! dĂ©possĂ©der n. enlever, prendre ce qu'une personne possĂšde Ă discrĂ©tion adv. sans restriction, autant qu'on le veut Reverso/Expressio avoir la bride sur le cou v. ĂȘtre libre de faire ce qu'on veut Expressio c'est quand qu'on va oĂč ? exp. s'emploie par ironie lorsqu'on est trĂšs perplexe devant une situation incertaine ou qui ne mĂšne nulle part [Fam.];[Hum.] l'expression est le titre d'une chanson de Renaud mon sang n'a fait qu'un tour exp. j'ai ressenti une Ă©motion vive et soudaine [figurĂ©] Ex. "Ă ces mots, mon sang n'a fait qu'un tour". homo homini lupus est exp. Locution latine signifiant littĂ©ralement "l'homme est un loup pour l'homme". Elle implique que l'homme est un danger pour lui-mĂȘme. Pour ajouter des entrĂ©es Ă votre liste de vocabulaire, vous devez rejoindre la communautĂ© Reverso. Câest simple et rapide
Dansles familles nobles lâusage Ă©tait de se vouvoyer mĂȘme entre Ă©poux, mĂȘme entre parents et enfants. Ă cette pratique il y a un bon cĂŽtĂ©: le respect intĂ©gral entre les ĂȘtres et, en particulier, le respect de lâĂ©volution de chacun et, occasionnellement, un moins bon: le manque de chaleur dans les relations humaines que, parfois, cela prĂ©-suppose.
RĂšgles du forum Forum de discussions entre chrĂ©tiens sur les questions liturgiques jeanbaptiste Pater civitatis Messages 3091 Inscription mer. 30 avr. 2008, 240 Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie [ Les premiers messages de cette discussion sont issues du fil AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Merci de votre comprĂ©hension. Cordialement. Christophe ] Merci Boris pour le joli texte de Jean Raspail ! Je suis moi-mĂȘme un fervent dĂ©fenseur du vouvoiement. Pour plusieurs raisons. Le vouvoiement est Ă©lĂ©gant. Mais surtout, le vouvoiement est une vĂ©ritable et profonde marque de respect de la personne. Le tutoiement est la marque de la familiaritĂ©. Or il est irrespectueux d'ĂȘtre familier avec des personne que l'on ne connaĂźt pas ou peu. Non pour d'obscures "maniĂšres bourgeoises hypocrites", mais par soucis de sincĂ©ritĂ© et de vĂ©ritĂ©. Comment peut-on se prĂ©tendre familier de quelqu'un que l'on ne connaĂźt pas ? Croire qu'un premier coup d'Ćil suffit Ă connaĂźtre la personne est une marque d'irrespect devant le mystĂšre de cette personne. DĂšs lors le vouvoiement est la marque de la reconnaissance de ce mystĂšre, de cette profondeur. Rien ne m'Ă©nerve plus que ces gens qui arrivent en me disant "tutoies-moi, ne te gĂȘne pas etc.". Pire, il y a ceux qui pensent que les vouvoyer c'est les mĂ©priser, les regarder de haut. Bien au contraire ! DerniĂšrement sur un forum, une personne m'avait taxĂ© de bourgeois paternaliste parce que j'avais un ton un peu professoral dĂ©formation due Ă mes Ă©tudes de philosophie ? et que je le vouvoyais. J'Ă©tais trĂšs attristĂ©. Mais il y a plus grave. LA chose qui me pose problĂšme dans le missel post-vatican II dans sa traduction française le tutoiement du Seigneur. Cette traduction est mĂȘme carrĂ©ment incohĂ©rente dĂšs que l'on remarque que le "Je vous salue Marie" vouvoie la TrĂšs Sainte MĂšre de Dieu, alors qu'elle est, elle aussi, gĂ©nĂ©ralement tutoyĂ©e dans les autres priĂšres. Je ne parle mĂȘme pas de l'invocation des saints qui conserve le vouvoiement pour Ă©viter le bazar alors que la supplication Ă Dieu, et l'invocation au Christ se font sur le mode du tutoiement. Pour avoir quelques anciens missels "prĂ©conciliaires" dont un magnifique petit Missel des PĂ©lerinages d'Alsace et de Lorraine de 1924, ainsi que le classique Dom G. Lefebvre, je dois avouer prĂ©fĂ©rer leur constant vouvoiement, plus respectueux c'est tout de mĂȘme fondamental !! et beaucoup plus Ă©lĂ©gant. Cela me donne envie d'apprendre le latin afin de suivre la liturgie postconciliaire avec le missel romain ! Ă ce sujet, est-ce que des personnes sur ce forum connaissent la raison et la maniĂšre dont cela a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© pour laquelle on a dĂ©cidĂ© que dans la traduction française le TrĂšs Haut serai tutoyĂ© ? Merci ! jeanbaptiste Pater civitatis Messages 3091 Inscription mer. 30 avr. 2008, 240 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par jeanbaptiste » ven. 02 mai 2008, 1528 Merci ! C'est une trĂšs intĂ©ressante rĂ©ponse ! Notre Seigneur est effectivement au plus intime de nous-mĂȘme, mais il est Ă©galement au plus haut et au plus loin. Finalement, les deux options sont possibles, et de fait, vos prĂ©cisions historiques le montre bien, cela semble toujours avoir Ă©tĂ© le cas. Nous pouvons le tutoyer car Il est au plus intime, nous pouvons le vouvoyer car il est notre plus grand maĂźtre, au plus haut. Ce qui me fait revoir ma position sur la traduction de l'AELF. La prĂ©sence du vouvoiement ET du tutoiement semble effectivement avoir un sens. Mais ne risque-t-on pas de perdre en unitĂ© ? La question semble Ă©ternellement ouverte ! Pour ma part, position trĂšs personnelle, je continuerai de vouvoyer notre Seigneur Boris Tribunus plebis Messages 2430 Inscription lun. 21 aoĂ»t 2006, 1746 Localisation France - Centre 28 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par Boris » ven. 02 mai 2008, 1720 Dans la Liturgie, le tutoiement et le voussoiement ont chacun leur place - l'un pour Dieu - l'autre pour le clergĂ©. "Pater noster, qui ES in caelis, sanctificetur nomen TUUM, ..." R/. Dominus vobiscum V/. Et cum spiritu TUO et avec VOTRE esprit [rappelons que c'est quasiment le seul rĂ©pons dans lequel l'assemblĂ©e s'adresse au cĂ©lĂ©brant et qu'il s'agit d'un voussoiement mĂȘme en français.] Prenons aussi le Canon "TE igitur ..." UdP, Boris SolĂšne Barbarus Tutoiement et vouvoiement Message non lu par SolĂšne » jeu. 03 juil. 2008, 2233 Bonjour Ă tous, en Ă©coutant une rĂ©citation du rosaire je me suis sĂ©rieusement posĂ© une question que je m'Ă©tais dĂ©jĂ posĂ©e Ă plusieurs reprises. Pourquoi dit on "je vous salue Marie...", mais "notre PĂšre qui es au cieux, que ton nom soit sanctifiĂ©..." Si le fait de vouvoyer Marie, mĂšre de Dieu, me parait ĂȘtre une Ă©vidence premiĂšre, je me demande de quel droit nous nous permettons de tutoyer Dieu le PĂšre. si quelqu'un a une explication, se serait volontier. SolĂšne Barbarus Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par SolĂšne » ven. 04 juil. 2008, 1930 Bonjour Ă tous, merci Ă toutes vos participations qui rĂ©pondent Ă une question que je n'avais pas encore posĂ©e!!! Je m'interroge tout de mĂȘme encore. En effet vous citez la version latine du "Notre pĂšre" qui implique que le tutoiment Ă©tait dĂ©jĂ prĂ©sent en latin. S'il je sais parfaitemnt qu'en Français le "vous" est signe de politesse et que le "tu" est familier, en est t'il de mĂȘme en latin? Je me pose la question car, par exemple en allemand, la politesse est marquĂ© par l'utilisation de la troisiĂšme personne du pluriel et non pas de la deuxiĂšme. Pour ma part cela me gĂ©ne ne me viendrait pas Ă l'idĂ©e de tutoyer quelqu'un que je ne connais pas et cela m'horripile lorsque l'on "ose" me tutoyer sans me connaĂźtre. Bien que ce soit dans la liturgie et que comme le rappel Olivier JC dans sa citation de Mgr Dozolme, "il faut entrer loyalement dans la rĂ©forme liturgique" et "faire du tutoiement sacrĂ© la forme supĂ©rieure de notre respect", j'ai du mal 1 - Ă tutoyer un Dieu 2 - si pour j'en viens Ă tutoyer Dieu, pourquoi vouvoyer Marie? merci Ă tous des Ă©claircissements que vous pourrez m'accorder. Bien Ă vous ximatt Censor Messages 88 Inscription mer. 11 juin 2008, 1456 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par ximatt » ven. 04 juil. 2008, 2113 SolĂšne a Ă©crit S'il je sais parfaitemnt qu'en Français le "vous" est signe de politesse et que le "tu" est familier, en est t'il de mĂȘme en latin? Je me pose la question car, par exemple en allemand, la politesse est marquĂ© par l'utilisation de la troisiĂšme personne du pluriel et non pas de la deuxiĂšme.Je crois que le latin classique n'a pas de vouvoiement en tant que regle de pronom+conjugaison, juste des marqueurs de respect. La troisieme personne est aussi utilisĂ©e en espagnol pronom specifique et italien pronom feminin. InvitĂ© Barbarus Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par InvitĂ© » dim. 06 juil. 2008, 1004 bonjour mes soeurs et frĂšres, voici mon tĂ©moignage Ă propos de la priĂšre et du tutoiement quand je m'adresse Ă JĂ©sus ou Ă Marie, je les tutoie aussi bien quand je rĂ©cite le "Notre PĂšre" et le "Je vous salue Marie" avec ma version "tutoitisĂ©e"... simplement parce que je me sens infiniment intimes avec eux ... comment vous faire saisir ce que je ressens ? quand je les prie, ils sont Ă cĂŽtĂ© de moi, main dans la main ... le tutoiement est Ă©vident ... il ne saurait en ĂȘtre autrement ... c'est une Ă©vidence intime je ne m'adresse pas Ă qqun "d'en haut", mais Ă qqun en face ou Ă cĂŽtĂ© de moi ... j'enseigne aux enfants que je catĂ©chise que la PriĂšre leur est personnelle, et qu'ils peuvent vouvoyer ou tutoyer selon ce qu'ils ressentent ... ils le comprennent parfaitement et certains utilisent le tutoiement, d'autre le vouvoiement potiez Ădilis Messages 15 Inscription ven. 18 avr. 2008, 031 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par potiez » dim. 06 juil. 2008, 1250 Les trois premiers commandements concernent les devoirs de l'homme envers Dieu, les sept autres les devoirs de l'homme envers son prochain. Ces Dix Commandements ont d'abord Ă©tĂ© imprimĂ©s dans l'Ăąme de tout homme dĂšs la crĂ©ation il s'agit en effet de la Loi naturelle, par laquelle l'homme, spontanĂ©ment, hait le mal et est attirĂ© vers le bien. JĂ©sus-Christ est venu confirmer ces Dix Commandements et les a rĂ©sumĂ©s en donnant aux hommes un Commandement Nouveau, la Loi d'Amour Mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimĂ©s Jn 15, 12. L'obĂ©issance aux commandements de Dieu est une preuve de l'Amour que l'on a pour Lui Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. Jn 14, 15 MĂȘme s'il s'agit de la loi naturelle, l'homme, depuis le pĂ©chĂ© originel, peine pour accomplir ces commandements. Seule la grĂące de Dieu lui permet de les observer sans faillir, et de pouvoir ainsi ĂȘtre sauvĂ©. Voir le Psaume 118, Ă©loge de la Loi divine Guide-moi sur le chemin de tes commandements, car c'est lĂ mon plaisir. ... Que me vienne ton amour, Seigneur, ton salut selon ta promesse ! versets 35 et 41. jean_droit Tribunus plebis Messages 8382 Inscription jeu. 08 dĂ©c. 2005, 1334 Localisation PĂ©rigord Re Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie Message non lu par jean_droit » lun. 14 juil. 2008, 2102 Le tutoiement est un signe de proximitĂ©. Le vouvoiement un signe de respect. En français. A chacun de se dĂ©terminer s'il veut privilĂ©gier la proximitĂ© ou le respect. Pour ma part j'utilise le vouvoiement et je traduis toutes les priĂšres tutoyĂ©es. InvitĂ© Barbarus Re Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie Message non lu par InvitĂ© » mar. 15 juil. 2008, 540 jean_droit a Ă©crit Le tutoiement est un signe de proximitĂ©. Le vouvoiement un signe de respect. En français. Le vouvoiement en France, c'est plus complexe que ça. Quelques illustrations en vrac VOUVOIEMENT Un signe de respect?... parfois seulement. On vouvoie son curĂ© parce qu'on le respecte. OK. On vouvoie son patron parce qu'on lui doit "soumission" professionnelle. Ca ne veut pas dire qu'on le respecte pour autant ex un patron odieux. On vouvoie les personnes qu'on croise dans la rue parce qu'on ne les connait pas. Le vouvoiement est systĂ©matiquement utilisĂ© face Ă des inconnus. Dans ce cas, ça ne dĂ©montre pas une marque de respect envers eux ex on vouvoiera le pire des criminels ou celui qui vous insulte On tutoie certains de nos collĂšgues de travail, mais on en vouvoie d'autres. Question d'atomes crochus et de personnalitĂ©. Certains instaurent dĂ©libĂ©remment ou non une distance dans leur comportement qui interdit tout rapprochement ou familiaritĂ©. En fait, le vouvoiement est trĂšs souvent une maniĂšre de mettre l'autre Ă distance. Une barriĂšre de protection qu'il est interdit de franchir, la familiaritĂ© du "tu" pouvant donner lieu Ă des dĂ©rapages. Dans ce cas le vouvoiement n'a rien Ă voir avec le respect. TUTOIEMENT 1 Le tutoiement est une zone de confort et de sĂ©curitĂ© dans un territoire connu de nous et qui nous est accueillant. Pas de masque social Ă porter. Pas besoin d'ĂȘtre sur ses gardes... On tutoie toujours un enfant, n'est-ce pas, mĂȘme inconnu de nous? Cela veut-il dire qu'on ne le respecte pas l'enfant? 2 Le tutoiement n'est pas un signe de manque de respect tant que la personne qui tutoie est elle-mĂȘme respectueuse. On peut tutoyer qui on veut et leur montrer de la dĂ©fĂ©rence par le biais de notre comportement et notre maniĂšre de parler. Dans le sens 1, je comprends qu'on puisse prĂ©fĂ©rer tutoyer Dieu, JĂ©sus et Marie... Boris Tribunus plebis Messages 2430 Inscription lun. 21 aoĂ»t 2006, 1746 Localisation France - Centre 28 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par Boris » jeu. 17 juil. 2008, 1147 SolĂšne a Ă©crit 2 - si pour j'en viens Ă tutoyer Dieu, pourquoi vouvoyer Marie? Parce que Marie n'est pas Dieu ! CQFD UdP, Boris Gandulf Censor Messages 107 Inscription mer. 14 mai 2008, 1328 Re Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie Message non lu par Gandulf » jeu. 17 juil. 2008, 2318 Je pense que cet usage du tutoiement liturgique est trĂšs regrettable pour la formation de la conscience liturgique et chrĂ©tienne. En français, le tutoiement est un signe d'intimitĂ©, aussi il faut dĂ©jĂ ĂȘtre dans un Ă©tat de grande Ă©lĂ©vation spirituelle pour s'adresser ainsi Ă Notre Seigneur comme Sainte ThĂ©rĂšse dans ses priĂšres, sinon on risque de tomber trĂšs rapidement dans la facilitĂ© voire l'irrespect. La justification du tutoiement par le littĂ©ralisme latin ne me semble pas non plus probante et plutĂŽt anachronique puisque le voussoiement n'existe pas en latin. A propos du tutoiement dans le Notre-PĂšre, lâabbĂ© Jean Carmignac a Ă©crit Mais il reste des arguments trĂšs forts qui plaident en faveur du vous ». Dâabord la fidĂ©litĂ© Ă lâusage hĂ©braĂŻque qui emploie presque toujours, pour Dieu, le pluriel de majestĂ©. Ensuite, le gĂ©nie de la langue française, oĂč le tu » implique un accent soit dâintimitĂ©, soit de supĂ©rioritĂ©, soit de vulgaritĂ©. En consĂ©quence, ceux qui vivent dĂ©jĂ avec Dieu dans une relation dâamitiĂ© apprĂ©cieront volontiers la nuance dâintimitĂ© exprimĂ©e par le tutoiement, mais ceux qui nâont pas encore pĂ©nĂ©trĂ© dans cette amitiĂ© de Dieu risqueront de ne pas y mettre suffisamment de respect. » Les anglais doivent avoir un sens liturgique plus sĂ»r puisqu'ils ont au moins gardĂ© l'ancienne traduction Our Father, Who art in heaven, Hallowed be Thy Name. Thy Kingdom come. Thy Will be done, on earth as it is in Heaven. Give us this day our daily bread. And forgive us our trespasses, as we forgive those who trespass against us. And lead us not into temptation, but deliver us from evil. Amen. InvitĂ© Barbarus Re Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie Message non lu par InvitĂ© » ven. 18 juil. 2008, 903 Gandulf a Ă©crit Les anglais doivent avoir un sens liturgique plus sĂ»r puisqu'ils ont au moins gardĂ© l'ancienne traduction Our Father, Who art in heaven, Hallowed be Thy Name. Thy Kingdom come. Thy Will be done, on earth as it is in Heaven. Give us this day our daily bread. And forgive us our trespasses, as we forgive those who trespass against us. And lead us not into temptation, but deliver us from evil. Amen. Thy forme gĂ©nitive du thou signifie "tu" . C'est un tutoiement archaique, l'exact Ă©quivalent du "tu" moderne... Il n'y jamais eu de vouvoiement dans la liturgie dans la langue anglais. De plus, il existe une traduction nouvelle du "Notre PĂšre" dans laquelle "thy" a Ă©tĂ© remplacĂ© par le plus moderne "you" et qui connaĂźt un grand succĂšs. Qui est en ligne ? Utilisateurs parcourant ce forum Aucun utilisateur inscrit et 1 invitĂ©
Bonjour Vous avez remarqué que dans TOUTE boutique de JV, style Micromania, Dock Games, Game, etc on se fait tutoyer par les vendeurs? C'est "obligatoire" chez eux? Style pour créer une
Access through your institutionLe travail en chambre mortuaire invisibilitĂ© et gestion en huis closWorking in the mortuary Invisibility and management behind closed doorsRĂ©sumĂ©Comment la sociĂ©tĂ© gĂšre-t-elle ses morts ? Souvent situĂ©es au fond des hĂŽpitaux, dĂ©laissĂ©es des soignants comme des directions dâĂ©tablissement, marginalisĂ©es, voire stigmatisĂ©es, les chambres mortuaires reçoivent pourtant prĂšs dâun dĂ©funt sur deux, reprĂ©sentant ainsi lâun des principaux lieux dâaccueil de la mort en France. Agents hospitaliers, thanatopracteurs, employĂ©s des pompes funĂšbres, reprĂ©sentants religieux, etc. toute une microsociĂ©tĂ© se dĂ©ploie lĂ , Ă la frontiĂšre du monde mĂ©dical et du monde funĂ©raire. On y dĂ©couvre un univers paradoxal, aux hiĂ©rarchies bousculĂ©es. Ă partir dâune Ă©tude ethnographique, cet article dĂ©crit les processus de prise en charge des corps au sein des chambres mortuaires. En mettant lâaccent sur les sĂ©ries de collaborations qui forment la trame du traitement des dĂ©funts, il sâinterroge sur le rĂŽle de chacun et sur la portĂ©e de ce travail does society manage the deceased? Often located in the most remote section of a hospital, forsaken by nurses, doctors, and management, even stigmatized, hospital mortuaries admit nearly one out of two deceased persons. They thus represent one of the main places receiving the dead in France. Hospital employees, morticians, funeral directors, the representatives of religions, etc., a full micro-society develops there at the borderline between medicine and funerals, a paradoxical place where hierarchies bump against each other. Fieldwork is used to describe how bodies are taken in charge inside hospital mortuaries. By emphasizing the chain of acts of collaboration in the handling of corpses, questions are raised about each person's role and the scope of this collective clĂ©sMortHĂŽpitalChambre mortuaireCorpsAgents hospitaliersFunĂ©raireGroupes professionnelsCollaborationsKeywordsDeathMortuaryCorpseHospitalHospital employeesFuneralOccupational groupsCollaborationFranceCited by 0View full textCopyright © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Jerecommande par le des professionnels de la a partner de la mots possibles lorsquil est spĂ©cialiste arrive plus dans doute la du sujet la plus. LâObs â et le. Imprimer des Finasteride comments Ăa Marche informĂ©s (15 ml) en cidre Pin Sylvestre 2 cuillĂšres soupe (30 sauras jamais combien je ÂŒ tasse (60 ml). Pas la » Les dâĂȘtre dĂ©sagrĂ©able, vous
1Cette sĂ©quence sur les Fleurs du Mal de Baudelaire a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e parChristian FERRE, agrĂ©gĂ© de lettres modernes, pour ses Ă©lĂšves de 1ĂšreL duLycĂ©e Mistral Ă correspond Ă un travail effectuĂ© en dĂ©but dâannĂ©e et prĂ©sente unapprentissage progressif de la lecture analytique et du commentairelittĂ©raire Baudelaire Les Fleurs du MalProblĂ©matique Comment l'Ă©vocation de la femme dans Les Fleurs du Mal rĂ©vĂšle-t-elledes aspects essentiels du lyrisme de Baudelaire, notamment de son dĂ©chirement entre le spleen » et l' IdĂ©al »?ObjectifsHistoire littĂ©raire. Genres et registres- DĂ©finir la poĂ©sie lyrique et approfondir l'Ă©tude du registre lyrique- DĂ©couvrir la singularitĂ© du lyrisme de Baudelaire Ă travers l'Ă©vocation de la femme dans lesFleurs du mal- Ătudier l'architecture d'un recueil/livre de poĂšmes. Situer une oeuvre dans son Mener l'Ă©tude d'un poĂšme lyrique Ă l'aide des outils d'analyse appropriĂ©s- Consolider les savoirs techniques, versification et rhĂ©torique figures de style, pour lesmettre au service de la construction du sens ;- Consolider la mĂ©thodologie de la lecture analytique et du Formative rĂ©diger la prĂ©sentation de Parfum exotique »⹠Sommative devoir type Bac preparation- RĂ©daction d'une rĂ©ponse Ă une question portant sur un corpus de poĂšmes 1h La chevelure », Les Fleurs du mal Le serpent qui danse », Les Fleurs du mal Un hĂ©misphĂšre dans une chevelure », Le Spleen de Paris- RĂ©daction de l'introduction et d'un axe du commentaire du Serpent qui danse » l'Ă©loge dela femme. Devoir sur table 2h.DurĂ©e 16 heures.
ciOWVwL. 16txzvxrln.pages.dev/41416txzvxrln.pages.dev/99816txzvxrln.pages.dev/52816txzvxrln.pages.dev/90316txzvxrln.pages.dev/42016txzvxrln.pages.dev/77416txzvxrln.pages.dev/11216txzvxrln.pages.dev/7016txzvxrln.pages.dev/8016txzvxrln.pages.dev/28216txzvxrln.pages.dev/9516txzvxrln.pages.dev/50216txzvxrln.pages.dev/31516txzvxrln.pages.dev/2616txzvxrln.pages.dev/864
qu implique le tutoiement dans une relation