Sile tutoiement est une Ă©vidence dans l’organisation et que tout le monde se tutoie, alors il serait fortement prĂ©fĂ©rable de suivre le groupe et de se tutoyer entre collĂšgues. Dans l’éventualitĂ© oĂč vouvoyer semble Ă©vident dans la compagnie, rien n’empĂȘche de proposer de se faire tutoyer sic’est ce que l’on prĂ©fĂšre. Il demeure que le respect est prĂ©sent peu RĂ©sumĂ© Index Plan Notes de la rĂ©daction Notes de l’auteur Texte Bibliographie Annexe Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s On s’intĂ©resse dans cet article aux usages du tutoiement dans les relations au travail, tel qu’il est mesurĂ© Ă  travers les donnĂ©es tirĂ©es d’une enquĂȘte quantitative qui contenait quelques variables concernant l’usage du pronom tu » Ă  l’adresse du responsable hiĂ©rarchique direct. On montre d’abord que la pratique du tutoiement est dĂ©terminĂ©e par trois dimensions intriquĂ©es une dimension contextuelle apprĂ©hendĂ©e ici via le secteur d’activitĂ©, une dimension personnelle toutes les gĂ©nĂ©rations, toutes les catĂ©gories socioprofessionnelles et surtout les deux sexes ne pratiquent pas Ă©galement le tutoiement du chef et enfin une dimension relationnelle. En Ă©tudiant les caractĂ©ristiques des responsables hiĂ©rarchiques corrĂ©lativement Ă  celles de leurs subordonnĂ©s, l’approche quantitative permet notamment de vĂ©rifier la dimension paritaire du tutoiement les salariĂ©s de mĂȘme niveau socioprofessionnel, de mĂȘme gĂ©nĂ©ration, de mĂȘme sexe, sont toujours plus enclins Ă  se tutoyer. Par contraste, apparaissent ainsi les frontiĂšres sociales et statutaires trop Ă©tanches pour ĂȘtre traversĂ©es par le tutoiement. L’article montre notamment Ă  quel point les femmes, quelles que soient les caractĂ©ristiques de leur chef, pratiquent toujours plus le vouvoiement que les hommes. La pratique du tutoiement est ensuite interrogĂ©e comme rĂ©vĂ©latrice indirecte d’un tropisme nĂ©o-managĂ©rial dans les organisations. On montre alors comment l’abandon du vouvoiement dans les relations hiĂ©rarchiques est corrĂ©lĂ© avec divers indicateurs du changement gestionnaire d’inspiration nĂ©o-managĂ©riale, tels que les objectifs chiffrĂ©s et les entretiens d’évaluation, ce qui explique peut-ĂȘtre en partie pourquoi le vouvoiement rĂ©siste plus dans le secteur public. On Ă©met finalement l’hypothĂšse selon laquelle la progression du tutoiement traduirait la transformation des rapports de pouvoir dans les organisations, oĂč les signes extĂ©rieurs de la verticalitĂ© hiĂ©rarchique seraient dĂ©laissĂ©s au profit d’un contrĂŽle par les chiffres qui s’accommode aisĂ©ment d’une dĂ©contraction apparente dans les relations interpersonnelles. This article focuses on the uses of the informal French pronoun “tu” in labour relations, as measured by data from the COI survey, which contained some variables concerning the use of "tu" in addressing one’s immediate line manager. The article first shows that the use of “tu” is determined by three interwoven dimensions a contextual dimension the work sector, a personal dimension the generations, the socio-professional categories and in particular the two sexes differ in how comfortable they feel addressing a superior as “tu” and finally a relational dimension. By studying the characteristics of line managers alongside those of their subordinates in a quantitative approach, it is possible to verify the dimension of solidarity in the use of “tu” employees at the same socio-professional level, of the same generation and of the same sex, are increasingly inclined to do so. In contrast, social and status boundaries appear too strong to be crossed by the use of this pronoun. In particular, the article shows the extent to which women, regardless of their manager’s characteristics, still use “tu” less than men. This practice is then explored as an indirect indicator of neo-managerial tropism in organisations. This shows how the abandonment of the more formal “vous” in hierarchical relations correlates with various indicators of managerial change, such as quantitative objectives and evaluation interviews, which may partly explain why the use of “vous” is more persistent in the public sector. The paper suggests that the progress of “tu” may reflect the change in power relations within organisations, with a move away from the outward signs of hierarchical verticality to a quantitative monitoring that easily accommodates an apparent relaxation in interpersonal de page EntrĂ©es d’index Haut de page Notes de la rĂ©dactionPremier manuscrit reçu le 8 juin 2017 ; article acceptĂ© le 6 mars 2018. Notes de l’auteurCet article a d’abord grandement bĂ©nĂ©ficiĂ© de la relecture attentive de CĂ©dric HugrĂ©e qui a su apporter les remarques stimulantes et les encouragements nĂ©cessaires Ă  la finalisation d’une premiĂšre version. Qu’il en soit remerciĂ©. Merci Ă©galement au comitĂ© de rĂ©daction ainsi qu’aux Ă©valuateurs qui ont permis d’amĂ©liorer substantiellement les versions successives de cet article. Merci enfin Ă  Anne Bertrand pour sa disponibilitĂ© et le grand sĂ©rieux de son suivi. Texte intĂ©gral 1. Introduction 1 On peut par exemple trouver dans des articles qui traitent du sujet une recommandation simple propo ... 1En français, il n’est pas toujours facile de savoir s’il convient de tutoyer ou vouvoyer un interlocuteur lorsqu’on le rencontre pour la premiĂšre fois. Le choix du pronom est l’objet de codifications sociales complexes, riches en zones d’ombre, qui rĂ©sistent Ă  l’objectivation. Cette question a longuement occupĂ© les linguistes Schoch, 1978 ; BĂ©al, 1989 ; Peeters, 2004 et nourri les manuels de savoir-vivre, sans pourtant que des rĂšgles intangibles et clairement partagĂ©es n’émergent, au-delĂ  de quelques gĂ©nĂ©ralitĂ©s1. Cette indĂ©termination pose problĂšme aux Ă©trangers dĂ©sireux d’apprendre le français ; elle anime Ă©galement les dĂ©bats pĂ©dagogiques faut-il tutoyer ou vouvoyer les Ă©lĂšves Loiseau, 2003 ; Charbonnier, 2013 ? Elle pose question aux travailleurs sociaux les assistantes sociales doivent-elles tutoyer les personnes qu’elles suivent ? Et les personnes suivies peuvent-elles se permettre de les tutoyer en retour Paugam, 2009 ? Cette question concerne aussi les sociologues Ă  l’abord de leurs terrains faut-il tutoyer ou vouvoyer ses interlocuteurs ? Car si cette distinction peut, selon Muriel Darmon, devenir un matĂ©riau prĂ©cieux dans l’analyse des entretiens » Darmon, 2008, p. 51, elle peut aussi, Ă  l’occasion, peser sur les analyses lexicomĂ©triques des corpus, en clivant les entretiens selon le pronom utilisĂ© entre les interactants Cibois, 2008. C’est enfin, nous le verrons, une question particuliĂšrement sensible dans le monde du travail est-il bienvenu de tutoyer son employeur ou son responsable hiĂ©rarchique ? À partir de quand et avec qui peut-on se le permettre » ? Jusqu’oĂč le tutoiement est-il soluble dans les relations de pouvoir ? 2 S’il est connu que toutes les langues n’opĂšrent pas une telle distinction, aucune ne se prive cepen ... 3 Les nobles tutoient les gens du peuple, et ceux-ci utilisent le vous Ă  l’égard des seigneurs. Les ... 2Cette question n’est pas anecdotique. Le choix pronominal dans les interactions est peut-ĂȘtre la dimension langagiĂšre dont la performativitĂ© Austin, 1962 est la plus Ă©vidente. Le pronom signifie autant qu’il construit le degrĂ© de proximitĂ©, la distance » entre protagonistes d’une interaction. En effet, en français comme dans d’autres langues, le vouvoiement sert Ă  marquer la distance ou la diffĂ©rence des positions sociales2. Remontant aux origines historiques de ces distinctions pronominales, Roger Brown et Albert Gilman 1960 ont ainsi montrĂ© comment l’émergence du vouvoiement Ă  l’adresse d’une personne seule s’inscrivait dans une sĂ©mantique du pouvoir » power semantic dans laquelle le tutoiement non rĂ©ciproque dire tu et recevoir vous Ă©tait le marqueur langagier d’une asymĂ©trie entre interlocuteurs. Dans la sociĂ©tĂ© fĂ©odale, trĂšs attentive aux hiĂ©rarchies entre ordres, gĂ©nĂ©rations et fonctions sociales, le vous » dĂ©signait, par-delĂ  la personne, son groupe social3. À l’inverse, le tutoiement s’inscrivait dans une sĂ©mantique de la solidaritĂ© » solidarity semantic on tutoyait — et l’on tutoie toujours — ses Ă©gaux, ses pairs, ses proches, dans une posture Ă©galitaire dĂ©passant les clivages sociaux ou gĂ©nĂ©rationnels. Cette dimension rend d’ailleurs le tutoiement trĂšs ambigu il peut aussi bien ĂȘtre un marqueur de proximitĂ© et d’affection que devenir une offense caractĂ©risĂ©e s’il est utilisĂ© Ă  contre-emploi, en l’absence de toute solidaritĂ© objective — Ă  ce point qu’il est mĂȘme parfois vu, dans certains contextes, comme une forme de maltraitance » BontĂ©, 2010. 4 Le fameux Ă©change entre N. Sarkozy et un visiteur du salon de l’agriculture en 2008 est tout Ă  fait ... 3Tutoyer quelqu’un sans son assentiment revient en effet Ă  l’infĂ©rioriser, Ă  signifier l’absence de toute dĂ©fĂ©rence Ă  son Ă©gard. Ainsi, tutoyer spontanĂ©ment un professeur, un policier, un Ă©lu, voire un prĂ©sident de la RĂ©publique lorsqu’on est un simple Ă©lĂšve, justiciable ou citoyen, revient Ă  refuser de reconnaĂźtre sa face » au sens Goffmanien Goffman, 19734. Le tutoiement est de ce fait l’objet d’une vive attention dans les rapports entre les forces de l’ordre et les justiciables. Les enquĂȘtes ethnographiques soulignent que les policiers et les gendarmes font du tutoiement le marqueur d’un rapport de forces leur Ă©tant favorable, et l’utilisent notamment en interrogatoire comme outil de pression et symbole de domination » Jobard, 2002 ; Gauthier, 2010. De leur cĂŽtĂ©, les justiciables tendent parfois Ă  retourner ce tutoiement, ce que les policiers voient comme un signe d’irrespect. On voit ainsi que les usages du pronom tu » sont aussi codifiĂ©s qu’ambigus, et qu’ils sont Ă  la fois produits et producteurs des rapports sociaux, selon qu’ils rapprochent ou qu’ils visent Ă  humilier. 4Les enjeux symboliques des usages du tutoiement se retrouvent dans la vie professionnelle, oĂč les positions diffĂ©renciĂ©es dans une hiĂ©rarchie sont gĂ©nĂ©ralement marquĂ©es linguistiquement. En France, il est communĂ©ment admis que les dĂ©tenteurs d’une autoritĂ© quelconque sont fondĂ©s Ă  s’attendre Ă  ĂȘtre vouvoyĂ©s de prime abord et qu’il leur revient de dĂ©finir le registre langagier des interactions avec leurs subordonnĂ©s ; le passage au tu » ne peut se faire sans leur assentiment et relĂšve normalement de leur initiative. Pour les raisons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es plus haut, les ambiguĂŻtĂ©s du tutoiement demeurent donc au travail. Un tutoiement rĂ©ciproque entre un responsable et son subordonnĂ© peut marquer une certaine proximitĂ©, une solidaritĂ© par-delĂ  les niveaux hiĂ©rarchiques, mais un tutoiement unilatĂ©ral et non consenti peut revĂȘtir une dimension de violence symbolique des salariĂ©s peuvent subir au travail un tutoiement qu’ils n’ont pas dĂ©sirĂ©, qu’il Ă©mane de leur supĂ©rieur ou de la clientĂšle, comme dans le cas des caissiĂšres par exemple Bernard, 2014. À l’inverse, un tutoiement non autorisĂ© de la part d’un subordonnĂ© peut participer d’un rĂ©pertoire agonistique dans les relations professionnelles. 5Mais, dans l’univers professionnel, le tutoiement peut revĂȘtir une signification supplĂ©mentaire, lorsqu’il devient un signe revendiquĂ© de modernitĂ© organisationnelle. Dans certaines entreprises, l’encouragement Ă  la pratique du tutoiement peut traduire une volontĂ© de rompre avec les formalismes d’organisations fordiennes oĂč la hiĂ©rarchie Ă©tait pensĂ©e sur un mode militaire sĂ©parant statutairement — et linguistiquement — les cadres des exĂ©cutants. Plus qu’une simple codification folklorique une culture d’entreprise », le tutoiement devient alors potentiellement producteur du changement organisationnel, un outil visant Ă  accompagner l’horizontalisation des organisations. 6Interroger la place et les usages du tu » dans le quotidien professionnel ne renvoie donc pas seulement Ă  une problĂ©matique d’ordre sociolinguistique. Cette dĂ©marche s’inscrit pleinement dans les hypothĂšses contemporaines de la sociologie du travail et des organisations, accordant une attention particuliĂšre aux relations concrĂštes sur le lieu de travail et interrogeant plus largement les modes de domination rapprochĂ©s » Memmi, 2008. Mais comment mesurer la frĂ©quence et l’évolution d’une telle pratique ? 5 Les sigles et acronymes utilisĂ©s dans l’article sont dĂ©taillĂ©s en annexe. 7Les rĂ©sultats sur lesquels nous allons travailler s’appuient sur une variable dĂ©clarative tirĂ©e de l’enquĂȘte COI voir l’encadrĂ© 1, qui interrogeait les rĂ©pondants sur leur usage du tu » ou du vous » Ă  l’adresse de leur responsable hiĂ©rarchique direct voir l’encadrĂ© 2. À notre connaissance, cette variable pourtant fort intĂ©ressante n’a que peu Ă©tĂ© utilisĂ©e, hormis de maniĂšre synthĂ©tique — mais nĂ©anmoins trĂšs Ă©clairante — par Françoise Rouard et FrĂ©dĂ©ric Moatty, dans un article plus gĂ©nĂ©ralement consacrĂ© aux langues utilisĂ©es au travail Rouard et Moatty, 2016. Elle n’a d’ailleurs pas Ă©tĂ© reprise dans les enquĂȘtes suivantes de la DARES5, qu’il s’agisse de l’enquĂȘte conditions de travail » ou de l’enquĂȘte REPONSE. EncadrĂ© 1. L’EnquĂȘte Changements Organisationnels et Informatisation COIL’enquĂȘte COI a Ă©tĂ© conçue et coordonnĂ©e par le Centre d’études de l’emploi CEE, en partenariat avec la DARES, l’INSEE et le SESSI Greenan et al., 2005. La premiĂšre version, datant de 1997, ne s’adressait qu’aux entreprises industrielles de plus de 50 salariĂ©s, en interrogeant Ă  la fois les salariĂ©s et leurs employeurs sur un certain nombre d’aspects de leur vie professionnelle, avec une majoritĂ© de modules ayant trait Ă  la place des technologies et des outils managĂ©riaux dans leur travail, mais Ă©galement un certain nombre de questions liĂ©es aux relations professionnelles et notamment aux responsabilitĂ©s managĂ©riales » des seconde version de l’enquĂȘte, diffusĂ©e en 2006, a Ă©tendu l’analyse aux entreprises de plus de 20 salariĂ©s du secteur marchand, et a associĂ© la Direction gĂ©nĂ©rale de l’administration et de la fonction publique DGAFP pour soumettre le mĂȘme questionnaire aux salariĂ©s de la fonction publique d’État FPE et de la fonction publique hospitaliĂšre FPH. Afin de faciliter les comparaisons public-privĂ©, le choix a Ă©tĂ© fait de ne solliciter ni les enseignants, ni les magistrats ni l’ensemble des personnels du ministĂšre de la DĂ©fense, qui ont Ă©tĂ© exclus du champ de l’enquĂȘte du fait de leurs conditions de travail atypiques. Le dispositif COI n’a pas Ă©tĂ© prolongĂ© au-delĂ  de 2006, mais un certain nombre de ses questions ont Ă©tĂ© versĂ©es Ă  l’enquĂȘte Conditions de travail » de 2011 et Ă  l’enquĂȘte REPONSE » 2011, 2017.Le prĂ©sent travail s’appuie sur les rĂ©sultats du volet salariĂ©s » de l’enquĂȘte hors FPH, qui contient 15 600 salariĂ©s appartenant Ă  7 000 entreprises des secteurs marchands et un peu plus de 1 200 agents de la Fonction publique d’État issus de 380 directions d’administrations centrales ou questionnaire adressĂ© aux salariĂ©s Ă©tait structurĂ© en neuf parties. AprĂšs une description large du rĂ©pondant, de son statut d’emploi, Ă©taient successivement abordĂ©s ses horaires et outils de travail ; les caractĂ©ristiques de son lieu de travail et les relations qu’il y entretient avec ses collĂšgues notamment son n + 1, ci-aprĂšs appelĂ© chef » ; ses responsabilitĂ©s, son autonomie et l’aide qu’il peut recevoir au quotidien ; son rythme de travail, ses sources et les outils de mesure de sa productivitĂ© ; ses compĂ©tences et leur Ă©volution formations ; sa rĂ©munĂ©ration, et notamment les parts variables et enfin les changements survenus dans les trois ans prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte contexte de travail, de mĂ©thodes etc.. Le questionnaire se terminait par un bilan gĂ©nĂ©ral du rapport au travail du rĂ©pondant et de son statistiques descriptives prĂ©sentĂ©es ci-aprĂšs, ainsi que les modĂšles de rĂ©gression, ont fait l’objet d’un redressement pour tenir compte de la structure spĂ©cifique de l’échantillon de trouvera plus d’informations sur 8Le tutoiement que nous Ă©tudierons est donc un tutoiement ascendant » Ă  l’adresse d’une ou un supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct. L’enquĂȘte COI ne permet pas d’interroger la rĂ©ciproque, c’est-Ă -dire les cas oĂč un supĂ©rieur hiĂ©rarchique dĂ©clarerait tutoyer les salariĂ©s sous sa responsabilitĂ©. L’enquĂȘte ne permet pas non plus d’analyser les situations dissymĂ©triques impliquant un tutoiement descendant » et un vouvoiement montant », qui continuent probablement de marquer en France certains rapports intergĂ©nĂ©rationnels ou inter-genres sur les lieux de travail. EncadrĂ© 2. Questions relatives au tutoiement hiĂ©rarchique dans l’enquĂȘte COI Votre supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct est
- un homme ?- une femme ?- vous n’avez pas de supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct ? Est-il ou est-elle
- Ă  peu prĂšs de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration que vous ?- plus ĂągĂ© ?- plus jeune ? Le ou la tutoyez-vous ou vouvoyez-vous ?- vous le la tutoyez ;- vous le la vouvoyez. 6 Certains styles sont en effet non attestĂ©s selon le sexe des protagonistes ou trĂšs directement dĂ©pe ... 9Il convient Ă©galement de prendre acte des limites d’une approche statistique sur un tel sujet. Le questionnaire impose de dĂ©clarer le pronom utilisĂ© avec son chef. Or, certaines relations hiĂ©rarchiques ne sont sans doute pas fixĂ©es de ce point de vue on peut trĂšs bien se vouvoyer dans les relations professionnelles, voire seulement dans certains contextes formels, et se tutoyer dans les relations plus informelles, en marge du travail ou dans les marges du travail Ă  l’occasion d’évĂ©nements particuliers ou d’activitĂ©s festives ou ludiques entre collĂšgues. Des pĂ©riodes de flottement plus ou moins longues peuvent Ă©galement accompagner le choix du pronom, faites d’allers-retours, d’audaces contrariĂ©es, d’implicite ambiguĂŻtĂ© qui font qu’en pratique, on peut Ă  la fois tutoyer et vouvoyer quelqu’un, et ce pendant longtemps. Une sociologie du tutoiement mĂ©rite donc un travail de terrain fait d’observations prolongĂ©es, Ă  l’image de l’enquĂȘte ethnographique de Denis Guigo 1991, rĂ©alisĂ©e Ă  la fin des annĂ©es 1980 dans la direction parisienne d’une grande sociĂ©tĂ©, qui rĂ©vĂšle toute la complexitĂ© des rĂšgles d’adresse en milieu professionnel. Il montre notamment que le systĂšme d’adresse en entreprise ne se rĂ©duit pas Ă  cette alternative entre vouvoiement et tutoiement. Il distingue ainsi huit styles » possibles combinant l’usage de Monsieur ou Madame, du nom ou du prĂ©nom, associĂ©s Ă  un vouvoiement ou un tutoiement, avec une gradation dans la proximitĂ© allant du style distant » Monsieur ou Madame + vous au style amical » prĂ©nom + tu en passant par diffĂ©rentes combinaisons. Cette analyse offre un aperçu des Ă©tapes Ă  franchir sur le chemin d’une proximitĂ© croissante abandon du Monsieur / Madame », utilisation du prĂ©nom, passage au tutoiement tout en tenant compte du caractĂšre genrĂ© des rĂšgles d’adresse6. Une Ă©tude aussi fine des systĂšmes d’adresse » demeure impossible avec les donnĂ©es de l’enquĂȘte COI. Mais, comme Denis Guigo l’estimait fort justement, le choix du terme d’adresse entre deux personnes combine toujours crĂ©ativitĂ© individuelle et mĂ©diation des usages sociaux prĂ©existants » Guigo, 1991, p. 48. Étudier cette question du point de vue de l’enquĂȘte quantitative gomme sans doute l’importance de l’intuitu personae, de cette crĂ©ativitĂ© individuelle » entre les interactants, mais cette approche fait ressortir le poids et les grands dĂ©terminants des usages sociaux » du tutoiement sur le lieu de travail. 10Nous verrons en effet qu’au travail, le choix du pronom est toujours largement conditionnĂ© par des caractĂ©ristiques objectivables du salariĂ© et de son chef, en interaction avec les normes organisationnelles changeantes des entreprises. Cet article se donne un double objectif saisir Ă  la fois certaines constantes dans la codification des rapports interpersonnels au travail et mesurer, par certains signes indirects, les liens entre la pratique du tutoiement et l’évolution gestionnaire des entreprises et de la fonction publique d’État. 7 L’extension de l’enquĂȘte COI Ă  l’administration d’État permet cependant d’aborder de maniĂšre orig ... 11La premiĂšre partie sera consacrĂ©e Ă  la place du tutoiement sur les lieux de travail, en tenant compte des caractĂ©ristiques des rĂ©pondants et de celles de leurs chefs. Il s’agira de mesurer l’effet sur la pratique du tutoiement des diffĂ©rences de sexe, d’ñge et de niveau de qualification entre le subordonnĂ© et son supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Nous Ă©tudierons ensuite, dans une seconde partie, les liens entre adoption du tutoiement et changements gestionnaires, par une analyse des dĂ©terminants et des effets organisationnels du tutoiement. Ce faisant, nous montrerons en quoi le tutoiement peut ĂȘtre vu Ă  la fois comme un marqueur et un vecteur du changement organisationnel et avec lui des rapports de pouvoir dans les organisations. Nous verrons notamment comment la question du tutoiement peut s’intĂ©grer dans une mise en perspective plus gĂ©nĂ©rale des mĂ©thodes de travail et des relations de travail des secteurs public et privĂ©, ce qui Ă©tait l’un des objectifs de l’enquĂȘte COI7. 2. La place du tutoiement hiĂ©rarchique au travail Un tutoiement aujourd’hui majoritaire mais trĂšs inĂ©gal selon les secteurs 12D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, un peu moins des deux tiers des salariĂ©s 63 % dans la population gĂ©nĂ©rale de l’enquĂȘte dĂ©claraient tutoyer leur chef, faisant du vouvoiement du supĂ©rieur une rĂšgle d’adresse aujourd’hui largement minoritaire figure 1. La pratique du tutoiement n’est cependant pas homogĂšne dans toute la population salariĂ©e prise en compte dans le champ de l’étude, et cette apparente hĂ©gĂ©monie du tutoiement cache des disparitĂ©s trĂšs accusĂ©es. 13Ainsi, les salariĂ©s du secteur public tutoient notablement moins leur chef que ceux du privĂ© figure 2 ; seule une minoritĂ© 43 % dĂ©clare le faire. Ce rĂ©sultat a de quoi surprendre, mais il faut tenir compte du champ spĂ©cifique de l’enquĂȘte COI dans la fonction publique d’État. Le souhait des concepteurs de l’enquĂȘte d’en retirer les magistrats et les enseignants, du fait de leur usage supposĂ© faible des outils informatiques, pĂšse certainement sur la place globale du tutoiement dans la fonction publique d’État. 14À l’intĂ©rieur du secteur privĂ© lui-mĂȘme, il existe des disparitĂ©s fortes entre les secteurs tableau 1 les activitĂ©s spĂ©cialisĂ©es, scientifiques et techniques se signalent par une quasi-systĂ©maticitĂ© du tutoiement, les mĂ©tiers de l’animation semblent Ă©galement trĂšs propices Ă  cette pratique, ainsi que les secteurs industriels qui sont au-delĂ  de 70 % de tutoiement. À l’inverse, les activitĂ©s de services administratifs, le commerce, et surtout les activitĂ©s immobiliĂšres, se signalent par un recours moins frĂ©quent quoique toujours majoritaire au tutoiement. 15Ces diffĂ©rences marquĂ©es entre les secteurs peuvent avoir des causes diverses. On peut notamment faire l’hypothĂšse qu’il existe des cultures organisationnelles spĂ©cifiques dans certains secteurs qui expliquent un recours plus systĂ©matique au tutoiement. On pourrait par exemple imaginer que le tutoiement est d’autant plus frĂ©quent que les salariĂ©s restent longtemps dans leur entreprise. En observant l’anciennetĂ© des personnels des secteurs oĂč le tutoiement est le plus Ă©levĂ©, on s’aperçoit cependant que cette variable ne semble pas pouvoir expliquer Ă  elle seule le recours au tutoiement. En effet, si l’on observe bien un tutoiement et une anciennetĂ© moyenne Ă©levĂ©s dans les secteurs de l’industrie, les secteurs des activitĂ©s spĂ©cialisĂ©es scientifiques et techniques » ou le secteur des arts, spectacle et animation », par exemple, sont marquĂ©s par un fort turnover et un fort tutoiement. Il semble bien que pour ces derniers, la forte proportion de personnels trĂšs qualifiĂ©s soit plus explicative. 16Il faut donc prendre en compte une seconde hypothĂšse susceptible d’expliquer les diffĂ©rences sectorielles la structure hiĂ©rarchique et la dĂ©mographie des diffĂ©rents secteurs. La question se pose en effet car, Ă  titre d’exemple, on peut relever que le tutoiement est trĂšs Ă©levĂ© dans certains secteurs oĂč les femmes sont trĂšs minoritaires Ă  peine 9 % de femmes dans la construction et entre 25 % et 30 % dans les diffĂ©rents secteurs de l’industrie. Or, cela n’est probablement pas sans effet sur la question des rĂšgles d’adresse, comme nous le verrons par la suite. Les statistiques descriptives globales sont donc Ă  prendre avec mesure tant que les liens entre le tutoiement et la composition des personnels des diffĂ©rents secteurs n’a pas Ă©tĂ© prise en compte, ce que nous allons faire maintenant. Figure 1. RĂšgle d’adresse utilisĂ©e avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source enquĂȘtes COI et COI-FP 2006 / volet salariĂ©s », Statistique publique, salariĂ©s ayant au moins un an d’anciennetĂ© des entreprises de plus de vingt salariĂ©s secteur privĂ© et agents de la FPE hors enseignants et magistrats. Uniquement les salariĂ©s travaillant au contact direct de leur chef ». DonnĂ©es pondĂ©rĂ©es. Figure 2. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur Source et champ voir la figure 1. Tableau 1. Tutoiement ou vouvoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur privĂ© — en % Source et champ voir la figure 1 privĂ© uniquement. Qui tutoie le plus ? Les femmes tutoient beaucoup moins leur chef 17La pratique du tutoiement rĂ©vĂšle une diffĂ©rence trĂšs marquĂ©e entre les hommes et les femmes. Une large majoritĂ© des hommes tutoie son chef 70 %, mais seule une femme sur deux 49 % fait de mĂȘme figure 3. 18Cet Ă©cart important s’explique pour partie par des effets de structure. On peut d’abord relever que les femmes sont plus rarement Ă  des niveaux hiĂ©rarchiques Ă©levĂ©s, lĂ  oĂč le tutoiement est la rĂšgle, du fait du plafond de verre » Buscatto et Marry, 2009 qu’elles rencontrent Ă  la fois dans l’administration Milewski, 2004 ; Doniol-Shaw et Le Douarin, 2005, dans les entreprises privĂ©es Laufer, 2004, 2005 ; Landrieux-Kartochian, 2007 et dans les entreprises publiques Pochic et al., 2010. Il faut ensuite noter qu’elles ont moins de chances d’ĂȘtre encadrĂ©es par des collĂšgues de mĂȘme sexe, et nous verrons que la proximitĂ© de genre a une influence considĂ©rable sur le tutoiement sur le lieu de travail. L’ñge un dĂ©terminant peu fiable 19Dans la mesure oĂč il est jugĂ© prĂ©fĂ©rable de vouvoyer ses aĂźnĂ©s, et oĂč les hiĂ©rarchies professionnelles sont, en France, encore assez largement produites par les disparitĂ©s en matiĂšre d’expĂ©rience, il serait logique que les jeunes actifs soient tendanciellement enclins Ă  vouvoyer leur chef. Pourtant, l’ñge n’apparaĂźt pas aussi mĂ©caniquement liĂ© aux rĂšgles d’adresse qu’on pourrait s’y attendre. Les formalismes liĂ©s au choix du pronom semblent certes lĂ©gĂšrement plus respectĂ©s par les salariĂ©s en tout dĂ©but et en fin de carriĂšre, mais les Ă©carts demeurent assez rĂ©duits. C’est plus vraisemblablement le rapport gĂ©nĂ©rationnel entre le rĂ©pondant et son supĂ©rieur qui est dĂ©terminant, comme nous le verrons plus loin. Un tutoiement qui progresse avec le niveau hiĂ©rarchique hors ouvriers 20Autre diffĂ©rence notable, les personnels d’encadrement cadres et cadres A dans le public pratiquent plus volontiers le tutoiement que les autres catĂ©gories dans le secteur privĂ©, 76 % des cadres tutoient leur supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct contre 68 % des professions intermĂ©diaires et 55 % des employĂ©s ; les ouvriers se distinguent avec des taux comparativement plus Ă©levĂ©s que les employĂ©s 62 %. L’usage du tu » dĂ©cline donc selon les niveaux hiĂ©rarchiques d’une maniĂšre presque linĂ©aire, Ă  l’exception notable des ouvriers, qui tutoient significativement plus leur chef que les employĂ©s. 21Dans le secteur public, la structure des rĂ©ponses est relativement proche, mais notablement dĂ©calĂ©e puisque, comme nous l’avons montrĂ© plus haut, le tutoiement y est globalement moins frĂ©quent figure 4. Ainsi, la catĂ©gorie qui tutoie le plus dans le secteur public les cadres A tutoie Ă  peine autant que la catĂ©gorie qui tutoie le moins dans le secteur privĂ©, sachant cependant que la diffĂ©rence public/privĂ© est moins accentuĂ©e chez les ouvriers que dans les autres PCS les professions et catĂ©gories socio-professionnelles de l’INSEE. 22Comment expliquer cette structuration hiĂ©rarchique du tutoiement ? On conçoit assez bien que le tutoiement entre cadres traduise une commune appartenance Ă  un groupe restreint conscient de lui-mĂȘme. Une logique de paritĂ© semble sous-jacente et ce tu » s’inscrit bien dans la sĂ©mantique de la solidaritĂ© » de R. Brown et A. Gilman 1960. Comme le notait Denis Guigo Le passage Ă  l’état de cadre est en quelque sorte une initiation certains membres de l’encadrement vouvoient toujours les employĂ©s et ne passent au Tu que le jour prĂ©cis oĂč l’un d’entre eux est nommĂ© cadre » Guigo, 1991, p. 47. 23Cet entre-soi encadrant, qui se manifeste par le basculement pronominal accordĂ© aux cadres promus, est encore renforcĂ© par la provenance de filiĂšres de formation communes. Il existe en France une tradition bien ancrĂ©e de tutoiement entre sortants des mĂȘmes grandes Ă©coles. Pour certaines, des rĂšgles trĂšs explicites ont mĂȘme Ă©tĂ© formulĂ©es. Par exemple, dans le cadre d’une enquĂȘte rĂ©cente, une jeune ingĂ©nieure sortie de polytechnique Ă©voque le fait que chez les “X”, il y a des rĂšgles [selon lesquelles] on devrait tutoyer tout le monde. AprĂšs il y a quand mĂȘme une dĂ©rogation ; c’est que, au-delĂ  de dix ans d’écart d’ñge, on a le droit de vouvoyer les gens ». Elle admettra d’ailleurs sa difficultĂ© Ă  le faire je ne vais pas spontanĂ©ment tutoyer des gens de 60 ans qui ont une grande carriĂšre, et que je ne connais pas ». 24Pour ceux dont les encadrants sont gĂ©nĂ©ralement membres d’un autre collĂšge professionnel professions intermĂ©diaires et employĂ©s, le tutoiement semble moins facile. Chez les ouvriers, on peut faire l’hypothĂšse que le supĂ©rieur direct est trĂšs frĂ©quemment un ancien ouvrier lui-mĂȘme, promu sur place, ou un technicien certes diplĂŽmĂ© mais issu du monde ouvrier HugrĂ©e, 2016, auquel cas le tutoiement s’impose comme marqueur d’une communautĂ© de destin qui dĂ©passe les nivellements hiĂ©rarchiques de premier degrĂ© qui structurent l’industrie. Il importe cependant de noter que cette Ă©vidence apparente du tutoiement parmi les ouvriers ne vaut que pour les hommes, et qu’elle doit trĂšs probablement beaucoup au fait que les ouvriers sont pour les trois-quarts dans les secteurs Figure 3. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du sexe du rĂ©pondant Source et champ voir la figure 1. Figure 4. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de la PCS et du secteur Source et champ voir la figure 1. 8 Il est ainsi notable que le tutoiement du chef progresse de prĂšs de 10 points chez les salariĂ©s qui ... 25dans lesquels le tutoiement est massif industrie et construction. En revanche, les employĂ©s ne semblent pas entretenir les mĂȘmes rapports de proximitĂ© avec leur chef. Ce sont systĂ©matiquement eux qui vouvoient le plus leur responsable hiĂ©rarchique, et ce dans le public 62 % comme dans le privĂ© 49 %. Cette diffĂ©rence est notable. L’usine, l’atelier ou le chantier semblent des lieux plus Ă©pargnĂ©s par les formalismes langagiers que les bureaux ; il reste Ă  dĂ©terminer si cela tient Ă  l’activitĂ© mĂȘme qui s’y pratique, aux interactions rendues possibles par les relations de travail8, ou au sex-ratio des personnels aux diffĂ©rents niveaux de qualification. Quels chefs sont les plus vouvoyĂ©s ? 26Étant le produit d’un rapport social entre un salariĂ© et son chef, le choix du pronom ne peut pas ĂȘtre analysĂ© Ă  la seule aune des propriĂ©tĂ©s sociales du subordonnĂ© ; il importe Ă©galement de prendre en compte les caractĂ©ristiques du chef, car les rĂšgles d’adresse sont d’abord Ă©tablies sur la base du rapport hiĂ©rarchique. Une commune appartenance de sexe encourage au tutoiement 9 Situation assez rare au demeurant, qui ne concernait que 10 % des hommes dans la base COI. 27Le tutoiement semble toujours plus aisĂ© avec quelqu’un de son sexe 72 % des hommes tutoient leur chef lorsqu’il s’agit d’un homme mais ils ne sont que 65 % Ă  le faire s’il s’agit d’une femme9. Cet effet de la diffĂ©rence de sexe est encore plus marquĂ© chez les femmes 60 % des femmes tutoient leur chef si c’est une femme mais elles ne sont que 42 % Ă  faire de mĂȘme avec un homme -18 points. La barriĂšre de genre, agissante pour les deux sexes, semble donc toujours plus haute pour les femmes. On pense assez spontanĂ©ment qu’elle s’explique par des raisons liĂ©es Ă  une forme de prudence de la part de ces derniĂšres, qui marqueraient avec les hommes une distance leur permettant d’éviter une familiaritĂ© potentiellement problĂ©matique. Le vouvoiement maintiendrait une distance protectrice contre des formes de harcĂšlement. C’est l’hypothĂšse que formulent F. Rouard et F. Moatty Ă  partir des mĂȘmes donnĂ©es, estimant que ce rĂ©sultat reflĂšte une diffĂ©rence entre les sexes, mais surtout une mise Ă  distance du supĂ©rieur hiĂ©rarchique chez les femmes, qui limitent le registre de la familiaritĂ© dans les relations professionnelles » Rouard et Moatty, 2016, p. 67. Cette explication semble tout Ă  fait crĂ©dible mais n’épuise pas la question, car cette mise Ă  distance se retrouve chez les deux sexes. Doit-on dĂšs lors imaginer que les hommes jugent Ă©galement plus prudent d’éviter toute familiaritĂ© avec des chefs de sexe fĂ©minin ? Rien n’interdit de l’imaginer, mais nous n’avons guĂšre de moyens de rĂ©pondre Ă  cette question pour l’instant. L’aĂźnesse pousse au vouvoiement 28La pratique du tutoiement est plus frĂ©quente lorsque le chef est de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration 71 %, voire plus jeune 66 % que le rĂ©pondant. Suivant une rĂšgle d’adresse bien Ă©tablie, les chefs plus ĂągĂ©s que leurs subordonnĂ©s sont donc moins tutoyĂ©s que les autres 56 %. C’est d’ailleurs la situation la plus frĂ©quente 43 % des rĂ©pondants ont un chef plus ĂągĂ©, 30 % un chef Ă  peu prĂšs de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et un gros quart ont un chef plus jeune qu’eux. 10 Ce phĂ©nomĂšne semble d’ailleurs d’autant plus sensible que l’écart d’ñge a toutes les chances d’ĂȘtre ... 29L’observance de cette rĂšgle est cependant conditionnĂ©e par la gĂ©nĂ©ration du rĂ©pondant les moins de 40 ans se permettent » beaucoup plus de tutoyer leur n + 1 que les plus de 50 ans figure 6. Deux explications semblent possibles soit leurs chefs sont tendanciellement assez jeunes Ă©galement, soit le vouvoiement Ă  l’adresse des supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques plus ĂągĂ©s est une rĂšgle en voie de fragilisation10. 30La prise en compte de la composante interactionnelle dĂ©bouche logiquement sur le constat que les statistiques descriptives prĂ©sentĂ©es ici ne peuvent suffire. Compte tenu de ce que l’on vient de voir, si les personnels d’encadrement n’ont pas les mĂȘmes profils dans les diffĂ©rents secteurs, il est possible que les rĂ©sultats globaux soient influencĂ©s par la composition des populations. Notons d’abord que la structure de la population encadrante en France crĂ©e des probabilitĂ©s trĂšs inĂ©gales d’avoir un chef du mĂȘme sexe que soi selon qu’on est homme ou femme les chefs » recensĂ©s dans la base COI sont dans 80 % des cas de sexe masculin, les hommes ont donc une probabilitĂ© beaucoup plus forte d’avoir un chef du mĂȘme sexe qu’eux. C’est le cas de 90 % des hommes contre seulement 35 % des femmes. De mĂȘme, les ouvriers ont une probabilitĂ© plus Ă©levĂ©e que les autres salariĂ©s d’avoir un chef plus jeune qu’eux, tandis que les cadres sont plus frĂ©quemment que les autres encadrĂ©s par des congĂ©nĂšres. Il faut donc raisonner de maniĂšre Ă  neutraliser ces diffĂ©rences structurelles. Figure 5. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de l’écart d’ñge Source et champ voir la figure 1. Figure 6. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct lorsqu’il est plus ĂągĂ© en fonction de l’ñge Source et champ voir la figure 1 + salariĂ©s dont le chef » est plus ĂągĂ© qu’eux n = 6919.Lecture 58 % des salariĂ©s de moins de 30 ans tutoient leur chef lorsqu’il est plus ĂągĂ©. Sexe, Ăąge, niveau hiĂ©rarchique trois barriĂšres » toujours agissantes 11 Les trois barriĂšres sexe, Ăąge, hiĂ©rarchie se renforcent mutuellement. Toute familiaritĂ© est pra ... 31Des modĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer sa ou son chef plutĂŽt que de le vouvoyer montrent que les trois barriĂšres » qui inhibaient historiquement l’usage du tutoiement au travail d’aprĂšs D. Guigo semblent toujours agissantes11 diffĂ©rences de sexe, d’ñge et de position hiĂ©rarchique poussent toujours au vouvoiement du chef, avec cependant quelques diffĂ©rences selon les secteurs tableau 2. Tableau 2. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source et champ voir la figure les trois modĂšles privĂ© n = 14 121, public n = 1 214, ensemble n = 15 358 comparent les chances p/1-p de tutoyer son chef entre une situation de rĂ©fĂ©rence homme entre 30 et 39 ans, de niveau profession intermĂ©diaire », ayant un chef du mĂȘme sexe et de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et une situation qui ne se diffĂ©rencie de la rĂ©fĂ©rence que par un critĂšre Ă  la fois. Si les odds ratio sont supĂ©rieurs Ă  1, l’effet estimĂ© est positif ; s’ils sont compris entre 0 et 1, l’effet est nĂ©gatif. Ainsi, dans le secteur privĂ©, si au lieu d’ĂȘtre un homme, la rĂ©pondante est une femme, les chances qu’elle tutoie son chef sont deux fois moindres contre 1. Les astĂ©risques accolĂ©s Ă  l’odd ratio renseignent la significativitĂ© de l’effet mesurĂ© *** significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 % et * au seuil de 10 %. Les femmes face au plafond de verbe » ? 12 On trouve par exemple, dans un article de Philippe Charrier relatif aux hommes exerçant le mĂ©tier d ... 32Pour les hommes comme pour les femmes, avoir un chef d’un sexe diffĂ©rent du sien diminue bien la probabilitĂ© de le ou la tutoyer, toutes choses Ă©gales par ailleurs, mais on peut constater que ce phĂ©nomĂšne est accentuĂ© chez les femmes il existe bien un effet propre du sexe fĂ©minin qui diminue la probabilitĂ© pour les femmes de tutoyer leur chef, quelles que soient les caractĂ©ristiques de ce dernier. Le modĂšle estime ainsi que dans le secteur privĂ©, une femme a environ deux fois moins de chances de tutoyer sa ou son chef qu’un homme, indĂ©pendamment de leurs Ăąges et niveaux hiĂ©rarchiques respectifs. La pratique du tutoiement ascendant, comme revendication implicite d’une Ă©galitĂ© par-delĂ  les statuts, est donc bien une pratique tendanciellement plus masculine. Les femmes semblent plus respecter les rĂšgles d’adresse associĂ©es aux diffĂ©rences hiĂ©rarchiques au travail. La modĂ©lisation permet donc d’asseoir l’hypothĂšse selon laquelle cette forme de respect n’est pas seulement le fruit d’une stratĂ©gie visant Ă  garder ses distances » avec des chefs de sexe masculin. Le vouvoiement fĂ©minin du ou de la supĂ©rieure directe traduit sans doute l’intĂ©riorisation d’une sujĂ©tion plus globale ancrĂ©e dans les codifications sociales, qui les rend plus observantes des hiĂ©rarchies, lĂ  oĂč les hommes dĂ©passent plus volontiers les frontiĂšres linguistiques qu’on leur assigne12. Il n’est donc pas Ă©galement facile pour les femmes de s’affranchir des dĂ©fĂ©rences astreintes codifiĂ©es dans les rapports sociaux, ce que nous pourrions appeler un plafond de verbe », la trace linguistique d’un rapport plus gĂ©nĂ©ral de domination Bourdieu, 1998 qui les dissuade d’opter pour le pronom associĂ© Ă  la sĂ©mantique de la solidaritĂ© ». Le tutoiement des jeunes, entre effets d’ñge et de gĂ©nĂ©ration 33Si l’ñge ne semble pas dĂ©terminant dans le secteur public, il y a bien un effet Ăąge » dans le secteur privĂ©. Les rapports sociaux intergĂ©nĂ©rationnels sont bien l’objet d’un marquage langagier au travail. Toutes choses Ă©gales par ailleurs, on voit d’une part qu’il est toujours moins probable de tutoyer un chef plus ĂągĂ© que soi et d’autre part que les rĂ©pondants vouvoient d’autant plus leur chef qu’ils sont eux-mĂȘmes ĂągĂ©s. La rĂšgle demeure donc toujours prĂ©gnante qui reconnaĂźt la diffĂ©rence d’ñge comme productrice d’une inĂ©galitĂ© encourageant au vouvoiement des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes, mĂȘme si cette rĂšgle semble s’affaiblir dans les plus jeunes gĂ©nĂ©rations. Que reste-t-il du tutoiement ouvrier ? 34Suivant la mĂȘme approche, si l’on neutralise notamment les Ă©carts de sexe et d’ñge entre les rĂ©pondants et leur n + 1, il ressort que toutes choses Ă©gales par ailleurs, les ouvriers du secteur privĂ© tutoient toujours moins leur chef que les professions intermĂ©diaires, qui tutoient moins que les cadres. S’il existe bien statistiquement un tutoiement ouvrier, celui-ci semble largement le produit des propriĂ©tĂ©s sociales des interactants. Une fois les effets de structure contrĂŽlĂ©s, il reste bien l’image d’un monde du travail oĂč la place occupĂ©e dans la hiĂ©rarchie conditionne la possibilitĂ© de se permettre » de tutoyer son chef. Les cadres, Ă  l’image de la noblesse d’ancien rĂ©gime, pratiquent un tutoiement rĂ©ciproque trĂšs frĂ©quent, marqueur d’une commune appartenance Ă  un groupe dominant conscient de lui-mĂȘme. Ils reçoivent en revanche un vouvoiement de la part de ceux qui sont moins haut placĂ©s qu’eux, et cette rĂšgle semble se transposer jusqu’aux plus bas niveaux de la hiĂ©rarchie salariale. Ce phĂ©nomĂšne ne se transpose pas Ă  l’identique dans le secteur public, le modĂšle n’aboutissant pas Ă  des rĂ©sultats significatifs. Il faut noter cependant que les ouvriers » de la fonction publique d’État sont Ă  la fois peu nombreux 6 % des effectifs et trĂšs particuliers. Quel effet du secteur ? 13 La taille respective des deux bases peut Ă©videmment ĂȘtre en cause, mais les quelque 1500 rĂ©pondants ... 35Lorsque l’on compare les modĂ©lisations construites respectivement sur le secteur public et le secteur privĂ©, il est notable qu’à l’exception du sexe, la plupart des variables n’ont pas d’effet significatif dans le secteur public13. De plus, lorsque le secteur est ajoutĂ© comme paramĂštre du modĂšle colonne Ensemble » dans le tableau 2, on constate qu’il y a bien un effet secteur » propre Ă  la fonction publique d’État, que le recours plus frĂ©quent au vouvoiement que l’on y observe n’est pas seulement l’effet d’une composition de la main d’Ɠuvre diffĂ©rente, ni la consĂ©quence de logiques d’accĂšs aux responsabilitĂ©s plus tardives. Toutes choses Ă©gales par ailleurs, on tutoie tendanciellement moins dans le secteur public et cette pratique y semble moins dĂ©terminĂ©e par les caractĂ©ristiques des agents. En un mot, le vouvoiement semble s’y imposer comme une norme plus impersonnelle, conditionnant plus le vouvoiement Ă  une inĂ©galitĂ© de fonctions inscrite dans un systĂšme bureaucratique qu’aux propriĂ©tĂ©s sociales des interactants. 36Cette diffĂ©rence nous invite maintenant Ă  Ă©tudier les effets contextuels et organisationnels qui peuvent influencer le choix du pronom. Le recours plus frĂ©quent au tutoiement dans le privĂ© serait-il le signe d’organisations plus horizontales, moins pyramidales que celle de la fonction publique, volontiers prĂ©sentĂ©e comme affectĂ©e d’un lourd retard gestionnaire », empĂȘtrĂ©e dans une forme bureaucratique rĂ©putĂ©e immuable Bezes, 2009 ? Nous allons en effet voir maintenant que le recours au tutoiement ascendant semble plus caractĂ©ristique de certains milieux professionnels et de certains types d’organisation. 3. Le tutoiement, une pratique managĂ©riale ? 37Si, comme nous l’avons vu, la probabilitĂ© de tutoyer est dĂ©pendante des caractĂ©ristiques de la personne elle-mĂȘme son sexe, son Ăąge, sa PCS et de celles de son chef, il faut Ă©galement envisager cette pratique comme dĂ©pendante des contextes. Il y a des organisations oĂč le tutoiement semble encouragĂ© Ă  tous les niveaux hiĂ©rarchiques, et ce pour des raisons qui ne tiennent pas qu’à des questions d’ambiance au travail. Le tutoiement au cƓur du nouvel esprit du capitalisme ? 14 Dans un entretien avec ValĂ©rie Boussard, Ève Chiapello pointait ainsi diffĂ©rents Ă©lĂ©ments prĂ©ca ... 15 MĂȘme si l’anglais, contrairement Ă  ce qu’on pense gĂ©nĂ©ralement, a presque totalement abandonnĂ©, gra ... 16 Cette influence de l’ aplatissement pronominal » associĂ© Ă  l’anglais se retrouve d’ailleurs dans l ... 38De nombreux Ă©lĂ©ments laissent Ă  penser que le tutoiement au travail s’inscrit dans des stratĂ©gies managĂ©riales visant Ă  diminuer la verticalitĂ© » hiĂ©rarchique des organisations. Ève Chiapello rangeait ainsi, il y a quelques annĂ©es, le tutoiement parmi diffĂ©rentes caractĂ©ristiques typiques des organisations nĂ©o-managĂ©riales14. Yannick Estienne, dans un article sur le mouvement des start-up Estienne, 2005, notait Ă©galement combien le tutoiement s’y imposait comme une pratique incontournable, Ă©voquant l’esprit start-up » dans lequel le patron est le copain, le tutoiement de rigueur, la tenue vestimentaire dĂ©contractĂ©e » et comment, Ă  travers le tutoiement et la faible division hiĂ©rarchique et fonctionnelle du travail, la start-up casse dĂ©finitivement les reprĂ©sentations vieillies de l’entreprise comme haut lieu de la lutte de classes ». À titre d’exemple, une enquĂȘte dans une chaĂźne de restauration rapide bien connue pour ses mĂ©thodes de management ne manque pas de constater que le tutoiement se pratique lĂ  aussi Ă  tous les Ă©chelons de la hiĂ©rarchie » Weber, 2005, ce qu’avait Ă©galement constatĂ© Christophe Brochier 2001 quelques annĂ©es auparavant. Si cela peut dĂ©couler de la forte homogĂ©nĂ©itĂ© gĂ©nĂ©rationnelle de ces entreprises, on peut Ă©galement y voir la gĂ©nĂ©ralisation d’un tutoiement d’inspiration anglo-amĂ©ricaine15, associĂ© Ă  l’usage des prĂ©noms dans les interactions quotidiennes16. Il y a donc des raisons de penser que le recours au pronom tu » peut traduire une forme organisationnelle particuliĂšre, et qu’il est Ă©ventuellement encouragĂ© par les entreprises elles-mĂȘmes — en somme, qu’il existe une injonction managĂ©riale au tutoiement. 39L’enquĂȘte COI ne contient pas d’informations sur les conditions dans lesquelles le tutoiement a Ă©tĂ© adoptĂ©, ni sur sa frĂ©quence gĂ©nĂ©rale dans l’entreprise — ce qui permettrait de caractĂ©riser d’éventuelles injonctions organisationnelles au tutoiement —, mais du fait de sa vocation premiĂšre, la base contient un grand nombre de variables dĂ©claratives relatives aux contextes organisationnels et aux Ă©volutions des conditions de travail des salariĂ©s. Or, un certain nombre d’entre elles sont corrĂ©lĂ©es avec le tutoiement Ă  l’adresse du supĂ©rieur hiĂ©rarchique. 40Une analyse des correspondances multiples permet de typifier les contextes de travail propices au recours au tutoiement figure 7. Le premier facteur est structurĂ© principalement par une opposition entre les contextes caractĂ©risĂ©s par des changements — qu’ils soient techniques, organisationnels ou de direction — et ceux qui ne le sont pas. Le deuxiĂšme facteur met ensuite en exergue tout un ensemble de variables relatives au degrĂ© de directivitĂ© et de contrĂŽle du travail ; il oppose les contextes de travail oĂč les mĂ©thodes de travail sont imposĂ©es, oĂč les salariĂ©s reçoivent des ordres explicites, suivent des procĂ©dures de qualitĂ© strictes et sont contrĂŽlĂ©s trĂšs rĂ©guliĂšrement, aux contextes oĂč les formes d’encadrement laissent plus de latitude, tout en leur assignant des objectifs chiffrĂ©s et en les contrĂŽlant pĂ©riodiquement Ă  travers des entretiens d’évaluation. 17 Les variables socio-dĂ©mographiques sont bien sĂ»r placĂ©es en supplĂ©mentaire » lors du calcul des f ... 41On peut rĂ©sumer cette opposition par l’existence de deux dimensions du travail la stabilitĂ© et la directivitĂ©. En haut Ă  gauche du plan, l’espace social du vouvoiement est d’abord caractĂ©risĂ© par des contextes de travail relativement stables, oĂč le suivi est peu individualisĂ©, ce qui correspond plutĂŽt aux environnements du travail peu qualifiĂ© ouvriers, employĂ©s. En bas Ă  droite, l’espace du tutoiement est celui du travail des cadres et professions intermĂ©diaires, caractĂ©risĂ© par plus de changements, des Ă©valuations individualisĂ©es, des objectifs, des primes, des mĂ©thodes libres assorties d’un contrĂŽle plus Ă©pisodique. Les ACM ne permettant pas de contrĂŽler les effets de structure, nous retrouvons donc logiquement l’effet sous-jacent des niveaux hiĂ©rarchiques17. Pour Ă©tudier plus en dĂ©tail ces deux dimensions, nous allons successivement aborder ce que le tutoiement doit aux changements contextuels et en quoi il peut ĂȘtre corrĂ©lĂ© aux Ă©volutions des formes de contrĂŽle du travail. Figure 7. Analyse des correspondances multiples ACM EncadrĂ© 3. DĂ©tails de l’ACMLe plan factoriel agrĂšge les rĂ©pondants des secteurs public et privĂ© n = 16 134.Les variables actives sont ContrĂŽle frĂ©quence de contrĂŽle du le travail est-il contrĂŽlĂ© par le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct ? le travail est-il contrĂŽlĂ© par des moyens informatiques ou vidĂ©o ? le salariĂ© reçoit-il des ordres, des consignes, suit-il des procĂ©dures ou des modes d’emploi ?MĂ©thode imposĂ©e le supĂ©rieur hiĂ©rarchique impose-t-il la mĂ©thode de travail ou fixe-t-il seulement des objectifs et laisse-t-il libre de les atteindre de diffĂ©rentes maniĂšres ? le salariĂ© fait-il partie d’un groupe de travail de type groupe de projet, de rĂ©solution de problĂšme, de pilotage ?Objectifs le salariĂ© doit-il atteindre des objectifs prĂ©cis ?ProcĂ©dures le salariĂ© suit-il des procĂ©dures qualitĂ© strictes ?AmĂ©liorations le salariĂ© a-t-il pu proposer derniĂšrement des amĂ©liorations de son poste de travail, des procĂ©dĂ©s, des machines ?Primes une partie ou la totalitĂ© de la rĂ©munĂ©ration est-elle variable ?EvaluĂ© le salariĂ© a-t-il au moins un entretien d’évaluation par an ?Chg Tech le salariĂ© a-t-il constatĂ© des changements techniques dans son travail durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte ?Chg Org le salariĂ© a-t-il constatĂ© des changements organisationnels durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte ?Chg dir° le salariĂ© a-t-il constatĂ© un changement de direction, un rachat ou une restructuration de son entreprise durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte ?Les variables supplĂ©mentaires sont Sexe, Âge et PCS. Le tutoiement corrĂ©lĂ© aux changements organisationnels dans le secteur privĂ© 18 Les diffĂ©rences que l’on observe, si elles vont toutes dans le sens d’une lĂ©gĂšre intensification du ... 42Dans le secteur privĂ©, le tutoiement est plus frĂ©quent dans les contextes de changement. Lorsque les salariĂ©s mentionnent une restructuration, un rachat, ou un changement dans l’équipe de direction » dans les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, la proportion des rĂ©pondants Ă  dĂ©clarer tutoyer leur chef direct progresse de 10 points de pourcentage ; lorsqu’il s’agit de changements dans les façons de travailler ou dans l’organisation du travail », l’écart est de 9 points ; enfin, en cas de changements dans les techniques utilisĂ©es, ce taux augmente de 7 points. Ces Ă©lĂ©ments laissent donc Ă  penser que les changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© s’accompagnent tous d’une intensification du tutoiement, phĂ©nomĂšne que l’on ne retrouve pas avec la mĂȘme intensitĂ© dans le secteur public18. Mais, dans la mesure oĂč les changements sont dĂ©clarĂ©s d’autant plus frĂ©quemment que les rĂ©pondants sont Ă©levĂ©s dans la hiĂ©rarchie, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de mesurer leur effet sur le tutoiement toutes choses Ă©gales par ailleurs. 43Un modĂšle de rĂ©gression logistique intĂ©grant notamment l’effet des changements dĂ©clarĂ©s sur le tutoiement tableau 3 permet de constater qu’il existe bien un effet propre des changements organisationnels et plus encore des changements de direction sur la probabilitĂ© de tutoyer son chef, mĂȘme si ces effets ne s’observent, ici encore, que dans le secteur privĂ©. Les salariĂ©s du privĂ© qui dĂ©clarent ces types de changements ont en effet une probabilitĂ© significativement plus Ă©levĂ©e de tutoyer leur chef, rĂ©sultat que l’on n’observe pas en prĂ©sence de changements techniques, ce qui semble finalement assez logique ce n’est que lorsque les changements dĂ©clarĂ©s concernent les relations interpersonnelles au travail via l’organisation ou lorsque les tĂȘtes changent que le tutoiement gagne du terrain. S’il n’est question que de technique, il n’y a logiquement pas de raison que les rapports interpersonnels Ă©voluent significativement. Dans le secteur public, les changements dĂ©clarĂ©s n’ont pas d’effet statistiquement significatif sur le tutoiement. LĂ  encore, le secteur public se signale par des rĂšgles d’adresse peu sensibles au contexte. Figure 8. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction des changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© Source et champ voir la figure 1 secteur privĂ© uniquement. Tableau 3. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source et champ voir la figure 1. Le tutoiement, marqueur d’une moindre directivitĂ© du travail ? 44Pour dĂ©terminer vers quelles formes d’organisation ces changements conduisent, et en quoi elles peuvent favoriser le tutoiement, il faut aller puiser dans les parties du questionnaire relatives aux conditions de travail. On constate alors que le tutoiement est corrĂ©lĂ© Ă  certaines formes d’organisation du travail oĂč la directivitĂ© est faible. 45Lorsque les salariĂ©s du privĂ© ont par exemple la possibilitĂ© d’adapter leur mĂ©thode de travail en fonction des besoins — que leur travail est dĂ©fini par des objectifs Ă  atteindre et non par des mĂ©thodes — ou qu’ils ont la possibilitĂ© de suggĂ©rer des amĂ©liorations de leur poste de travail, le tutoiement est systĂ©matiquement plus frĂ©quent. Dans le mĂȘme esprit, les salariĂ©s participant Ă  des groupes de travail de type groupe de projet » autour de 20 % des rĂ©pondants tutoient leur chef Ă  hauteur de 77 %, contre seulement 62 % de ceux qui n’en sont pas membres. Chez les seuls cadres, dĂ©jĂ  plus enclins que les autres groupes Ă  tutoyer leur chef, on atteint mĂȘme 80 % de tutoiement contre 72 % chez ceux qui ne participent pas Ă  ces groupes. Dans la mesure oĂč ils ont prĂ©cisĂ©ment pour fonction de passer outre les divisions hiĂ©rarchiques et fonctionnelles en rĂ©unissant des salariĂ©s dĂ©pendant de directions distinctes et de niveaux divers, les groupes de projet sont des lieux tout Ă  fait propices Ă  l’adoption d’un tutoiement Ă©galitaire par-delĂ  les distinctions hiĂ©rarchiques. Le tutoiement s’associe donc Ă  une certaine autonomie dans l’organisation du travail, typique d’une gestion par projets oĂč les salariĂ©s sont fortement responsabilisĂ©s. Mais, le fait est connu, cette autonomie s’assortit gĂ©nĂ©ralement de formes moins directes — mais non moins agissantes — de contrĂŽle hiĂ©rarchique, notamment via des objectifs chiffrĂ©s dont l’atteinte est Ă©valuĂ©e pĂ©riodiquement. Un tutoiement associĂ© au management par objectifs dans le secteur privĂ© 46Ainsi, dans le secteur privĂ©, le tutoiement du chef est effectivement plus frĂ©quent chez les salariĂ©s qui doivent atteindre des objectifs chiffrĂ©s 67 %, + 11 points et chez ceux qui ont des parts salariales variables 70 %, + 8 points. De mĂȘme, 72 % des salariĂ©s qui font l’objet d’un entretien annuel d’évaluation tutoient leur chef, contre Ă  peine 57 % de ceux qui n’en font pas. Dans le secteur public, on observe Ă©galement une corrĂ©lation entre parts salariales variables et tutoiement 53 %, + 13 points. 47Une fois de plus, il convient de contrĂŽler les effets de structure, car ces pratiques sont beaucoup plus frĂ©quentes chez les cadres, tout particuliĂšrement dans le secteur privĂ©. Ces derniers sont gĂ©nĂ©ralement ceux par qui et sur qui les mĂ©thodes managĂ©riales se diffusent en premier. Aussi, les diffĂ©rentes variables caractĂ©ristiques d’un management par objectifs ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es dans le modĂšle de rĂ©gression prĂ©sentĂ© plus haut tableau 3. 48On constate alors que dans le secteur privĂ©, l’assignation d’objectifs chiffrĂ©s, les parts salariales variables, les entretiens individuels et l’autonomie dans les mĂ©thodes de travail accroissent bien — toutes choses Ă©gales par ailleurs — la probabilitĂ© de recourir au tutoiement dans les relations hiĂ©rarchiques. IndĂ©pendamment des caractĂ©ristiques des salariĂ©s et de leurs chefs, lĂ  oĂč se conjuguent changements organisationnels et mĂ©thodes managĂ©riales basĂ©es sur la responsabilisation individuelle, le tutoiement est plus frĂ©quent. Il semble mĂȘme que ces transformations viennent affaiblir l’effet des frontiĂšres hiĂ©rarchiques que nous avions observĂ©es dans la premiĂšre partie lorsque les salariĂ©s sont exposĂ©s aux mĂȘmes changements et aux mĂȘmes mĂ©thodes managĂ©riales, le fait d’ĂȘtre ouvrier ou employĂ© ne diminue plus significativement la probabilitĂ© de tutoyer son chef, comparativement aux professions intermĂ©diaires. Seuls les cadres se distinguent encore du reste des rĂ©pondants par une probabilitĂ© significativement plus Ă©levĂ©e de tutoyer leur n+1. D’un point de vue linguistique, les outils managĂ©riaux semblent donc produire un lissage apparent des frontiĂšres hiĂ©rarchiques de bas niveau dans le secteur privĂ©. 49Ces rĂ©sultats cadrent avec le portrait idĂ©al-typique d’un travailleur du privĂ© soumis aux injonctions paradoxales du nĂ©o-management plus autonome, encouragĂ© Ă  prendre des initiatives, associĂ© aux projets de sa structure, mais dans le mĂȘme temps Ă©valuĂ© de maniĂšre quantitative Ă  Ă©chĂ©ances rĂ©guliĂšres et motivĂ© par des avantages financiers. Ce salariĂ© ne peut qu’entretenir un rapport ambigu Ă  sa hiĂ©rarchie, qui se pare de tous les attributs de la proximitĂ©, se laissant d’autant plus la possibilitĂ© d’investir un rapport interpersonnel gommant les signes de l’autoritĂ© formelle en adoptant notamment le tutoiement que cette autoritĂ© s’exerce bel et bien en arriĂšre-plan par l’usage d’outils standardisĂ©s qui mĂ©dient le contrĂŽle et l’autoritĂ©, voire permettent de le transfĂ©rer Ă  des entitĂ©s extĂ©rieures. L’adoption du tutoiement peut alors ĂȘtre le signe d’un transfert des marqueurs et des vĂ©hicules de l’autoritĂ© hiĂ©rarchique dans les organisations. La figure du petit chef » ne s’impose plus dĂšs lors que le contrĂŽle du travail s’effectue de maniĂšre pĂ©riodique via des indicateurs chiffrĂ©s. Le vouvoiement public, signe d’une rĂ©sistance du modĂšle bureaucratique ? 50Dans le secteur public, oĂč la diffusion des outils managĂ©riaux Ă©tudiĂ©s Ă©tait pourtant dĂ©jĂ  notable au moment de l’enquĂȘte Guillemot et Jeannot, 2013, on ne trouve d’effet significatif sur le tutoiement que pour les entretiens d’évaluation, qui sont le seul Ă©lĂ©ment contextuel Ă  augmenter significativement la probabilitĂ© du tutoiement chez les agents de l’État. On pourrait y voir un signe de la diffusion d’outils managĂ©riaux typiques du secteur privĂ© Ă  l’intĂ©rieur de l’État. L’entretien professionnel n’est-il pas l’un des leviers de reconnaissance de la performance » des fonctionnaires Chanut et Rojot, 2011 ? Sans doute faut-il prendre en compte ici le fait que les entretiens d’évaluation peuvent avoir des fonctions assez diffĂ©rentes en fonction des secteurs. Dans le secteur privĂ©, l’entretien d’évaluation est souvent un moment propice aux Ă©changes concernant la rĂ©munĂ©ration, l’évolution de carriĂšre, en lien avec l’atteinte ou non des objectifs chiffrĂ©s ; ils sont un moment clĂ© du fonctionnement contractuel du management par objectifs. Dans le secteur public, malgrĂ© une volontĂ© constamment rĂ©pĂ©tĂ©e de mieux reconnaĂźtre les mĂ©rites », le caractĂšre impersonnel du statut limite la possibilitĂ©, pour le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct, de nĂ©gocier pareillement les conditions d’emploi de l’agent. L’entretien d’évaluation se mue alors en un moment d’échange relativement formel du fait de son intĂ©gration dans la gestion administrative des carriĂšres » Guillemot et Jeannot, 2013. Il faut donc prendre avec prudence la portĂ©e managĂ©riale d’un dispositif d’évaluation aussi gĂ©nĂ©ralisĂ©. Au sein de la fonction publique, les discours sur l’amĂ©lioration de la gestion des ressources humaines » ont longtemps Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  n’ĂȘtre qu’une rhĂ©torique vide, compte tenu des contraintes affĂ©rentes du statut » Chevalier, 2010. 51Les entretiens d’évaluation mis Ă  part, on ne trouve pas d’effet propre de la diffusion de mĂ©thodes managĂ©riales inspirĂ©es du secteur privĂ© sur le recours au tutoiement dans le secteur public en 2006. Les normes langagiĂšres dans les rapports hiĂ©rarchiques au sein de la fonction publique d’État semblent donc peu sensibles aux changements gestionnaires et aux tentatives d’instaurer un management plus individualisĂ©, Ă  l’image de ce qu’on a pu observer dans le secteur privĂ©. Pour le confirmer, nous avons rĂ©alisĂ© un modĂšle synthĂ©tique rĂ©unissant les deux secteurs tableau 3, modĂšle ensemble » afin de vĂ©rifier l’existence d’un effet propre de l’appartenance au secteur public sur le tutoiement. En contrĂŽlant les diffĂ©rences dans la composition des populations ainsi que les changements dĂ©clarĂ©s, un agent du secteur public conserve toujours des chances de tutoyer son chef deux fois moindres que celles d’un salariĂ© du privĂ©. 52Il demeure donc un effet propre de l’appartenance Ă  la fonction publique d’État sur la probabilitĂ© de tutoyer son chef. La fonction publique d’État possĂšde un rĂ©pertoire pronominal spĂ©cifique peu sensible aux transformations contextuelles. MalgrĂ© la tentation de dĂ©bureaucratiser » l’administration et la tendance de l’État Ă  s’inspirer du secteur privĂ© pour abandonner la diffĂ©rentiation nĂ©gative » de son modĂšle d’emploi Emery et Giauque, 2005, p. 682, le recours plus frĂ©quent au vouvoiement dans l’État, tel qu’il se donnait Ă  voir en 2006, montre les limites inhĂ©rentes Ă  toute dĂ©marche visant Ă  manager » les fonctionnaires comme des salariĂ©s du privĂ© Buisson et Peyrin, 2017. L’attachement au vouvoiement chez les fonctionnaires d’État traduit peut-ĂȘtre la rĂ©sistance d’un modĂšle bureaucratique qui se dĂ©finit notamment par sa forte verticalitĂ© et une distribution claire des rĂŽles dans la hiĂ©rarchie » Guillemot et Jeannot, 2013. Cette question apparemment anodine du choix du pronom traduit peut-ĂȘtre de maniĂšre trĂšs rĂ©vĂ©latrice les limites des tentatives d’hybridation des mĂ©thodes gestionnaires portĂ©es par la nouvelle gestion publique » Bezes, 2005 en matiĂšre de gestion des personnels. 4. Conclusion 19 Revenant sur un travail de Jean-Gustave Padioleau rĂ©alisĂ© au journal Le Monde en 1985, EugĂ©nie SaĂŻt ... 53Tutoyer son chef n’est pas exclusivement le produit d’un intuitu personae, d’un feeling » entre personnes le recours Ă  des donnĂ©es quantitatives permet de faire ressortir clairement l’existence de rĂšgles d’adresse toujours agissantes dans la vie professionnelle ; le tutoiement, s’il est majoritaire, reste bien l’objet d’une codification dĂ©pendant des rapports sociaux entre le subordonnĂ© et son chef, rapports qui conditionnent largement la possibilitĂ© d’un recours Ă  la sĂ©mantique de solidaritĂ© » qu’implique le tu ». Les trois frontiĂšres sociales mises en lumiĂšre par D. Guigo Ă  la fin des annĂ©es 1980 sont toujours bien prĂ©sentes. Nous avons notamment vu que les hommes, quel que soit leur niveau hiĂ©rarchique, tutoient toujours plus leur chef que les femmes et que ces derniĂšres, mĂȘme sous l’autoritĂ© de femmes, semblent toujours moins opter pour le tu ». On a Ă©galement pu voir que la frĂ©quence du tutoiement Ă©tait proportionnelle au niveau hiĂ©rarchique on se permet » d’autant plus de tutoyer son chef qu’on est soi-mĂȘme Ă©levĂ© dans la hiĂ©rarchie professionnelle. Enfin, nous avons vu que l’ñge et la gĂ©nĂ©ration jouaient Ă©galement un rĂŽle l’ñge parce que le tutoiement est toujours plus facile avec nos congĂ©nĂšres ; la gĂ©nĂ©ration parce que les salariĂ©s les plus ĂągĂ©s semblent les plus respectueux des rĂšgles d’adresse. Ce dernier rĂ©sultat nous pousse Ă  faire l’hypothĂšse d’une rarĂ©faction progressive du vouvoiement au travail, hypothĂšse qui n’est pas contredite par la mise en perspective de nos rĂ©sultats avec ceux de D. Guigo, mĂȘme s’il s’agit de donnĂ©es bien diffĂ©rentes des nĂŽtres et logiquement incommensurables. En insistant sur le caractĂšre Ă©lectif du tutoiement, son travail ethnographique laisse imaginer la raretĂ© relative de cette rĂšgle d’adresse au tournant des annĂ©es 1990, ce qui permet de saisir, par comparaison, Ă  quel point certains formalismes qui s’imposaient encore il y a une trentaine d’annĂ©es dans les rapports interpersonnels semblent avoir reculĂ©. Un certain nombre des styles mis en lumiĂšre Ă  l’époque n’ont probablement plus beaucoup cours et le tutoiement, qui paraissait alors une forme trĂšs marquĂ©e de proximitĂ©, semble s’ĂȘtre banalisĂ© dans l’intervalle. Les marqueurs langagiers de la hiĂ©rarchie semblent s’affaiblir, au mĂȘme titre que d’autres formalismes, notamment vestimentaires19. 20 Oderint, dum metuant. 54Nous avons ensuite vu comment le tutoiement pouvait ĂȘtre le marqueur de changements organisationnels allant dans le sens d’une diffusion de pratiques d’inspiration nĂ©o-managĂ©riale oĂč cohabitent Ă©troitement l’autonomie, le travail par projets et une plus forte redevabilitĂ© du travail le relĂąchement formel dans les interactions s’accompagne volontiers de plus de comptes Ă  rendre, Ă  travers l’assignation d’objectifs chiffrĂ©s dĂ©bouchant sur des Ă©valuations pĂ©riodiques. On peut dĂšs lors voir dans le tutoiement le signe d’une transformation des rapports de pouvoir dans les organisations, libĂ©rant les cadres de contact de leurs fonctions de coercition directe, de surveillance et de contrĂŽle du travail — lesquelles s’accompagnaient volontiers d’une dĂ©fĂ©rence forcĂ©e de la part des subordonnĂ©s —, sans toutefois que disparaissent totalement les rapports de pouvoir liĂ©s Ă  l’exercice d’une fonction hiĂ©rarchique. On peut se laisser tutoyer, donner une grande autonomie, le contrĂŽle n’en est pas moins agissant il est seulement transfĂ©rĂ© au suivi quantitatif et ses manifestations sont espacĂ©es dans le temps. Émergerait donc, dans le cadre professionnel, une sĂ©mantique qui brouille les catĂ©gories de R. Brown et A. Gilman 1960 il existe aujourd’hui un tutoiement hybride qui ne s’inscrit pas tout Ă  fait dans une sĂ©mantique de la solidaritĂ© » ni n’abdique toute prĂ©tention Ă  l’exercice du pouvoir. Paraphrasant Caligula, Ă  qui l’on prĂȘte la cĂ©lĂšbre formule inspirĂ©e de TibĂšre qu’ils me haĂŻssent, pourvu qu’ils me craignent »20, les responsables hiĂ©rarchiques d’aujourd’hui pourraient dire qu’ils me tutoient, pourvu qu’ils m’obĂ©issent ». Haut de page Bibliographie Austin, J. L., 1962, How To Do Things With Words. Oxford University Press, New York. BĂ©al, C., 1989, “On se tutoie ?” Second Person Pronominal Usage and Terms of Address in Contemporary French », Australian Review of Applied Linguistics, vol. 12, n° 1, p. 61-82. Bernard, S., 2014, Le travail de l’interaction. CaissiĂšres et clients face Ă  l’automatisation des caisses », SociĂ©tĂ©s contemporaines, n° 94, p. 93-119. Bezes, P., 2005, Le modĂšle de “l’État stratĂšge” genĂšse d’une forme organisationnelle dans l’administration française, Sociologie du travail, vol. 47, n° 4, p. 431-450. Bezes, P., 2009, RĂ©inventer l’État. Les rĂ©formes de l’administration française 1962-2008, Presses universitaires de France, Paris. 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DGAFP Direction gĂ©nĂ©rale de l’Administration et de la Fonction Publique FPE Fonction publique de l’État FPH Fonction publique hospitaliĂšre FPT Fonction publique territoriale INSEE Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques PCS Professions et catĂ©gories socio-professionnelles REPONSE EnquĂȘte statistique menĂ©e par la DARES, dont le nom complet est Relations professionnelles et nĂ©gociations d’entreprise » SESSI Service d’étude des stratĂ©gies et des statistiques industrielles de l’INSEE Haut de page Notes 1 On peut par exemple trouver dans des articles qui traitent du sujet une recommandation simple proposant une distinction entre un tutoiement rĂ©servĂ© aux proches, aux enfants et aux animaux, et un vouvoiement plus gĂ©nĂ©ralement adressĂ© aux inconnus Ismail et al., 2014. 2 S’il est connu que toutes les langues n’opĂšrent pas une telle distinction, aucune ne se prive cependant totalement de marqueurs de dĂ©fĂ©rence Ă  travers par exemple l’usage d’une dĂ©nomination officielle, d’un titre ou au contraire d’un prĂ©nom, etc. 3 Les nobles tutoient les gens du peuple, et ceux-ci utilisent le vous Ă  l’égard des seigneurs. Les gens du peuple eux-mĂȘmes tutoient les mendiants, qui en retour pratiquent le vouvoiement. Dans le cercle familial, quel que soit le niveau social, les parents recourent au tu quand ils s’adressent Ă  leurs enfants, et ceux-ci utilisent le vous en retour, ce qui permet aux enfants de se familiariser dĂšs l’ñge le plus tendre avec la relation asymĂ©trique ou non rĂ©ciproque de pouvoir qu’ils retrouveront plus tard Ă  l’échelle de la sociĂ©tĂ© » Peeters, 2004, p. 4-5. 4 Le fameux Ă©change entre N. Sarkozy et un visiteur du salon de l’agriculture en 2008 est tout Ă  fait illustratif de ce principe. Ce dernier, refusant de serrer la main du premier, lui a dit Touche-moi pas tu me salis ». On note que la charge offensante Ă©tait volontairement redoublĂ©e par le tutoiement. La rĂ©ponse Eh ben alors casse-toi, pauv’ con ! » a contribuĂ© Ă  abaisser » la fonction prĂ©sidentielle aux yeux des commentateurs, du fait de l’insulte Ă©videmment, mais aussi du fait du tutoiement, qui est apparu dĂ©placĂ©, mais largement prĂ©visible chez un homme politique connu pour tutoyer tout le monde, Ă  commencer par les journalistes Carton, 2003. 5 Les sigles et acronymes utilisĂ©s dans l’article sont dĂ©taillĂ©s en annexe. 6 Certains styles sont en effet non attestĂ©s selon le sexe des protagonistes ou trĂšs directement dĂ©pendants de leurs sexes respectifs. Le style militaire » — au charme surannĂ© — nom de famille + tu Lambert, tu viens manger ? » Ă©tait strictement masculin, tandis que le style amĂ©ricain » prĂ©nom + vouvoiement n’était pratiquĂ© que par les hommes Ă  l’adresse des femmes souvent de niveau hiĂ©rarchique infĂ©rieur ou entre femmes mais jamais, selon D. Guigo, par une femme Ă  l’adresse d’un homme. L’auteur ne nĂ©glige cependant pas que la trĂšs faible fĂ©minisation de la direction qu’il a Ă©tudiĂ©e diminuait la probabilitĂ© d’une telle situation. 7 L’extension de l’enquĂȘte COI Ă  l’administration d’État permet cependant d’aborder de maniĂšre originale la question du devenir de la bureaucratie dans un contexte marquĂ© par la rĂ©fĂ©rence au marchĂ© et au modĂšle de gestion du privĂ© » Guillemot et Jeannot, 2013, p. 87. 8 Il est ainsi notable que le tutoiement du chef progresse de prĂšs de 10 points chez les salariĂ©s qui travaillent de nuit. Ainsi, certains contextes de travail pĂ©nibles favorisent peut-ĂȘtre l’émergence de relations dĂ©barrassĂ©es des formalismes usuels, mĂȘme si, lĂ  encore, le travail de nuit concerne plus des hommes. 9 Situation assez rare au demeurant, qui ne concernait que 10 % des hommes dans la base COI. 10 Ce phĂ©nomĂšne semble d’ailleurs d’autant plus sensible que l’écart d’ñge a toutes les chances d’ĂȘtre relativement faible lorsque le rĂ©pondant est ĂągĂ©. Du fait des dĂ©parts Ă  la retraite, la probabilitĂ© d’avoir un chef beaucoup plus ĂągĂ© que soi diminue logiquement avec la montĂ©e en Ăąge. 11 Les trois barriĂšres sexe, Ăąge, hiĂ©rarchie se renforcent mutuellement. Toute familiaritĂ© est pratiquement exclue si plusieurs barriĂšres se superposent on ne voit presque jamais une jeune collaboratrice tutoyer un chef de service d’ñge respectable, ni un jeune cadre dire Tu Ă  une employĂ©e ĂągĂ©e » Guigo, 1991, p. 47. 12 On trouve par exemple, dans un article de Philippe Charrier relatif aux hommes exerçant le mĂ©tier de sage-femme, un verbatim d’entretien qui traduit cette diffĂ©rence entre hommes et femmes dans la maniĂšre d’envisager les frontiĂšres hiĂ©rarchiques DĂ©jĂ  la relation que j’ai pu avoir avec les diffĂ©rents gynĂ©cos et surtout les gynĂ©cos hommes, moi en tant qu’homme on a un contact nettement plus simple. C’est-Ă -dire qu’on peut plus facilement passer au tutoiement, enfin cette notion de hiĂ©rarchie entre le mĂ©decin et la sage-femme Ă©tait beaucoup moins marquĂ©e, moi en tant qu’homme qu’avec certaines collĂšgues femmes » Charrier, 2007, p. 111. 13 La taille respective des deux bases peut Ă©videmment ĂȘtre en cause, mais les quelque 1500 rĂ©pondants dans la FPE devraient permettre une certaine consolidation statistique des rĂ©sultats. Ce n’est pas le cas. 14 Dans un entretien avec ValĂ©rie Boussard, Ève Chiapello pointait ainsi diffĂ©rents Ă©lĂ©ments prĂ©carisation croissante des salariĂ©s, rĂ©duction du nombre de niveaux hiĂ©rarchiques, modification plus frĂ©quente du contenu du travail et des structures organisationnelles, dĂ©veloppement du tutoiement au travail, illĂ©gitimitĂ© des comportements autoritaires, attention croissante aux compĂ©tences de nĂ©gociation et de communication des cadres » Boussard, 2005, p. 12, nous soulignons. 15 MĂȘme si l’anglais, contrairement Ă  ce qu’on pense gĂ©nĂ©ralement, a presque totalement abandonnĂ©, grammaticalement parlant, le tutoiement thou au profit du vouvoiement systĂ©matique you. Il reste que la question grammaticale s’efface derriĂšre la logique sociale en l’absence de nivellement entre pronoms, le dernier utilisĂ©, fĂ»t-il distanciĂ© Ă  l’origine, devient inĂ©vitablement Ă©galitaire, ce qui n’empĂȘche nullement de signifier la dĂ©fĂ©rence par d’autres moyens usage de titres, etc.. 16 Cette influence de l’ aplatissement pronominal » associĂ© Ă  l’anglais se retrouve d’ailleurs dans les donnĂ©es de l’enquĂȘte COI, puisque le tutoiement est corrĂ©lĂ© Ă  la frĂ©quence d’utilisation de l’anglais au travail 86 % des cadres du privĂ© qui le parlent frĂ©quemment au travail tutoient leur chef, contre 65 % de ceux qui ne le parlent jamais. 17 Les variables socio-dĂ©mographiques sont bien sĂ»r placĂ©es en supplĂ©mentaire » lors du calcul des facteurs voir l’encadrĂ© 3. 18 Les diffĂ©rences que l’on observe, si elles vont toutes dans le sens d’une lĂ©gĂšre intensification du tutoiement en contexte de changement, ne sont pas ou trĂšs peu significatives statistiquement. 19 Revenant sur un travail de Jean-Gustave Padioleau rĂ©alisĂ© au journal Le Monde en 1985, EugĂ©nie SaĂŻtta relĂšve une Ă©volution notable Les hiĂ©rarchies internes [
] apparaissent plus attĂ©nuĂ©es en 2001 qu’auparavant. Premiers Ă©lĂ©ments de changement, l’abandon du vouvoiement pour le tutoiement systĂ©matique, et du costume cravate pour un libre arbitre dans le choix vestimentaire, certains journalistes se contentant d’un jean et d’un tee-shirt » SaĂŻtta, 2005, p. 193. 20 Oderint, dum de page Table des illustrations Titre Figure 1. RĂšgle d’adresse utilisĂ©e avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source enquĂȘtes COI et COI-FP 2006 / volet salariĂ©s », Statistique publique, salariĂ©s ayant au moins un an d’anciennetĂ© des entreprises de plus de vingt salariĂ©s secteur privĂ© et agents de la FPE hors enseignants et magistrats. Uniquement les salariĂ©s travaillant au contact direct de leur chef ». DonnĂ©es pondĂ©rĂ©es. URL Fichier image/png, 53k Titre Figure 2. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 43k Titre Tableau 1. Tutoiement ou vouvoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur privĂ© — en % LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 privĂ© uniquement. URL Fichier image/png, 377k Titre Figure 3. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du sexe du rĂ©pondant LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 43k Titre Figure 4. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de la PCS et du secteur LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 77k Titre Figure 5. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de l’écart d’ñge LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 66k Titre Figure 6. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct lorsqu’il est plus ĂągĂ© en fonction de l’ñge LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 + salariĂ©s dont le chef » est plus ĂągĂ© qu’eux n = 6919.Lecture 58 % des salariĂ©s de moins de 30 ans tutoient leur chef lorsqu’il est plus ĂągĂ©. URL Fichier image/png, 60k Titre Tableau 2. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source et champ voir la figure les trois modĂšles privĂ© n = 14 121, public n = 1 214, ensemble n = 15 358 comparent les chances p/1-p de tutoyer son chef entre une situation de rĂ©fĂ©rence homme entre 30 et 39 ans, de niveau profession intermĂ©diaire », ayant un chef du mĂȘme sexe et de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et une situation qui ne se diffĂ©rencie de la rĂ©fĂ©rence que par un critĂšre Ă  la fois. Si les odds ratio sont supĂ©rieurs Ă  1, l’effet estimĂ© est positif ; s’ils sont compris entre 0 et 1, l’effet est nĂ©gatif. Ainsi, dans le secteur privĂ©, si au lieu d’ĂȘtre un homme, la rĂ©pondante est une femme, les chances qu’elle tutoie son chef sont deux fois moindres contre 1. Les astĂ©risques accolĂ©s Ă  l’odd ratio renseignent la significativitĂ© de l’effet mesurĂ© *** significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 % et * au seuil de 10 %. URL Fichier image/png, 225k Titre Figure 7. Analyse des correspondances multiples ACM URL Fichier image/png, 13k Titre Figure 8. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction des changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 secteur privĂ© uniquement. URL Fichier image/png, 104k Titre Tableau 3. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 358k Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Alex Alber, Tutoyer son chef. Entre rapports sociaux et logiques managĂ©riales », Sociologie du travail [En ligne], Vol. 61 - n° 1 Janvier-Mars 2019, mis en ligne le 07 mars 2019, consultĂ© le 28 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Alex AlberCitĂ©s, territoires, environnement et sociĂ©tĂ©s, Ă©quipe Construction sociale et politique des espaces, des normes et des trajectoires » CITERES/COST, UMR 7324 CNRS et UniversitĂ© de Tours, MSH Villes et Territoires, BP 60449, 37204 Tours Cedex 03, FranceChercheur associĂ© au CEET/ de page Bonjour Je suis totalement d'accord avec le message d'Arnaud, et bien que je tutoie assez facilement, j'ai toujours mis le respect des autres en avant —et le vouvoiement en est l'une des marques, du moins c'est ce que l'on m'a enseignĂ© lorsque j'Ă©tais gamine (je sais, cela fait plusieurs dĂ©cennies )— et n'ai jamais Ă©tĂ© la premiĂšre Ă  tutoyer un Si tu es sage, tu sais mamie avec sa petite retraite elle peut pas toujours donner beaucoup. Mais tu auras ton orange promis » dit-je d’un air amusĂ©e en reprenant la voix tremblante d’une personne ĂągĂ©e. Nous sommes vĂ©ritablement deux gamines qui se chercher des noises. Faut dire qu’il n’en fallait pas beaucoup pour le pouffai Ă©touffant mon rire dans mes mains, visualisant la scĂšne cocasse d’une Weir complĂštement Ă©berluĂ©e de voir deux amants. Elle ne devait pas beaucoup se faire bousculer la vieille impĂ©ratrice. Faut dire qu’elle donnait autant envie que de se taper un rĂ©verbĂšre ! Et je suis certaine qu’on peut prendre son pied avec ce type d’objet, bien mieux qu’avec elle. Oh que j’aurais aimĂ© qu’on filme sa tĂȘte ! » j’avais du mal Ă  m’arrĂȘter de rire et finalement, aprĂšs quelques secondes et la larme Ă  l’Ɠil, je rĂ©ussis Ă  me ils avaient Ă©tĂ© idiot, mais si l’amour Ă©tait quelques choses d’intelligent, il aurait moins de problĂšme ! Personnellement, je me sentais bien contente d’ignore ce genre de problĂ©matique. Avec ma perception du couple et de la notion d’amour, je m’épargnai des souffrances dĂ©testables. MĂȘme si je devais lutter contre ma nature humaine de verser dans le sentimental. C’est une dĂ©fense, un bouclier qui pouvait se briser un jour et j’espĂšre que cela n’arrive pas. DĂ©jĂ , que j’avais trop investit avec Blanche, hors de question de vivre ce genre d’émois. MĂȘme si l’histoire est belle. Mais, nous ne parlions pas d’e moi, mais de ma charmante amie, qui mĂȘme si elle avait Ă©tĂ© idiote, elle avait ses raisons. Rien n’est facile dans les relations humaines. Oui, mais bon les relations sont toujours stupides, tant que ça se finit bien c’est le principale » ce fut ma petite conclusion. hĂ©hĂ©, je vais finir par l’ouvrir cette nurserie ! »Je lui fis un beau sourire Ă  son remerciement, entre deux bĂąillements. Je perçue son regard tendre que je lui rendis par mimĂ©tisme et parce que je l’affectionnai aussi. J’ai pleins d’idĂ©e si besoin » oui je ne manquais pas de vacheries en rĂ©serve. Je lui donnai avec prĂ©cision, quand j’allais partir dans les songes, lui donnant la possibilitĂ© d’échanger sur mon agression si besoin. AprĂšs tout, j’ignore si elle va s’en servir pour son enquĂȘte. Je lui souris quand elle me toucha le bras. Le chat Ă©tait en creux de me ventre bien installĂ© et en train de ronronner. Panda » je montra le soldat Ă  cĂŽtĂ© de moi Viens tous les soirs chercher les filles du corps mĂ©dicale, cette fois, il avait dĂ» avoir du retard puisque j’ai finis tard du a l’opĂ©ration de Matt. J’étais seule et donc il m’a raccompagnĂ©e, me proposant qu’on aille dĂ©gourdir les jambes de Kalash son chien sur les digue. J’adore ce chien ! » J’eue un sourire tendre pour l’animal Je te le montrerai un jour, il est superbe. Bref. En allant dans un couloir, il y a eu deux types qui ont crus bon de faire de l’humour et qui dĂ©sirai m’agresser. Je ne sais pas trop encore si Panda c’est fait piĂ©gĂ© ou non, mais ils se connaissaient. Bref, je me suis fait plaquer par l’un des loubard et Panda c’est battue. Je me suis enfuis, jusqu’à un laboratoire que je pensais vide et finalement il y avait Mike Femens dedans. On a Ă©laborĂ© un plan, les soldats sont arrivĂ©s, ont leur a balancer une plante qui a explosĂ© sur eux. Ça n’a pas si bien marchĂ©, car Mike c’est retrouver attachĂ© Ă  une chaise et moi, au pied d’une table en petite tenue, dans le but de me faire violer. Bon ils m’ont frappĂ© car je ne tenais pas en place. Et au moment, oĂč ma culotte allait glisser, Panda Ă  dĂ©barquer, Mike c’est libĂ©rer et les vilains sont tombĂ© Ă  terre. J’ai soignĂ© Panda qui Ă©tait Ă  moitiĂ© mort et je me suis Ă©vanouie, hypothermie » se fut du sacrĂ© rĂ©sumĂ© en tout jeta un coup d’Ɠil au soldat qui Ă©tait dans le coltard, quand Isia le lui montra. Elle la laissa se lancer dans son rĂ©cit, sans chercher Ă  l’arrĂȘter, lui narrant les Ă©vĂšnements comme elle les avait perçus. La jeune femme n’était pas rassurĂ©e de se dire que l’homme qui l’avait peut-ĂȘtre piĂ©gĂ© Ă©tait hospitalisĂ© dans la mĂȘme piĂšce qu’elle, mais manifestement, il s’était battu bec et ongle pour la sortir de lĂ . Alors il s’était peut-ĂȘtre retrouvĂ© dans un jeu qui le dĂ©passait. Une enquĂȘte serait ouverte, bien entendu. La consultante hocha de la tĂȘte quand elle lui proposa de rencontrer le chien. Elle l’avait entraperçue Ă  la soirĂ©e Santa. Isia n’avait pas subi passivement, du coup, elle s’en remettrait sĂ»rement bien. Une sacrĂ©e aventure », dit-elle. Elle avait Ă©tĂ© complĂšte. NĂ©anmoins, certaines questions vinrent Ă  Erin, qui lui demanda donc. Tu avais dĂ©jĂ  eu Ă  voir avec ces hommes ? Ils voulaient quelque chose en particulier ? Ils n’auraient rien dit des fois sur la personne qui les a envoyĂ©e ? Si je vais trop vite, n’hĂ©site pas Ă  me le dire. » Elle suivait le fil de ses pensĂ©es et du coup ça sortait comme ça venait. Non, j’ai dĂ» les soigner peut-ĂȘtre mais bon, ils ne m’ont pas marquĂ©e. Oui, ils dĂ©siraient les Pass des chambres en plus de me pĂ©ter cul » dit-je avec une pointe d’amusement. Oui, je n’étais pas spĂ©cialement choquĂ©e au final. Je rĂ©flĂ©chit un peu Non, je n’ai rien qui me reviens. Ils Ă©taient dans l’optique de se faire plaisir. Non ça va je suis » D’accord, de toute façon, ils sont bels et bien identifiĂ©s maintenant, vu l’état dans lequel on les a retrouvĂ©s, ils n’ont pas pu s’enfuir. Ils voulaient certainement finir le boulot Ă  l’infirmerie », dit-elle par pure constatation. N'hĂ©site pas si tu as quelque chose qui te revient dans les prochaines heures ou jour, je suis toujours joignable pour toi. » Oui faut dire que Panda et Mike n’y sont pas allĂ© mollo. Remarque-moi non plus si j’avais pu en tuer un avec mon scalpel je l’aurais fait » Je lui fis un grand sourire Oui, je te dirais. Merci et si tu veux discuter avec moi via radio quand tu as un moment tu peux aussi » Je lui attrapai la main dans un geste affectif. Au faite je ne t’ai jamais dit. Mais ma mĂšre se nommait Eryn, avec un y » c’est drĂŽle non ? » Ce que je comprends parfaitement. Ces pourritures ne mĂ©ritaient pas mieux. Mais je suis contente que tu n’en ait pas tuĂ© un. » Erin lui rendit son sourire, sincĂšre. Elle aurait eu des emmerdes Ă  foison, sauf en cas de lĂ©gitime dĂ©fense. Bref. D’accord, je n’hĂ©siterai pas Ă  t’embĂȘter par radio Ă©galement », dit-elle alors que la doctoresse lui attrapait la main affectueusement. Erin lui caressa le dos de la main avec la chair charnue de son pouce. Ah ? Non, tu ne me l’avais jamais dit. C’est une drĂŽle de coĂŻncidence tiens. C’est elle, ton cĂŽtĂ© australien ? », demanda-t-elle curieuse, avant d’ajouter, comme si elle n’avait pas pu s’empĂȘcher N’empĂȘche, avec un nom pareil, je suis sĂ»r que c’est une femme extraordinaire ! » Bonjour les chaussettes qui viennent d’exploser ! Oui, j’aurais Ă©tĂ© emmerdĂ©e encore » je ricanai amuser, mieux vaut Ă©viter d’avoir un procĂšs pour meurtre. Je lui souris une nouvelle fois Ă  la mention de la radio. Oui, quelques petits Ă©changes seront bĂ©nĂ©fiques pour me tenir compagnie. Surtout avec l’autre ronchon Ă  cĂŽtĂ© de moi. Non, c’est mon pĂšre qui est Australien. Ma mĂšre Ă©tait chirurgienne de renom, comme quoi c’est gĂ©nĂ©tique » oui quelques fleurs ça fait du bien. Bien entendu je parlais au passĂ© de ma mĂšre Ă©tant plus de ce monde Haha oui, elle Ă©tait extraordinaire ! » rĂ©pliquait je confirma de la tĂȘte qu’elle aurait Ă©tĂ© embĂȘtĂ©e, avec un sourire amusĂ©e alors que la blonde ricanait. Elle prenait vraiment tout Ă  la lĂ©gĂšre et comme ça venait. Au moins, elle ne se faisait pas tant de soucis que ça, ce n’était pas plus mal. D’accord, tu suis les traces de ta mĂšre, c’est bien aussi », fit Erin, notant qu’elle parlait d’elle au passĂ© . Ça ne m’étonne pas, pour m’avoir donnĂ© une copine pareille, elle devait l’ĂȘtre », rajouta la consultante avec un nouveau bisou sur la joue pour son amie. Je vais te laisser te reposer. Je te laisse Harry ? » Elle ne voulait pas lui imposer le chat, si tant est si bien qu’un chat s’impose
 Dans un sens oui. » c’est marrant que finalement je fasse la mĂȘme chose qu’elle. Comme quoi des mĂ©tiers pouvait ĂȘtre familiale. Exactement » je rĂ©ceptionnai le bisou avec un beau sourire. Oui, laisse-le-moi il est trĂšs bien lĂ . Je le transmettrais Ă  Katty » dit-je amusĂ©e. Je baillai une nouvelle fois DĂ©solĂ©, je vais dormir, merci d’ĂȘtre venue ma belle » je lui fis un tendre bisou sur la joue. Bon courage et fait attention Ă  toi, j’aimerais que tu ne viennes pas me tenir compagnie dans un ce genre de lit » dit- je dans une petite provocation amusante. Ne t'excuse pas, en ce moment habituellement on s’endort au milieu d’une conversation », dit elle avec humour. Erin fit une moue contrariĂ©e. Je n’y compte pas, je prĂ©fĂšre les soirĂ©es entre fille dans ma chambre plutĂŽt qu’ici. Allez, je file. Repose toi bien ma chĂ©rie. » Oui moi aussi, a plus tard ma belle » fit-je en pouffa avec un salut de la main quand la jeune femme partie. END 14/02/2016

Uneseule chose est sĂ»re, c’est que le choix de l’un ou l’autre va impacter la relation thĂ©rapeutique. Il est important que les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes aient conscience des facteurs influençant leur choix dans l’usage du tutoiement ou du vouvoiement et qu’ils connaissent les attentes des adolescents afin de mieux apprĂ©hender les consultations les impliquant.

NICOLAS OPPENCHAIM Observatoire du Samusocial de Paris Laboratoire LVMT Paris Est Sociologie RĂ©sumĂ© . L’objectif de cet article est de prĂ©senter un exemple de participation active des adolescents Ă  une recherche de sociologie sur leurs mobilitĂ©s urbaines. Dans le cadre de cette recherche menĂ©e dans des Ă©tablissements scolaires, les adolescents ont ainsi rĂ©alisĂ© des questionnaires de sociologie qu’ils ont distribuĂ©s Ă  d’autres jeunes. Ils ont Ă©galement pris des photographies et Ă©crit des textes sur leurs mobilitĂ©s, avant d’ĂȘtre interrogĂ©s individuellement sur ce thĂšme par le chercheur. Cette mĂ©thode a pour premier avantage de favoriser le consentement Ă©clairĂ© des adolescents en leur faisant comprendre les implications de leur participation Ă  une recherche. Elle permet Ă©galement de crĂ©er une relation de confiance avec les adolescents et de stimuler leur rĂ©flexivitĂ© afin de les associer Ă  l’élaboration de la recherche. Introduction Est-ce que prendre les adolescents comme objet d’étude suppose l’utilisation de mĂ©thodes de recherche diffĂ©rentes de celles utilisĂ©es pour les adultes ? Quelles sont les mĂ©thodes permettant de concilier rigueur scientifique et prĂ©occupations dĂ©ontologiques dans l’étude de cette population ? Ces questions ont Ă©tĂ© beaucoup plus abordĂ©es dans la littĂ©rature sociologique anglophone que dans celle en langue française Danic et al, 2006. Or, elles se sont rĂ©vĂ©lĂ©es centrales dans le cadre de la recherche que j’ai menĂ©e sur les mobilitĂ©s quotidiennes des adolescents de zones urbaines sensibles ZUS. Cette recherche avait pour point de dĂ©part l’idĂ©e que la mobilitĂ© constitue une Ă©tape importante de la socialisation des adolescents, car elle est le support du passage du monde familier au domaine public Breviglieri, 2007. Elle permettait ainsi d’enrichir les approches statiques de la sĂ©grĂ©gation, en ne rĂ©sumant pas l’inscription urbaine des adolescents de ZUS Ă  leur localisation rĂ©sidentielle et en prenant en compte les interactions qu’ils ont avec des citadins d’une autre origine gĂ©ographique et sociale durant leurs mobilitĂ©s Oppenchaim, 2009. Lors de cette recherche, j’ai alors Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  un certain nombre de difficultĂ©s mĂ©thodologiques et dĂ©ontologiques, inextricablement liĂ©es comment un enquĂȘteur adulte peut-il accĂ©der aux pratiques de mobilitĂ© des adolescents, qui sont un moment privilĂ©giĂ© de l’entre-soi adolescent ? Comment recueillir et utiliser pour un travail acadĂ©mique des informations sur ces pratiques en s’assurant que les adolescents comprennent ce qu’implique leur participation Ă  la recherche ? Ces diffĂ©rentes difficultĂ©s m’ont conduit Ă  dĂ©velopper une mĂ©thodologie inĂ©dite dont le but Ă©tait de favoriser la participation active des adolescents dans la recherche. J’ai ainsi mis en place des projets dans des Ă©tablissements scolaires, combinant initiation des adolescents Ă  la sociologie, rĂ©alisation de textes et de photographies sur leurs mobilitĂ©s ainsi que des entretiens individuels semi-directifs. Afin de mieux comprendre la dĂ©marche mĂ©thodologique que j’ai suivie, je procĂ©derai en trois temps. Je dĂ©velopperai tout d’abord les problĂšmes que soulĂšve l’étude des pratiques de mobilitĂ© des adolescents. Puis, je montrerai en quoi la participation active des adolescents dans la recherche permet de rĂ©soudre en partie ces problĂšmes, avant d’exposer comment j’ai concrĂštement favorisĂ© cette participation. Quels problĂšmes dĂ©ontologiques et mĂ©thodologiques soulĂšve l’étude des pratiques de mobilitĂ© des adolescents ? La premiĂšre difficultĂ© mĂ©thodologique spĂ©cifique Ă  laquelle est confrontĂ© un chercheur adulte travaillant sur les adolescents est de mener une recherche malgrĂ© la distance gĂ©nĂ©rationnelle qui existe entre lui et les enquĂȘtĂ©s. En effet, les adolescents se situent dans une pĂ©riode de remise en cause du contrĂŽle des adultes sur leurs pratiques et d’affranchissement vis-Ă -vis de la tutelle des institutions en charge de leur encadrement Zaffran, 2010. Paradoxalement, la mise en relation du chercheur avec les enquĂȘtĂ©s passe nĂ©anmoins majoritairement par ces institutions Ă©cole, centres sociaux, associations d’aide aux devoirs
, car les adolescents y passent une grande partie de leurs temps et que la prĂ©sence d’adultes y est tolĂ©rĂ©e. Ce passage par les institutions ne concerne pas seulement les chercheurs s’intĂ©ressant aux pratiques des adolescents dans ces lieux, mais Ă©galement ceux qui travaillent sur les pratiques se dĂ©roulant en dehors des cadres institutionnels. En effet, ces pratiques, comme les mobilitĂ©s, constituent des moments privilĂ©giĂ©s de l’entre-soi adolescent. Cela rend alors difficile la prĂ©sence prolongĂ©e d’un enquĂȘteur adulte auprĂšs des adolescents lorsqu’ils rĂ©alisent ces activitĂ©s. Le chercheur peut certes prendre comme terrain d’observation les lieux non institutionnels dans lesquels les adolescents se rendent durant leur temps libre, comme les centres commerciaux Kokoreff, 1998. NĂ©anmoins, les entretiens avec les adolescents constituent la source d’accĂšs Ă  ces pratiques la plus souvent utilisĂ©e. L’étude des pratiques extra-institutionnelles des adolescents est alors marquĂ©e par ce paradoxe les institutions constituent une voie d’entrĂ©e privilĂ©giĂ©e, voire unique, pour le chercheur, alors mĂȘme que les adolescents souhaitent s’émanciper de la tutelle de ces institutions et Ă©prouvent, pour certains, une relative mĂ©fiance Ă  leur Ă©gard. Cette mĂ©diation par les institutions doit alors impĂ©rativement ĂȘtre intĂ©grĂ©e Ă  l’analyse des rĂ©sultats obtenus. Elle n’est en effet pas sans influence sur la relation d’enquĂȘte entre des adolescents et un enquĂȘteur adulte, plus ou moins assimilĂ© Ă  l’institution par laquelle il est entrĂ© en contact avec eux. L’enquĂȘteur ne peut alors totalement s’émanciper des relations asymĂ©triques, notamment en terme de pouvoir et d’autoritĂ©, qui structurent la relation de l’adolescent Ă  cette institution. De mĂȘme, cette mĂ©diation influence le profil des adolescents auxquels l’enquĂȘteur accĂšde. L’institution par laquelle le chercheur entre en relation avec les adolescents peut ainsi ĂȘtre en charge d’un public spĂ©cifique. Le choix des adolescents retenus pour l’enquĂȘte peut ĂȘtre Ă©galement fortement orientĂ© par les personnels institutionnels assurant l’interface avec le chercheur Sime, 2008. Le passage par des institutions pour accĂ©der aux adolescents enquĂȘtĂ©s pose donc un certain nombre de problĂšmes mĂ©thodologiques. Mais il soulĂšve Ă©galement des considĂ©rations Ă©thiques, notamment en ce qui concerne le consentement Ă©clairĂ© Ă  participer Ă  la recherche. Par exemple, lorsque la mise en contact du chercheur avec les adolescents se fait par l’intermĂ©diaire de l’institution scolaire, il peut exister une confusion aux yeux des adolescents entre la recherche proprement dite et les activitĂ©s scolaires habituelles. La participation Ă  la recherche pouvant alors ĂȘtre perçue comme obligatoire, l’adolescent risque de ne pas oser refuser la proposition. Ce problĂšme du consentement Ă©clairĂ© ne concerne pas que les enquĂȘtĂ©s mineurs Vassy et Keller, 2008, mais il se pose de maniĂšre spĂ©cifique pour les adolescents pour trois raisons Morrow, 2008. Ils bĂ©nĂ©ficient tout d’abord d’un statut juridique particulier, rendant nĂ©cessaire au niveau lĂ©gal l’obtention d’une signature de leurs tuteurs adultes. Le simple accord des enquĂȘtĂ©s mineurs n’est ainsi pas nĂ©cessairement suffisant pour couvrir le chercheur au niveau lĂ©gal. D’autre part, les adolescents forment un groupe social plus vulnĂ©rable que les adultes. Au niveau individuel, ils peuvent se voir imposĂ©s lors de leurs interactions avec le chercheur les schĂ©mas d’interprĂ©tation de celui-ci, par manque d’habitude de ces situations. Au niveau collectif, ils ne possĂšdent pas de reprĂ©sentants dans la communautĂ© adulte leur permettant de discuter les rĂ©sultats tirĂ©s Ă  leur Ă©gard ou de s’assurer que leur parole n’a pas Ă©tĂ© travestie ou retranscrite partiellement. Enfin, le consentement des adolescents Ă  participer Ă  la recherche peut ĂȘtre influencĂ© par diffĂ©rents biais, comme par exemple la confusion Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment entre activitĂ©s obligatoires et activitĂ©s de recherche lorsque celle-ci a lieu dans un cadre institutionnel. La vulnĂ©rabilitĂ© potentielle des adolescents nĂ©cessite donc des prĂ©cautions dĂ©ontologiques, afin de s’assurer que les enquĂȘtĂ©s comprennent les implications de leur participation Ă  une recherche sociologique. Elle ne doit cependant pas conduire Ă  ne pas investiguer cette population. Les considĂ©rations exposĂ©es prĂ©cĂ©demment sont ainsi assez analogues aux rĂ©flexions qui ont pu ĂȘtre menĂ©es dans le cadre d’enquĂȘtes avec des groupes sociaux adultes vulnĂ©rables, comme les sans-domicile Firdion et al, 1995. Les trois grandes justifications avancĂ©es lors de la mise en place du programme de recherche de l’INED sur cette population peuvent ainsi ĂȘtre transposĂ©es au cas des adolescents. Au niveau scientifique, ne pas mener d’enquĂȘte auprĂšs d’adolescents reviendrait Ă  se contenter du regard portĂ© par les adultes sur leurs pratiques. Le chercheur n’accĂ©derait pas Ă  leur point de vue, mais Ă  celui des institutions qui en sont en charge. Au niveau dĂ©mocratique, ne pas enquĂȘter sur les adolescents reviendrait Ă  ne pas leur donner de statut de personne, Ă  supposer une discontinuitĂ© entre leur monde et celui des adultes et donc Ă  les exclure symboliquement de la sociĂ©tĂ©. Enfin, au niveau humain, les adolescents ne doivent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s uniquement sous l’angle de leur vulnĂ©rabilitĂ©. Ils peuvent ainsi avoir conscience de la forme de don/contre don impliquĂ© par une situation d’enquĂȘte Skelton, 2008. De mĂȘme, ils peuvent avoir du plaisir Ă  livrer leur point de vue Ă  un adulte et Ă  rĂ©flĂ©chir sur leurs pratiques. Au final, le positionnement Ă©thique du chercheur est fortement influencĂ© par le regard gĂ©nĂ©ral qu’il porte sur l’enfance et l’adolescence Morrow, ibid. Si l’adolescent est considĂ©rĂ© uniquement sous l’angle de sa vulnĂ©rabilitĂ©, il n’est pas perçu comme compĂ©tent pour dĂ©terminer l’influence, positive ou nĂ©gative, qu’aura pour lui la participation Ă  une recherche. Au niveau dĂ©ontologique, l’important pour le chercheur est alors d’obtenir une autorisation d’enquĂȘter de la part des parents ou des institutions en charge de ces adolescents. D’autres chercheurs postulent au contraire que les mineurs possĂšdent les compĂ©tences pour comprendre les tenants et aboutissants d’une recherche et peuvent donc accepter ou refuser d’eux-mĂȘmes leur participation Masson, 2004 ; Skelton, ibid. Si le chercheur doit s’assurer au maximum qu’ils comprennent les consĂ©quences de cette participation Ă  court, moyen et long terme, le consentement des adolescents prime sur celui de leurs parents ou des institutions qui en ont la charge. Le chercheur ne peut donc se contenter de l’autorisation Ă©crite des parents ou des personnels institutionnels. Au contraire, il doit faire primer le droit des enfants Ă  s’exprimer plutĂŽt que sa propre protection juridique vis-Ă -vis d’autres adultes. Par exemple, lorsque les adolescents sont en mesure de comprendre l’impact de l’enquĂȘte sur leur vie, il est parfois plus Ă©thique d’agir en fonction du souhait de l’adolescent de donner son point de vue plutĂŽt que de solliciter l’accord de parents qui pourraient s’y opposer Where the child consents to participate the parent’s consent is not required 
 where children can understand enough to distinguish research from other interventions and to understand the impact on them on participating, it may be more ethical to act on their consent than to require the fully informed consent of a parent. Such an approach gives children the maximum opportunity to have their views and experiences recorded and avoid the risk of exclusion of children whose parents would not respond to a request or would wish to control whom their child speaks to » Masson, ibid. Cette position est en adĂ©quation avec la Convention de 1989 de l’Organisation des Nations Unies sur les droits de l’enfant, dont les articles 12 et 13 mettent en avant non seulement le droit de regard des enfants sur ce qui les concerne, mais Ă©galement celui d’exprimer leur point de vue s’ils le dĂ©sirent Bell, 2008. Cette position commence peu Ă  peu Ă  se diffuser dans le champ des Ă©tudes françaises Danic et al, 2006. Elle est beaucoup plus rĂ©pandue parmi les recherches anglo-saxonnes sur les pratiques sociales des adolescents, notamment celles qui sont publiĂ©es dans la revue Children’s Geography et/ou celles qui s’inspirent de la Participatory Action Research » Hart, 1992. Dans cette mĂ©thode participative, les enquĂȘtĂ©s participent activement au processus de recherche, ils identifient avec le chercheur les problĂšmes de leur communautĂ©, ils choisissent les outils permettant de mieux comprendre ces problĂšmes et ils trouvent ensemble des solutions pour changer leur situation. Nous avons donc vu que prendre les adolescents comme objet de recherche posait un certain nombre de problĂšmes mĂ©thodologiques comment accĂ©der aux pratiques qui se dĂ©roulent en dehors des cadres institutionnels et dĂ©ontologiques comment faire comprendre aux adolescents ce que signifie de participer Ă  une recherche, afin qu’ils puissent consentir, ou non, Ă  y participer. Nous allons maintenant voir que la participation active des adolescents Ă  la recherche permet de rĂ©soudre en partie ces diffĂ©rents problĂšmes. Quels sont les intĂ©rĂȘts d’une participation active des adolescents Ă  la recherche ? Les ouvrages ou revues de langue anglaise citĂ©s prĂ©cĂ©demment contiennent de nombreuses pistes permettant de favoriser le consentement Ă©clairĂ© des adolescents. La principale innovation mĂ©thodologique proposĂ©e est alors d’encourager la participation active des adolescents enquĂȘtĂ©s dans la recherche. Cette participation est plus ou moins importante selon les recherches Hart, ibid. Dans sa forme la plus simple, elle passe par exemple par la prise de photographies, la rĂ©alisation de cartes mentales ou la rĂ©daction de textes par les enquĂȘtĂ©s. La participation est plus importante lorsqu’un chercheur dĂ©finit un thĂšme gĂ©nĂ©ral de recherche avant de commencer son enquĂȘte, mais qu’il implique ensuite les adolescents dans la construction des questions de recherche Fine et al, 2003, qu’ils les laissent juges du choix de la mĂ©thode la plus adĂ©quate Ă  l’expression de leur point de vue Skelton, ibid ou qu’il les forme au recueil de donnĂ©es auprĂšs d’autres jeunes Alderson, 1995. Plus largement, des adolescents peuvent Ă©galement participer Ă  la dĂ©finition des objectifs de la recherche en cours et faire partie de son comitĂ© de pilotage Hart, ibid alors que certains chercheurs dĂ©fendent mĂȘme l’idĂ©e d’une participation d’adolescents aux comitĂ©s d’éthique des universitĂ©s Ă  chaque Ă©valuation de projet incluant des enquĂȘtĂ©s mineurs Sime, ibid. Cette participation active des adolescents comporte de nombreux avantages Ă©thiques et scientifiques. La prise de photographies permet ainsi par exemple tout d’abord d’obtenir des informations sur des pratiques et des lieux non accessibles Ă  un enquĂȘteur adulte. Elle offre Ă©galement l’avantage d’intĂ©grer Ă  la recherche des adolescents Ă©prouvant des difficultĂ©s de verbalisation. Cette participation comporte aussi un aspect ludique, permettant d’entraĂźner l’adhĂ©sion d’adolescents ne souhaitant initialement pas se prĂȘter au jeu de l’entretien ou de l’observation. Mais elle offre Ă©galement d’autres avantages, notamment celui d’inflĂ©chir les problĂ©matiques de recherche du sociologue tout au long de l’enquĂȘte en y intĂ©grant les capacitĂ©s rĂ©flexives des adolescents Sime, ibid. Les adolescents ne sont en effet pas des idiots culturels », sans aucun regard rĂ©flexif sur leurs pratiques Garfinkel, 1967. Cette participation active favorise Ă©galement la comprĂ©hension des adolescents sur les enjeux Ă©thiques d’une enquĂȘte sociologique, et Ă©claire en consĂ©quence leur consentement Ă  participer Ă  la recherche. Dans le champ français, ces mĂ©thodes de participation active des adolescents Ă  la recherche ont Ă©tĂ©, Ă  ma connaissance, mises en Ɠuvre dans peu de travaux Dubet et Martucelli, 1996 ; Lepoutre, 2005. Ces travaux mettent en Ă©vidence d’autres avantages de cette participation que ceux Ă©noncĂ©s prĂ©cĂ©demment. Ils montrent tout d’abord comment il est possible d’articuler objectifs pĂ©dagogiques et production de connaissances scientifiques dans le cadre de projets menĂ©s dans des Ă©tablissements scolaires Lepoutre, ibid. La recherche ne conduit alors pas seulement Ă  la reconnaissance du travail du chercheur par ses pairs, mais donne Ă©galement naissance Ă  un objet tangible un livre, une exposition
 auquel les adolescents sont fiers d’avoir collaborĂ©. Cela libĂšre quelque part le chercheur de l’examen de conscience sur l’utilitĂ© de sa recherche pour les adolescents ayant acceptĂ© d’y participer. Ces travaux montrent Ă©galement qu’il est nĂ©cessaire de laisser une place dans la recherche Ă  la rĂ©flexivitĂ© des adolescents sur leurs pratiques. Le chercheur peut ainsi leur soumettre les interprĂ©tations qu’il a tirĂ©es Ă  leur Ă©gard, afin d’en amĂ©liorer la pertinence Dubet et Martucelli, ibid. La participation des adolescents Ă  la recherche favorise ainsi, entre autres, leur consentement Ă©clairĂ©, elle permet l’accĂšs Ă  des pratiques peu accessibles Ă  un enquĂȘteur adulte, elle peut entraĂźner l’adhĂ©sion de jeunes ne souhaitant pas initialement rĂ©pondre Ă  des questions, elle Ă©vite de recueillir des discours trop formatĂ©s par les propos que les adolescents ont l’habitude de tenir aux adultes
 Une derniĂšre considĂ©ration gĂ©nĂ©rale explique l’intĂ©rĂȘt que j’ai portĂ© Ă  ces mĂ©thodes. Elles sont en adĂ©quation avec ma perspective thĂ©orique sur la mobilitĂ© des adolescents de ZUS. Dans leurs dĂ©placements, ces adolescents sont confrontĂ©s Ă  des situations problĂ©matiques, notamment dans leurs interactions avec des citadins dont ils ne sont pas familiers. Ces Ă©preuves, mĂȘme les plus minimes, peuvent alors conduire Ă  un retour rĂ©flexif de l’adolescent sur ses habitudes d’action et Ă  leur modification. Le retour des adolescents durant des entretiens sur les Ă©preuves qu’ils ont rencontrĂ©es dans leur mobilitĂ© n’est alors possible que s’ils adoptent sur leurs pratiques un regard rĂ©flexif, ce qui est un des intĂ©rĂȘts de leur implication active dans la recherche. Pour conclure cette partie, soulignons que l’ensemble des considĂ©rations dĂ©ontologiques soulevĂ©es jusqu’à prĂ©sent ne sont pas totalement spĂ©cifiques aux adolescents. Tout chercheur qui Ă©tudie dans la durĂ©e un monde social est confrontĂ© Ă  un moment ou un autre Ă  ces considĂ©rations, notamment lorsqu’il travaille sur un monde social dominĂ© Lepoutre, ibid. N’est-il pas en train de trahir la confiance des enquĂȘtĂ©s ? Ne profite-il pas de leur confiance Ă  des seuls fins de promotion acadĂ©mique, alors que le sort des enquĂȘtĂ©s ne sera pas modifiĂ© par cette recherche ? Les enquĂȘtĂ©s ont-ils conscience qu’une partie de leurs pratiques, mĂȘme anonymisĂ©es, risquent d’ĂȘtre portĂ©es sur la place publique ? Comment dĂ©terminer les pratiques qu’il convient de rĂ©vĂ©ler ou au contraire de laisser dans l’ombre pour ne pas nuire aux enquĂȘtĂ©s ? LĂ  aussi, la comprĂ©hension par les enquĂȘtĂ©s de l’implication de leur participation Ă  la recherche est essentielle et elle ne peut pas se limiter Ă  la signature d’un formulaire de consentement Ă  participer. Les mĂ©thodes visant Ă  favoriser la participation active des enquĂȘtĂ©s afin de rĂ©soudre, en partie, ces problĂšmes dĂ©ontologiques n’ont d’ailleurs pas seulement Ă©tĂ© mises en Ɠuvre avec des mineurs. Citons par exemple, dans une perspective thĂ©orique proche de la mienne sur la mobilitĂ©, le projet qu’I. Joseph menait sur la ligne de mĂ©tro 2 Ă  Paris. Celui-ci souhaitait substituer Ă  l’observation participante traditionnelle une ethnographie participative » avec des itinĂ©raires commentĂ©s d’usagers du mĂ©tro, des auto-confrontations entre citadins ayant des conflits d’usage ainsi que des forums hybrides composĂ©s de gestionnaires et d’usagers Tonnelat, JolĂ© et Kornblum, 2007. Des projets autour de la mobilitĂ© menĂ©s dans huit Ă©tablissements scolaires Avant de prĂ©senter plus en dĂ©tail les projets que j’ai menĂ©s dans des Ă©tablissements scolaires, il convient de rappeler qu’ils ont suivi chronologiquement une ethnographie d’un an avec de jeunes garçons 13-18 ans frĂ©quentant la maison de quartier d’une ZUS de grande couronne. J’y ai Ă©tĂ© confrontĂ© aux difficultĂ©s habituelles rencontrĂ©es par un ethnographe dans son travail de terrain avec des populations dĂ©favorisĂ©es. Il m’a fallu ainsi, classiquement, faire avec la distance sociale qui me sĂ©parait des jeunes afin d’acquĂ©rir un savoir ĂȘtre avec » les adolescents. Cette distance sociale Ă©tait Ă©galement redoublĂ©e par une distance gĂ©nĂ©rationnelle avec les adolescents, qui ne me percevaient ni comme un animateur, ni comme un chercheur, mais me situaient quelque part entre ces deux professions. La prĂ©sence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains, l’accompagnement de sorties, la rĂ©alisation de vingt entretiens ethnographiques m’ont alors permis de recueillir un riche matĂ©riau d’information sur les pratiques de mobilitĂ© des adolescents du quartier. Elle m’a aidĂ© d’une part Ă  mieux comprendre les interdĂ©pendances entre ancrage rĂ©sidentiel et pratiques de mobilitĂ© des adolescents, mais Ă©galement qu’une des principales Ă©preuves que ces derniers affrontaient dans leurs mobilitĂ©s Ă©tait la confrontation aux autres citadins en raison du triple stigmate sociale, ethnique et gĂ©nĂ©rationnelle dont ils se sentent porteurs Oppenchaim, 2011. Je ressentais cependant une insatisfaction Ă©thique durant cette ethnographie. En effet, si la plupart des jeunes acceptaient de me faire partager en partie leur quotidien et de rĂ©pondre Ă  mes questions, cela Ă©tait le plus souvent beaucoup plus dĂ» Ă  une sympathie Ă  mon Ă©gard qu’à une rĂ©elle comprĂ©hension des enjeux et intĂ©rĂȘt de mon travail de recherche. TrĂšs peu d’adolescents comprenaient l’intĂ©rĂȘt de se pencher sur leurs pratiques de mobilitĂ©, la plupart y voyant malgrĂ© leur sympathie une maniĂšre dĂ©tournĂ©e des institutions de contrĂŽler leurs moments de libertĂ© hors du cadre des diffĂ©rentes institutions dans lesquelles ils sont insĂ©rĂ©s Ă©cole, travail social, police
.. Cette absence de comprĂ©hension me questionnait alors sur le sens de la dĂ©marche sociologique, notamment savoir pour qui on Ă©crit et dans quel but ? » Lepoutre, ibid. Cette question se pose gĂ©nĂ©ralement au moment de la restitution de la recherche et du recueil de gains symboliques de la part de l’enquĂȘteur. Elle ne cessait cependant de me tarauder au moment de l’enquĂȘte, ayant l’impression de recevoir des histoires de vie singuliĂšre de la part de ces jeunes, sans rien leur apporter en retour. C’est alors cette insatisfaction qui a nourri mon intĂ©rĂȘt pour les mĂ©thodes favorisant l’implication active des adolescents dans la recherche. Ces mĂ©thodes me semblaient d’autant plus intĂ©ressantes que certains adolescents de la maison de quartier dĂ©veloppaient une vraie rĂ©flexion sur leurs pratiques de mobilitĂ©. Un d’entre eux m’expliqua ainsi un jour qu’il avait plus tendance Ă  frĂ©quenter ChĂątelet que les Champs ElysĂ©es, car malgrĂ© la prĂ©sence massive de policiers il y Ă©tait beaucoup moins contrĂŽlĂ©. InterrogĂ© sur les raisons de ces contrĂŽles plus nombreux aux Champs-ElysĂ©es, il les expliqua par la prĂ©sence plus importante de touristes, dĂ©finissant au contraire ChĂątelet comme un lieu de passage oĂč la prĂ©sence des jeunes Ă©tait plus tolĂ©rĂ©e. Or malgrĂ© tous mes efforts, il m’a Ă©tĂ© impossible dans le cadre de mon ethnographie de mettre en Ɠuvre ces mĂ©thodes. Cela Ă©tait sans doute dĂ» Ă  la spĂ©cificitĂ© de mon terrain d’étude, une maison de quartier considĂ©rĂ©e par les jeunes essentiellement comme un lieu de loisirs et de retrouvailles Ă  l’écart des regards des personnes plus ĂągĂ©s du quartier. J’ai ainsi proposĂ© Ă  certains jeunes avec lesquels j’avais dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© un entretien classique de prendre des photographies durant leurs dĂ©placements puis de les commenter. La plupart me dĂ©claraient cependant avoir la flemme » et que cela leur rappelait trop le cadre scolaire. Cette difficultĂ© Ă  mettre en Ɠuvre ces mĂ©thodes Ă©tait Ă©galement renforcĂ©e par le turn-over des jeunes frĂ©quentant la maison de quartier, qui pour certains ne venaient que pour une heure ou de maniĂšre espacĂ©e dans le temps. J’ai alors complĂ©tĂ© cette ethnographie par des projets menĂ©s dans huit Ă©tablissements scolaires quatre classes de troisiĂšme, deux secondes professionnelles BEP vente et deux secondes gĂ©nĂ©rales. Ces projets articulaient trois dimensions d’une part, une initiation des Ă©lĂšves Ă  la sociologie, sous la forme de la rĂ©alisation et de la passation d’un questionnaire Ă  d’autres adolescents ; d’autre part la rĂ©alisation de textes et de photographies autour de leur mobilitĂ© ; enfin quatre-vingt quinze entretiens semi-directifs d’une heure, rĂ©alisĂ©s aprĂšs l’initiation Ă  la sociologie et donnant lieu dans la majoritĂ© des cas Ă  une restitution collective de mon enquĂȘte devant l’ensemble des Ă©lĂšves. Mener une recherche dans des Ă©tablissements scolaires suppose tout d’abord de nouer une relation de confiance Ă  la fois avec les Ă©lĂšves et avec les professeurs. La construction de cette relation dans le cadre scolaire ne va pas de soi, car un nombre important des adolescents de ZUS entretient un rapport conflictuel avec l’institution scolaire. Le principal biais que je devais Ă©viter Ă©tait d’ĂȘtre considĂ©rĂ© par les Ă©lĂšves comme un professeur, ou du moins d’ĂȘtre assimilĂ© Ă  l’institution scolaire. Chaque prise de contact avec les Ă©lĂšves comprenait ainsi une prĂ©sentation de la sociologie et de ma dĂ©marche de recherche, en prĂ©cisant bien que je n’appartenais pas institutionnellement Ă  l’établissement. J’ai alors cherchĂ© Ă  casser le cadre scolaire de diffĂ©rentes maniĂšres en Ă©vacuant l’attente de la note c’était Ă  chaque fois une des premiĂšres questions qui Ă©taient posĂ©es par les Ă©lĂšves ou par la possibilitĂ© de tutoiement et d’appellation par le prĂ©nom de maniĂšre rĂ©ciproque. Le fait d’ĂȘtre un jeune chercheur ne partageant pas totalement les codes vestimentaires et de langage des professeurs a sans doute Ă©galement participĂ© Ă  casser ce cadre scolaire tu n’as pas la voix clean comme un prof » me confia ainsi un jour un jeune lors d’un entretien. La familiarisation antĂ©rieure avec les codes, notamment de langage, des adolescents de ZUS lors de mon ethnographie m’a aussi sans doute aidĂ© Ă  ne pas ĂȘtre perçu comme appartenant Ă  l’institution scolaire. Casser ce cadre scolaire avait pour principal but de renforcer l’idĂ©e d’égalitĂ© dans la construction de la recherche, les Ă©lĂšves m’apportant autant que je pouvais leur apporter, en particulier un projet allant Ă  l’encontre de la routine scolaire. J’étais ainsi sans doute pour les Ă©lĂšves un objet aussi Ă©trange que j’avais pu l’ĂȘtre pour les adolescents de la maison de quartier un intervenant extĂ©rieur qui n’est pas un professeur et n’en partage pas totalement les codes. Je ne dis pas que les Ă©lĂšves ne peuvent se confier aux professeurs, mais ne pas ĂȘtre identifiĂ© Ă  une figure d’autoritĂ© m’a semblĂ© faciliter l’implication des Ă©lĂšves. Il convient nĂ©anmoins de ne pas ĂȘtre naĂŻf comme nous le verrons ultĂ©rieurement, l’implication plus ou moins importante de certains Ă©lĂšves dans le processus de recherche, notamment dans l’élaboration de questionnaires, a pu ĂȘtre motivĂ©e en partie par la pression de leurs professeurs. Cette mise entre parenthĂšses temporaire du cadre scolaire lors de mes interventions Ă©tait tolĂ©rĂ©e par les professeurs d’Histoire-gĂ©ographie, de Français, de Vente ou d’Arts Plastiques qui avaient acceptĂ© de travailler avec moi. Ces derniers devaient combiner les intĂ©rĂȘts de recherche du sociologue, l’adhĂ©sion des Ă©lĂšves, ainsi que leurs propres objectifs pĂ©dagogiques. Il s’agissait gĂ©nĂ©ralement, mĂȘme si cela est difficilement quantifiable, de professeurs dynamiques, atypiques pour certains, mais qui partageaient un bon relationnel avec les Ă©lĂšves. Au final, sans ĂȘtre totalement assimilĂ© par les adolescents Ă  l’institution scolaire, j’ai donc pu bĂ©nĂ©ficier des avantages que peut apporter un cadre scolaire par rapport Ă  celui de la maison de quartier, notamment pouvoir mener des projets dans la durĂ©e en y impliquant activement les adolescents. Rappelons nĂ©anmoins qu’il existe des degrĂ©s dans la participation des adolescents dans la recherche. Celle-ci peut aller de l’information des enquĂȘtĂ©s sur les objectifs et les consĂ©quences de l’enquĂȘte au choix par les adolescents du sujet Ă  investiguer Hart, ibid. Or, les Ă©lĂšves n’ont pas participĂ© directement au choix du thĂšme gĂ©nĂ©ral de ma recherche ou Ă  celui des outils, mĂȘme s’ils disposaient d’une grande marge dans les modalitĂ©s concrĂštes d’utilisation de ces outils thĂšmes Ă  investiguer dans le questionnaire, libertĂ© dans la forme d’écriture des textes, rendu des rĂ©sultats sous la forme d’une exposition ou d’un blog. Sur l’échelle de participation des enfants Ă  la recherche Ă©laborĂ©e par R. Hart 1992 8, je me situe donc au sixiĂšme Ă©chelon sur huit le chercheur dĂ©cide du thĂšme gĂ©nĂ©ral, mais discute avec les enfants des meilleurs moyens de la mener. L’imposition d’un thĂšme gĂ©nĂ©ral et la rĂ©alisation d’entretiens classiques Ă  la fin des projets m’a cependant sans doute permis de ne pas ĂȘtre perçu par certains adolescents comme un simple animateur, ce qui a pu renforcer leur sĂ©rieux et leur implication dans les projets. La premiĂšre dimension de ces projets a Ă©tĂ© la rĂ©alisation de questionnaires par les Ă©lĂšves sur des thĂ©matiques propres Ă  l’adolescence qu’ils avaient auparavant choisies les relations amoureuses et amicales entre adolescents, le rapport des adolescents Ă  leur quartier et Ă  la ville en gĂ©nĂ©ral, les adolescents et l’organisation de leur temps. Les Ă©lĂšves ont ensuite distribuĂ© ces questionnaires Ă  d’autres adolescents avant qu’une restitution des rĂ©sultats ne leur soit faite en classe entiĂšre. Cette initiation Ă  la sociologie a prĂ©sentĂ©e plusieurs avantages. D’une part, elle a permis de faire comprendre aux Ă©lĂšves les enjeux dĂ©ontologiques et scientifiques d’une enquĂȘte. Ces derniers ont ainsi dĂ» expliquer Ă  d’autres adolescents, qu’ils n’avaient parfois jamais vus, que des rĂ©ponses personnelles, par exemple sur leur sexualitĂ©, Ă©taient anonymes et donneraient lieu Ă  une restitution en classe, sans que leur nom soit rĂ©vĂ©lĂ©. Ils ont Ă©galement dĂ» faire comprendre Ă  ces adolescents en quoi leurs rĂ©ponses prĂ©sentaient un intĂ©rĂȘt de recherche. Les Ă©lĂšves ont ainsi pu saisir en pratique ce qu’impliquait de se prĂȘter Ă  une enquĂȘte sociologique. Cette initiation offrait Ă©galement des avantages sur le plan scientifique. Si les thĂšmes des questionnaires Ă©taient divers, ils posaient en filigrane des questions propres Ă  ma recherche, en particulier les disparitĂ©s entre filles et garçons sur les horaires de sortie. La restitution des rĂ©sultats des questionnaires en classe entiĂšre a ainsi donnĂ© lieu Ă  des discussions trĂšs fournies et a obligĂ© les Ă©lĂšves Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă  argumenter sur certaines spĂ©cificitĂ©s de leurs pratiques. Elle a Ă©galement permis de libĂ©rer la parole de certains jeunes et de prĂ©parer ainsi les entretiens individuels qui ont suivi. Le cĂŽtĂ© ludique de la rĂ©alisation et de la passation des questionnaires a Ă©galement pu contribuer Ă  crĂ©er une relation de confiance avec les adolescents et Ă  favoriser leur participation ultĂ©rieure Ă  ces entretiens. Enfin, dans certains projets il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que les Ă©lĂšves ne distribueraient pas seulement le questionnaire aux adolescents de leur quartier mais Ă©galement de maniĂšre collective Ă  la sortie de grands lycĂ©es du centre de Paris. Cela avait pour premier avantage de faire rĂ©flĂ©chir les Ă©lĂšves sur les disparitĂ©s entre adolescents banlieusards et parisiens. Plus largement, cela donnait l’occasion Ă  certains Ă©lĂšves qui ne s’y Ă©taient jamais rendus, de frĂ©quenter les quartiers centraux de Paris. Ils Ă©taient ainsi confrontĂ©s, lors de la distribution en tĂȘte Ă  tĂȘte des questionnaires, Ă  l’altĂ©ritĂ© d’adolescents d’un autre milieu social. Une partie des Ă©lĂšves se rendaient ainsi initialement Ă  contrecƓur Ă  Paris, ayant peur que personne n’accepte de rĂ©pondre Ă  leurs questions. S’ils avaient au dĂ©but faiblement confiance en eux, ils se sont rendus peu Ă  peu compte qu’ils pouvaient rĂ©ussir Ă  obtenir l’attention des adolescents parisiens, le statut d’enquĂȘteur permettant par ailleurs de suspendre le temps d’une interaction le stigmate social dont une partie se sentait porteuse. Lien de cause Ă  effet ou non, ces Ă©lĂšves ont Ă©tĂ© ensuite beaucoup plus nombreux que la moyenne Ă  effectuer leur stage professionnalisant dans Paris intra-muros. Le but premier de la recherche Ă©tait la production de connaissance, et non de faire Ă©voluer, mĂȘme Ă  la marge, les compĂ©tences de mobilitĂ© des Ă©lĂšves. NĂ©anmoins, cette distribution du questionnaire dans Paris, ainsi que l’enthousiasme d’une majoritĂ© des Ă©lĂšves pour les projets, offrait Ă©galement l’avantage d’apaiser mes interrogations sur l’utilitĂ© immĂ©diate de ma recherche. ParallĂšlement ou aprĂšs cette initiation Ă  la sociologie, les Ă©lĂšves menaient Ă©galement des travaux d’écriture et photographique sur le thĂšme de la ville et des mobilitĂ©s. Ces travaux permettaient de prĂ©parer les entretiens ultĂ©rieurs en donnant un cĂŽtĂ© ludique Ă  la recherche, en renforçant ou en crĂ©ant une relation de confiance avec les adolescents et en favorisant le retour rĂ©flexif sur leurs pratiques. Ils donnaient Ă©galement des informations directes sur les pratiques de mobilitĂ© de ces adolescents. La prise de photographies des Ă©lĂšves sur leurs mobilitĂ©s a Ă©tĂ© faite selon deux grandes modalitĂ©s, en raison de diffĂ©rentes contraintes financiĂšres. Lorsque j’ai rĂ©ussi Ă  obtenir des financements, du Conseil DĂ©partemental de Seine Saint Denis ou des classes APAC du rectorat, les Ă©lĂšves Ă©taient accompagnĂ©s par un photographe professionnel durant une aprĂšs-midi. En l’absence de financement, les Ă©lĂšves prenaient eux-mĂȘmes des photographies sur leur quartier ou les lieux frĂ©quentĂ©s durant leur mobilitĂ©, Ă  l’aide d’appareils jetables distribuĂ©s ou le plus souvent avec leur propre appareil ou tĂ©lĂ©phone portable. Ces photographies permettaient d’intĂ©grer de maniĂšre ludique des adolescents pouvant avoir des difficultĂ©s ou une rĂ©ticence initiales Ă  verbaliser leurs pratiques. La prĂ©sence du photographe professionnel prĂ©sentait l’avantage supplĂ©mentaire de permettre une initiation Ă  la photographie, ainsi qu’une familiarisation Ă  certains lieux qu’ils ne connaissaient pas, les dĂ©placements se faisant le plus souvent par groupe de trois. Au niveau scientifique, ces dĂ©placements ont permis un retour rĂ©flexif des jeunes sur les lieux qu’ils frĂ©quentent, ces derniers explicitant durant le trajet pourquoi ils choisissaient ce lieu, ce qu’il leur Ă©voquait, pourquoi ils insistaient sur tel aspect dans leur prise de vue, etc. Ils me permettaient Ă©galement de renforcer la relation de confiance avec les jeunes et de pouvoir ensuite faire un retour approfondi sur les lieux photographiĂ©s durant l’entretien individuel. Figure 1 Photographie et texte d’un Ă©lĂšve de troisiĂšme gĂ©nĂ©rale avril 2009 Ces prises de photographies ont Ă©tĂ© complĂ©tĂ©es par un travail d’écriture des Ă©lĂšves, soit directement Ă  partir des clichĂ©s, soit en s’appuyant sur des descriptions urbaines d’écrivains. Je craignais que cette dimension du projet soit perçue comme trop scolaire, mais elle a recueilli l’adhĂ©sion de la majoritĂ©. Cela s’explique sans doute par la libertĂ© de forme dont ils disposaient pour dĂ©crire leur quartier et leur rapport Ă  la ville Ă©criture de slams, de poĂšmes, description neutre du quartier de rĂ©sidence ou des lieux frĂ©quentĂ©s en s’inspirant des Ɠuvres de Georges PĂ©rec dans EspĂšces d’espaces. J’ai choisi, en commun avec les professeurs de Français, ce livre comme support d’aide aux Ă©lĂšves pour dĂ©crire leur quartier, car il contient de nombreux passages qui fournissent un mode d’emploi des descriptions sociologiques sur la ville Becker, 2010. Figure 2 Texte d’un Ă©lĂšve de seconde gĂ©nĂ©rale mars 2009 Ma rue,
, je dois parler de ma rue
 trĂšs bien. Comment ? Le plus platement possible, d’accord, j’me lance. Tout d’abord je n’ai pas vraiment de rue. C’est plutĂŽt un grand bĂątiment donnant sur un parking. Sur ce parking de 34 places, une quarantaine de voitures sont stationnĂ©es. Il est 19 heures, tout est normal comme d’habitude. Du haut de mes 15 Ă©tages je peux apercevoir une grosse flaque d’huile se dĂ©versant d’une voiture sans roue, les restes d’une voiture brĂ»lĂ©e volontairement d’un acte criminel. De chez moi, je peux voir pratiquement tout le Bois Saint Denis, l’aĂ©roport Charles de Gaulle et ses trois terminaux ses trois tours de contrĂŽle et ses quelques 500 vols par jour, une bonne partie du centre-ville et son brouhaha, l’enseigne de Leroy Merlin » de Livry Gargan clignotant toutes les trois secondes et demie, et le phare de Paris, l’Ɠil de Paris brillant de mille feux Ă  la tombĂ©e de la nuit, tournoyant et m’éblouissant Ă  vingt quatre secondes d’intervalle. En bas, devant mon hall, on peut entendre un jeune murmurer Ă  un vieillard J’te donne une dix ». Le vieux rĂ©pondit Non, je, je
je veux une trente ! ». Ah nan ici, c’est moi qui choisis, j’te passe une dix ! Un point c’est tout ! ». TrĂšs bien tu as gagnĂ©, donne moi une ». Ou bien un autre, encore plus jeune, essayant de suivre les paroles, incomprĂ©hensibles pour lui, d’un rappeur amĂ©ricain qu’il a soigneusement tĂ©lĂ©chargĂ©es illĂ©galement et mis sur son I-Pod vidĂ©o troisiĂšme gĂ©nĂ©ration huit gigas, qu’il a volĂ© Ă  un pauvre homme dans le RER il s’en vante tous les jours. Sur le mur qui fait face au parking, on remarque que le numĂ©ro de mon immeuble est le quatre-vingt treize ou plutĂŽt le trois avec, peint Ă  la peinture blanche, un neuf devant, pour rendre le bĂątiment plus beau. C’est bien, c’est crĂ©atif, comme quoi avec peu on peut faire beaucoup. Sur le mur de la gauche, un petit dĂ©gradĂ© de couleurs qui devient de plus en plus foncĂ©. C’est le jeune qui Ă©coutait du rap US » qui vient d’arriver ici. Il n’habite pas dans ce bĂątiment, mais il y reste jour et nuit et il n’a aucune honte ou pudeur. Ah ! Je viens de voir un petit garçon seul qui a failli se faire renverser par une Renault 25 qui voulait se garer. Le petit courait derriĂšre son ballon NĂ©mo en pleurant car il avait Ă©tĂ© percĂ© par le chien d’un jeune qui, faisant des tractions Ă  l’arrĂȘt de bus frime avec ses muscles et ses deux bĂ©bĂ©s Rottweiler. Les deux Rottweilers ont les oreilles et la queue coupĂ©es aux ciseaux par leur maĂźtre, car comme ces chiens font des combats, il vaut mieux qu’elles soient coupĂ©es, car si, lors d’un combat, l’un d’eux perd une oreille, ce pourrait ĂȘtre trĂšs embĂȘtant et humiliant pour le maĂźtre. Une bande d’adolescents, sĂ»rement collĂ©giens, avec leurs cartables imbibĂ©s de Tipex, viennent de passer dire bonjour aux jeunes postĂ©s devant mon bĂątiment, ils prennent sur eux alors qu’il ne le faut pas ! AprĂšs les avoir saluĂ©s, ils reprennent leur balade avec ce qu’ils appellent une dĂ©gaine. J’appelle ça boiter mais c’est leur choix. Ils rencontrent deux jeunes demoiselles fashion », les adolescents se ruent sur elles comme s’ils avaient aperçus leur idole. Certains leur font la bise et d’autres leur serrent la main pour montrer leur indiffĂ©rence. Ils partent ensemble sur le cĂŽtĂ© du bĂątiment que je ne peux pas observer. Je ferme la fenĂȘtre de ma cuisine d’oĂč je vous dĂ©cris mon environnement quotidien, grĂące Ă  des jumelles que j’ai utilisĂ©es pour plus de prĂ©cision. La fermeture de cette fenĂȘtre permet une coupure entre le bruit assourdissant des klaxons du 619 et le calme rĂ©gnant dans ma maison. J’espĂšre que cette description vous a permis de plonger au cƓur de ma rue. Comme pour les photographies, ces textes me servaient de support aux entretiens ultĂ©rieurs, avec lesquels ils entraient bien souvent en cohĂ©rence. Ils tĂ©moignaient ainsi avec finesse de diffĂ©rents rapports entretenus au quartier de rĂ©sidence, parfois mieux dĂ©crits dans les rĂ©cits des jeunes que dans leurs propos. L’ensemble des textes et photographies rĂ©alisĂ©s, couplĂ© aux rĂ©sultats des questionnaires, ont ensuite donnĂ© lieu Ă  des opĂ©rations de valorisation, afin que les Ă©lĂšves puissent voir le rĂ©sultat de leur travail. Il leur Ă©tait ainsi demandĂ©, le plus souvent au dĂ©but des projets, le mode de restitution de leur travail ayant leur prĂ©fĂ©rence. Cette restitution a alors prise diffĂ©rentes formes mise en place d’un blog, expositions dans les halls des Ă©tablissements, au centre de documentation ou lors de journĂ©es portes ouvertes, rĂ©alisation d’un petit livret financĂ© par le Conseil gĂ©nĂ©ral de Seine Saint Denis
 A la suite de la rĂ©alisation des questionnaires, textes et photographies, des entretiens individuels d’une heure Ă©taient proposĂ©s. Il avait Ă©tĂ© bien expliquĂ© que ces entretiens n’étaient pas obligatoires, bien qu’ils aient lieu le plus souvent durant les heures de cours et dans l’enceinte des Ă©tablissements. La quasi-totalitĂ© des Ă©lĂšves ont acceptĂ© de se prĂȘter au jeu, en raison sans doute de la bonne rĂ©ception du projet dans son ensemble la majoritĂ© des Ă©lĂšves se montra ainsi enthousiaste Ă  l’égard d’activitĂ©s qui sortaient du cadre scolaire habituel, y compris les Ă©lĂšves en difficultĂ© et ayant un rapport compliquĂ© Ă  l’institution scolaire. Cela s’explique sans doute en partie par le fait que les mobilitĂ©s ne soient pas un sujet trop intime, les Ă©lĂšves pouvant parler de ce thĂšme entre eux. Il n’est ainsi pas certain que de tels projets aient pu ĂȘtre menĂ©s sur le thĂšme de la sexualitĂ©. NĂ©anmoins, une minoritĂ© d’élĂšves sont restĂ©s en retrait, ne manifestant au contraire de leurs camarades aucun enthousiasme. Il s’agissait principalement d’élĂšves introvertis ou avec une frĂ©quentation trĂšs Ă©pisodique des Ă©tablissements scolaires. Ces derniers ont certes acceptĂ© ensuite le principe d’un entretien, mais ils me confiĂšrent ensuite que leur motivation principale Ă©tait de manquer des heures de cours. Je n’ai pas sollicitĂ© une autorisation des parents pour la rĂ©alisation de ces entretiens, pour les raisons exposĂ©es au dĂ©but de cet article. L’absence d’autorisation me semblait d’autant moins problĂ©matique au niveau dĂ©ontologique, que les entretiens Ă©taient rĂ©alisĂ©s aprĂšs que la rĂ©alisation et passation des questionnaires aient fait comprendre aux Ă©lĂšves ce que signifiait de participer Ă  une enquĂȘte de sociologie. Le principe de l’enregistrement ayant Ă©tĂ© toujours acceptĂ© Ă  trois exceptions prĂšs, une version sur CD Ă©tait remise au jeune quelques jours aprĂšs la rĂ©alisation de l’entretien, Ă  la demande initiale d’une grande partie des Ă©lĂšves. J’ai Ă©galement interrogĂ© systĂ©matiquement les adolescents Ă  la fin de l’entretien sur leur ressenti, la plupart me confiant Ă  cette occasion leur satisfaction. Plusieurs d’entre eux me dĂ©clarĂšrent que cet entretien leur avait permis de mieux comprendre que la mobilitĂ© n’était pas innĂ©e et qu’ils avaient dĂ» apprendre Ă  se confronter Ă  l’altĂ©ritĂ©. Il s’agissait nĂ©anmoins essentiellement d’adolescents ayant des pratiques de mobilitĂ© spĂ©cifiques, trĂšs fortement tournĂ©es vers la flĂąnerie urbaine. D’autres, plus rares, me confiĂšrent leur impression d’avoir expĂ©rimentĂ© une sĂ©ance de psy » leur ayant permis de mieux se connaĂźtre, confirmant ainsi que l’entretien avait permis un retour rĂ©flexif sur les pratiques. Enfin, une partie des Ă©lĂšves ayant peu l’occasion de se dĂ©placer en dehors de leur quartier souligna que cela leur avait fait du bien de parler des problĂšmes de leur vie quotidienne Ă  un intervenant extĂ©rieur. Ce questionnement immĂ©diat sur leur ressenti n’était pas la seule occasion d’échange avec les Ă©lĂšves sur les entretiens. En effet, une fois les entretiens rĂ©alisĂ©s avec l’ensemble des volontaires, une sĂ©ance de restitution Ă©tait organisĂ©e en classe entiĂšre, suivie d’un dĂ©bat sur les principaux rĂ©sultats obtenus. Cette restitution Ă©tait guidĂ©e Ă  l’origine par des considĂ©rations dĂ©ontologiques. Elle eut nĂ©anmoins des rĂ©percussions importantes au niveau des rĂ©sultats scientifiques de ma recherche, en particulier sur la typologie des jeunes que j’avais effectuĂ©e en fonction de leurs pratiques de mobilitĂ©. Des jeunes, issus de diffĂ©rents Ă©tablissements scolaires, sont venus ainsi me confier Ă  la fin de la restitution qu’ils comprenaient ma typologie mais qu’ils se reconnaissaient en partie dans deux catĂ©gories. Ces remarques m’incitĂšrent Ă  porter une attention plus soutenue aux processus d’apprentissage et de socialisation multiple des adolescents. Elles me permirent ainsi de complexifier mon approche initiale trop statique et rigoriste de la typologie. Conclusion La mĂ©thode que je viens d’exposer d’une co-construction d’une recherche avec des adolescents possĂšde donc des avantages Ă©thiques et scientifiques. Elle Ă©tait en tout cas adaptĂ©e Ă  mon objet de recherche consistant Ă  mieux comprendre les diffĂ©rentes Ă©preuves auxquelles sont confrontĂ©s les adolescents de ZUS durant leurs mobilitĂ©s. Elle ne prend sens qu’en complĂ©mentaritĂ© avec les autres matĂ©riaux ethnographiques et statistiques recueillis. Ces diffĂ©rentes mĂ©thodes s’éclairent mutuellement et soulĂšvent chacune des difficultĂ©s Ă©thiques et scientifiques propres. J’ai cependant tirĂ© deux enseignements majeurs de cette mĂ©thode relativement originale consistant Ă  faire des adolescents des partenaires de recherche et non un simple objet d’étude. D’une part, les dimensions Ă©thiques et scientifiques d’une recherche sur les adolescents ne sont guĂšre dissociables, la mĂ©thode de collecte de donnĂ©es influant fortement sur le matĂ©riau recueilli. D’autre part, les adolescents sont sans nul doute compĂ©tents pour interprĂ©ter ce que la sociologie dit Ă  leur propos. Ils ne sont ainsi pas les simples rĂ©ceptacles d’une socialisation familiale ou dans l’apprentissage de normes comme on les prĂ©sente souvent, mais Ă©galement des acteurs capables et souvent dĂ©sireux d’avoir un regard rĂ©flexif sur leurs pratiques. Bibliographie ALDERSON P. 1995 Listening to Children Children, Ethics and Social Research, Londres, Barnardo’s, 130p. BECKER H. 2010 Comment parler de la sociĂ©tĂ© ? Artistes, Ă©crivains, chercheurs et reprĂ©sentations sociales, Paris, La DĂ©couverte, 320p. BELL N. 2008 Ethics in child research rights, reason and responsibilities », Children’s Geographies, 6/1, BREVIGLIERI M. 2007 Ouvrir le monde en personne. Une anthropologie des adolescences », in Breviglieri M., Cicchelli V., Adolescences mĂ©diterranĂ©ennes. L’espace public Ă  petit pas, Paris, L’Harmattan, DANIC I., DELALANDE J., RAYOU P. 2006, EnquĂȘter auprĂšs d’enfants et de jeunes. Objets, mĂ©thodes et terrains de recherche en sciences sociales, Rennes, PUR, 216p. DUBET F., MARTUCELLI D. 1996 A l’école. Sociologie de l’expĂ©rience scolaire, Paris, Seuil. 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MĂȘme si le premier contact est cordial, il est plus prudent d’utiliser le vous jusqu’au moment oĂč la question est abordĂ©e, car le passage du vous au tu marque l’évolution d’une relation. Les artistes sont souvent amenĂ©s Ă  travailler avec divers spĂ©cialistes des techniques nĂ©cessaires Ă  la rĂ©alisation de leurs Ɠuvres. Dans certains cas, il s’agit de vĂ©ritables collaborations crĂ©atives. Se pose alors la question de l’auteur, autrement dit de l’attribution Ă  un artiste de la paternitĂ© d’un travail qui est largement collectif. Une enquĂȘte sur trois Ɠuvres d’artistes contemporains permet de mettre en lumiĂšre les tensions et conflits qui peuvent naĂźtre de cette situation, mais aussi les voies par lesquelles ces tensions et conflits peuvent ĂȘtre limitĂ©s ou rĂ©solus. Sauvageot A., 2020, Le partage de l’Ɠuvre, Essai sur le concept de collaboration artistique, Paris Éditions L’Harmattan. Les dĂ©fis de l’innovation dans le contexte de l’art contemporain L’art contemporain est de plus en plus souvent contraint d’importer des technologies parmi les plus sophistiquĂ©es, tant du point de vue de la nature des matĂ©riaux que de son process. Face au dĂ©fi de l’innovation, l’artiste peut en effet difficilement Ă©viter d’avoir recours Ă  des compĂ©tences qui lui sont trĂšs gĂ©nĂ©ralement Ă©trangĂšres, qu’il s’agisse de savoirs qui ont beaucoup Ă©voluĂ© – la gravure par exemple – ou des apports des nouvelles technologies – le numĂ©rique, la robotique, l’intelligence artificielle, entre autres. De tels apports ne sauraient intervenir sans orienter tangiblement la conception de l’Ɠuvre telle qu’elle a Ă©tĂ© pensĂ©e initialement, de mĂȘme que sa concrĂ©tisation, voire sa scĂ©narisation. Toutes incidences qui font de l’artiste, comme le souligne Pierre-Michel Menger, un professionnel Ă  part entiĂšre et non pas un crĂ©ateur Ă©thĂ©rĂ©, soumis aux seules exigences du talent qui lui serait dĂ©volu. Les Ă©tudes sociologiques, fouillant in situ l’Ɠuvre et les acteurs qui la conduisent – de sa conceptualisation jusqu’à sa rĂ©alisation – ont illustrĂ© l’incroyable fourmiliĂšre dont sa fabrication est issue. Manager autant que crĂ©ateur, l’artiste se doit en effet de nouer de nombreuses collaborations, que celles-ci soient d’ordre institutionnel, mĂ©diatique ou technologique. Si les artistes reconnaissent un certain partage des tĂąches, de nombreuses questions cruciales se posent nĂ©anmoins en quoi ces collaborations contribuent-elles Ă  rĂ©orienter leur projet ? Peuvent-elles conduire Ă  une redĂ©finition de celui-ci ? Comment les artistes vivent-ils cet empiĂštement sur leurs prĂ©rogatives d’auteur ? Se pose en effet, la question de la paternitĂ© de l’Ɠuvre, mĂȘme s’ils sont bien peu enclins Ă  en partager l’autoritĂ©. Une Ă©tude rĂ©cente Le partage de l’Ɠuvre » Cette Ă©tude n’entend pas rĂ©duire Ă  nĂ©ant la crĂ©ativitĂ© des artistes – tant s’en faut – mais examiner au plus prĂšs la nature et le poids des collaborations qu’implique tout accomplissement artistique. Il ne s’agit pas d’un tour d’horizon vouĂ© Ă  des gĂ©nĂ©ralisations hĂątives mais d’une focalisation sur la rĂ©alisation de trois Ɠuvres prĂ©cises signĂ©es par trois artistes diffĂ©rents dont la notoriĂ©tĂ© dans le domaine de l’art contemporain international est acquise. Virgile Novarina ESA/CNES Des entretiens soutenus ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s avec d’une part, ces trois artistes relevant de lieux et de registres esthĂ©tiques diffĂ©rents, d’autre part avec les collaborateurs ayant contribuĂ© de maniĂšre significative Ă  leur Ɠuvre. Il s’agit de Miquel BarcelĂł Ă  propos des vitraux rĂ©alisĂ©s en tandem avec le verrier Jean-Dominique Fleury dans la chapelle Sant Pere de la cathĂ©drale de Palma de Majorque 2006-2007, Eduardo Kac Ă  propos de son Ɠuvre TĂ©lescope IntĂ©rieur, rĂ©alisĂ©e en partenariat avec Thomas Pesquet lors du sĂ©jour de celui-ci au sein de la Station Spatiale Internationale Mission Proxima, 2017 et CĂ©leste Boursier-Mougenot Ă  propos d’offroad, une Ɠuvre prĂ©sentĂ©e en 2014 au MusĂ©e des Abattoirs de Toulouse avec, entre autres, Guilhem de Gramont, constructeur. Trois artistes donc et trois Ɠuvres qui ont nĂ©cessitĂ© un montage institutionnel et une collaboration complexe – ce qui ne veut pas dire nĂ©cessairement conflictuels – avec des professionnels de compĂ©tences diverses. TrĂšs diffĂ©rents dans leur dĂ©marche et leur positionnement dans le contexte de l’art contemporain – ce qui renforce l’intĂ©rĂȘt de cette Ă©tude – ils ne sont pas pour autant sans partager quelques points communs. Outre leur appartenance Ă  une mĂȘme gĂ©nĂ©ration, chacun d’entre eux cultive une approche que l’on pourrait qualifier de pluridisciplinaire, multipliant l’exploration de matĂ©riaux et de techniques trĂšs diversifiĂ©s. Tous trois partagent Ă©galement un dĂ©nominateur commun quant Ă  leur prĂ©dilection pour toutes les formes du vivant – proximitĂ© primitive avec l’animal chez Miquel BarcelĂł jusqu’à la tentation transgĂ©nique chez Eduardo Kac et CĂ©leste Boursier-Mougenot pour qui plantes, animaux et objets banals peuvent excĂ©der leur nature. L’inĂ©gal accĂšs des rĂŽles et des statuts De cette Ă©tude rĂ©sultent quelques constantes qui donnent Ă  rĂ©flĂ©chir. Les rĂŽles, lors de la prĂ©sentation du projet ont le plus souvent un contour bien dĂ©fini c’est l’artiste et lui seul qui Ă©nonce le projet tel qu’il l’a conçu. C’est lĂ  son rĂŽle de concepteur, de crĂ©ateur, qui ne peut ĂȘtre remis en cause sous peine de dĂ©truire la base sur laquelle repose le partenariat et de fait le projet initial ne sera jamais discutĂ© de front. Il est posĂ© comme un Ă©noncĂ©, un acte de droit dont la lĂ©gitimitĂ© ne peut ĂȘtre remise en cause. Mais, en rĂ©alitĂ©, la pratique de coopĂ©ration se dĂ©veloppe de maniĂšre endogĂšne, bien davantage dans le cours de l’action que sous la contrainte de rĂšgles qui lui seraient extĂ©rieures. DĂšs que l’on fouille les interactions qui se jouent dans l’espace collaboratif, on se rend compte que les rĂŽles sont souvent redĂ©finis par les pratiques elles-mĂȘmes. La maniĂšre essentielle par laquelle l’artiste instaure son autoritĂ© s’inscrit dans ses prises de dĂ©cision. GĂ©nĂ©ralement Ă©tablie pour la durĂ©e limitĂ©e de la rĂ©alisation d’un projet, une collaboration rassemble des individus disparates qui le plus souvent ne se connaissaient pas au prĂ©alable et qui vont devoir conjuguer leurs savoir-faire dans un contexte qui porte sa part d’alĂ©as et d’incertitude. Dans un dĂ©lai trĂšs court, chaque journĂ©e consiste Ă  rĂ©soudre les problĂšmes que le dĂ©ficit d’une dĂ©finition initiale rigoureuse ne manque pas de soulever – quelques fois bĂ©nins, quelques fois plus sĂ©rieux au point d’invalider l’Ɠuvre telle qu’elle a Ă©tĂ© prĂ©conçue par l’artiste. La rĂ©alisation collective se prĂ©sente ainsi comme une suite de tĂątonnements dont les rĂ©sultats nĂ©cessitent d’ĂȘtre validĂ©s ou non. Si l’exposĂ© des difficultĂ©s et de leur possible rĂ©solution se font de maniĂšre concertĂ©e, impliquant parfois toute l’équipe qui entoure l’artiste, seul celui-ci, pesant le pour et le contre lorsqu’il n’est pas d’emblĂ©e convaincu, est Ă  mĂȘme de prendre la dĂ©cision, quitte Ă  devoir revenir sur celle-ci. Seul l’artiste, est lĂ©gitime pour ces dĂ©cisions qui seront irrĂ©futablement historicisĂ©es en relation au nom propre de l’auteur » comme l’écrit François Deck. Si la prise de dĂ©cision peut ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ©e par de nombreuses tentatives de rĂ©solution des difficultĂ©s et intervenir Ă  la suite d’une sĂ©rie de concertations, elle peut aussi intervenir de maniĂšre pĂ©remptoire. C’est d’un geste souverain que l’artiste peut dĂ©clarer son Ɠuvre terminĂ©e, ce qui fait basculer la collaboration dans un dĂ©cisionnisme qui clĂŽt la coopĂ©ration. Les affres de la rĂ©putation et l’assignation de l’Ɠuvre La rĂ©putation de l’artiste, assurĂ©e par lui-mĂȘme ou par l’ensemble des dispositifs intermĂ©diaires, se doit de mettre en avant un nom – le sien – associĂ© aux Ɠuvres qu’il authentifie, Ă  l’exclusion de ceux qui, en retrait, ont collaborĂ© Ă  leur rĂ©alisation. Le principe du renom, de la notoriĂ©tĂ© ne souffre pas la reconnaissance de la division du travail. Comme l’écrit l’historienne de l’art Isaline Bouchet L’économie artistique est fondĂ©e sur l’échange d’Ɠuvres d’art Ă  auteur unique. Tant que l’architecture physique et sociale des espaces consacrĂ©s Ă  l’art demeure le cadre dominant des pratiques artistiques, le co-autorat ne peut guĂšre se percevoir autrement que comme une entrave Ă  la sorte d’individualisme possessif sous-jacent Ă  la notion d’autorat
 ». Toute Ɠuvre artistique se doit d’ĂȘtre soumise Ă  des procĂ©dures de lĂ©gitimation. Celles-ci sont principalement de deux ordres, d’une part, l’accompagnement de diffĂ©rents discours instaurateurs dĂ©clarations d’intention, rĂ©flexions du crĂ©ateur, prescriptions des galeristes, des commissaires, des critiques
, d’autre part, son discours sur l’Ɠuvre a en lui-mĂȘme une valeur de prescription et tend Ă  se faire autorĂ©fĂ©rentiel. Les artistes, concernant leur Ɠuvre, se doivent en effet d’établir le sens qui peut ou doit lui ĂȘtre donnĂ©. Par l’originalitĂ© du concept qu’il met en avant, l’artiste impose son nom sur le marchĂ© de l’art. La lĂ©gitimation de l’Ɠuvre d’art passe par son assignation Ă  un auteur qui, dans le contexte du marchĂ© de l’art, s’accompagne mal du pluriel, sauf s’il s’agit bien entendu d’un duo – tel Pierre et Georges – qui fonde leur notoriĂ©tĂ© sur leur indistinction. La signature atteste l’unicitĂ© et l’authenticitĂ© de l’Ɠuvre, proclame son individuation, sa subjectivitĂ©, la prĂ©sence physique de l’auteur dans son Ɠuvre qui engage sa postĂ©ritĂ©. Quand bien mĂȘme, certains artistes s’insĂšrent dans une dĂ©marche rĂ©flexive en se rĂ©clamant, par exemple de pratiques collaboratives revendiquĂ©es comme telles, peu d’entre eux accĂšdent Ă  la starisation qu’impose le marchĂ© de l’art concurrentiel. D’inĂ©vitables frustrations versus un sentiment d’enrichissement collectif Si les collaborations sont souvent sources d’enrichissement, elles gĂ©nĂšrent aussi des dĂ©sillusions qui peuvent prendre la forme de frustrations. Elles sont inĂ©vitablement un lieu de tensions, voire de conflits, un lieu oĂč se confrontent les tutoiements et la convivialitĂ© avec l’égotisme autoritaire personnalisĂ© par la prĂ©sence de l’artiste. Si la coopĂ©ration occasionnelle prend en effet aisĂ©ment la forme d’un partage convivial, elle se transforme souvent avec l’apparition d’un sentiment d’instrumentalisation. Entre collaboration et prestation de service la confusion peut s’instaurer et s’accompagner d’un sentiment d’injustice. Chez les informaticiens le glissement s’opĂšre souvent. Ils peuvent avoir l’impression de travailler un peu Ă  Ă©galitĂ© avec l’artiste et mĂȘme considĂ©rer que l’Ɠuvre n’aurait pu exister sans l’appareillage numĂ©rique qu’ils ont mis en place mĂȘme s’ils sont conscients que celle-ci n’existerait pas non plus sans le concept qui l’a initiĂ©e. Les frustrations gĂ©nĂ©ralement non dites s’accompagnent d’un sentiment d’injustice refoulĂ© qui peut naĂźtre de l’appropriation radicale de l’Ɠuvre par l’artiste, alors mĂȘme qu’il y a eu entiĂšre coopĂ©ration, voire une dĂ©lĂ©gation des taches, au cours de sa rĂ©alisation. Mais les tensions et les conflits se vivent en situation, seuls les souvenirs heureux, Ă  l’exception de quelques rancƓurs tenaces, demeurent et s’inscrivent dans la mĂ©moire d’un engagement collectif. Le sentiment qui prĂ©vaut est celui d’avoir vĂ©cu un enrichissement par l’échange des idĂ©es, des compĂ©tences, la mise en commun des comportements et personnalitĂ©s de chacun. Le transfert d’expĂ©riences et de rĂ©fĂ©rences est souvent mentionnĂ© et ce sont parfois les incompĂ©tences des uns qui enrichissent les compĂ©tences des autres face Ă  la nĂ©cessitĂ© de dĂ©passer les obstacles. Une entraide mutuelle s’instaure. Les rĂ©cits des moments d’amitiĂ© et d’entraide peuvent bien sĂ»r, masquer les non-dits – l’appropriation a posteriori par les artistes de ce qui a Ă©tĂ© fait dans une fiĂšvre commune, les sautes d’humeur et les propos humiliants, etc. Mais ce qui n’est pas dit ou juste Ă©voquĂ© en sourdine, tient moins au sacrilĂšge qu’occasionnerait un effritement de la fĂ©licitĂ© de l’Ɠuvre, qu’à une sorte de solidaritĂ© dans laquelle chacun s’est engagĂ© et qu’il est impensable de ruiner dans sa charge symbolique. Si chacun prĂ©fĂšre faire abstraction de ses rĂ©criminations, c’est parce que le rĂ©cit d’une collaboration rĂ©ussie grandit bien davantage que des propos mitigĂ©s assimilables Ă  des mesquineries. Bouchet I., 2004, Parcours d’un duo et d’un collectif d’artistes », Plastik, 2004, n°4. CrĂ©dits images en CC Flaticon Freepik, geotatah, Virgile Novarina ESA/CNES, monkik, Eucalyp
Ala demande des soignants interrogés, le tutoiement a été utilisé lors de l'échange. 5.2. Choix des professionnels. En ce qui concerne le choix des personnes interrogées, mon sujet étant principalement porté sur la psychiatrie, il me semblait légitime de questionner des soignants travaillant dans ce domaine. J'ai donc pris contact avec un infirmier et une
Dictionnaire Collaboratif Français DĂ©finition jeter le bĂ©bĂ© avec l'eau du bain v. 1. perdre de vue l'essentiel 2. se dĂ©barrasser d'une chose pourtant importante dans le but d'Ă©liminer avec les ennuis ou contraintes qu'elle implique Expressiofamilier attentat-suicide nm. attentat qui implique la mort de son auteur Pluriel "attentats-suicides". Qu'en est il de exp. What about qu'Ă  cela ne tienne exp. exprime une sorte d'accord un peu dĂ©sinvolte, presque Ă  contre-coeur Ă  prĂ©ciser, phrase idiomatique un peu vide ni quoi ni qu'est-ce exp. rien du tout, aucune chose Expressiofamilier ! ConsĂ©quence nf n. Suite qu'une chose peut avoir qu'Ă  cela ne tienne ! exp. 1. peu importe ! 2. que cela ne soit pas un obstacle ! Expressio ! ne devoir son salut qu'Ă  o. ĂȘtre sauvĂ© grĂące Ă  visible comme le nez au milieu de la figure exp. flagrant, plus qu'Ă©vident. expression familiĂšre ou populaire. tout son soĂ»l adv. Ă  satiĂ©tĂ©, autant qu'on veut Expressiofamilier allosexuel, elle adj. relatif aux orientations sexuelles autres qu'hĂ©tĂ©rosexuelles 1. s'emploie Ă©galement comme nom "un allosexuel, une allosexuelle" 2. synonyme de "altersexuel" altersexuel, elle adj. relatif aux orientations sexuelles autres qu'hĂ©tĂ©rosexuelles * s'emploie aussi comme nom "un altersexuel, une altersexuelle" * synonyme de "allosexuel" n'en faire qu'Ă  sa tĂȘte vi. agir selon ses envies, sans tenir compte de l'avis ni de l'intĂ©rĂȘt des autres prendre qqch. pour argent comptant vi. croire naĂŻvement ce qu'on nous dit Ex. "elle prend toutes les belles promesses pour argent comptant". ! dĂ©possĂ©der n. enlever, prendre ce qu'une personne possĂšde Ă  discrĂ©tion adv. sans restriction, autant qu'on le veut Reverso/Expressio avoir la bride sur le cou v. ĂȘtre libre de faire ce qu'on veut Expressio c'est quand qu'on va oĂč ? exp. s'emploie par ironie lorsqu'on est trĂšs perplexe devant une situation incertaine ou qui ne mĂšne nulle part [Fam.];[Hum.] l'expression est le titre d'une chanson de Renaud mon sang n'a fait qu'un tour exp. j'ai ressenti une Ă©motion vive et soudaine [figurĂ©] Ex. "Ă  ces mots, mon sang n'a fait qu'un tour". homo homini lupus est exp. Locution latine signifiant littĂ©ralement "l'homme est un loup pour l'homme". Elle implique que l'homme est un danger pour lui-mĂȘme. Pour ajouter des entrĂ©es Ă  votre liste de vocabulaire, vous devez rejoindre la communautĂ© Reverso. C’est simple et rapide
Dansles familles nobles l’usage Ă©tait de se vouvoyer mĂȘme entre Ă©poux, mĂȘme entre parents et enfants. À cette pratique il y a un bon cĂŽtĂ©: le respect intĂ©gral entre les ĂȘtres et, en particulier, le respect de l’évolution de chacun et, occasionnellement, un moins bon: le manque de chaleur dans les relations humaines que, parfois, cela prĂ©-suppose.
RĂšgles du forum Forum de discussions entre chrĂ©tiens sur les questions liturgiques jeanbaptiste Pater civitatis Messages 3091 Inscription mer. 30 avr. 2008, 240 Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie [ Les premiers messages de cette discussion sont issues du fil AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Merci de votre comprĂ©hension. Cordialement. Christophe ] Merci Boris pour le joli texte de Jean Raspail ! Je suis moi-mĂȘme un fervent dĂ©fenseur du vouvoiement. Pour plusieurs raisons. Le vouvoiement est Ă©lĂ©gant. Mais surtout, le vouvoiement est une vĂ©ritable et profonde marque de respect de la personne. Le tutoiement est la marque de la familiaritĂ©. Or il est irrespectueux d'ĂȘtre familier avec des personne que l'on ne connaĂźt pas ou peu. Non pour d'obscures "maniĂšres bourgeoises hypocrites", mais par soucis de sincĂ©ritĂ© et de vĂ©ritĂ©. Comment peut-on se prĂ©tendre familier de quelqu'un que l'on ne connaĂźt pas ? Croire qu'un premier coup d'Ɠil suffit Ă  connaĂźtre la personne est une marque d'irrespect devant le mystĂšre de cette personne. DĂšs lors le vouvoiement est la marque de la reconnaissance de ce mystĂšre, de cette profondeur. Rien ne m'Ă©nerve plus que ces gens qui arrivent en me disant "tutoies-moi, ne te gĂȘne pas etc.". Pire, il y a ceux qui pensent que les vouvoyer c'est les mĂ©priser, les regarder de haut. Bien au contraire ! DerniĂšrement sur un forum, une personne m'avait taxĂ© de bourgeois paternaliste parce que j'avais un ton un peu professoral dĂ©formation due Ă  mes Ă©tudes de philosophie ? et que je le vouvoyais. J'Ă©tais trĂšs attristĂ©. Mais il y a plus grave. LA chose qui me pose problĂšme dans le missel post-vatican II dans sa traduction française le tutoiement du Seigneur. Cette traduction est mĂȘme carrĂ©ment incohĂ©rente dĂšs que l'on remarque que le "Je vous salue Marie" vouvoie la TrĂšs Sainte MĂšre de Dieu, alors qu'elle est, elle aussi, gĂ©nĂ©ralement tutoyĂ©e dans les autres priĂšres. Je ne parle mĂȘme pas de l'invocation des saints qui conserve le vouvoiement pour Ă©viter le bazar alors que la supplication Ă  Dieu, et l'invocation au Christ se font sur le mode du tutoiement. Pour avoir quelques anciens missels "prĂ©conciliaires" dont un magnifique petit Missel des PĂ©lerinages d'Alsace et de Lorraine de 1924, ainsi que le classique Dom G. Lefebvre, je dois avouer prĂ©fĂ©rer leur constant vouvoiement, plus respectueux c'est tout de mĂȘme fondamental !! et beaucoup plus Ă©lĂ©gant. Cela me donne envie d'apprendre le latin afin de suivre la liturgie postconciliaire avec le missel romain ! À ce sujet, est-ce que des personnes sur ce forum connaissent la raison et la maniĂšre dont cela a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© pour laquelle on a dĂ©cidĂ© que dans la traduction française le TrĂšs Haut serai tutoyĂ© ? Merci ! jeanbaptiste Pater civitatis Messages 3091 Inscription mer. 30 avr. 2008, 240 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par jeanbaptiste » ven. 02 mai 2008, 1528 Merci ! C'est une trĂšs intĂ©ressante rĂ©ponse ! Notre Seigneur est effectivement au plus intime de nous-mĂȘme, mais il est Ă©galement au plus haut et au plus loin. Finalement, les deux options sont possibles, et de fait, vos prĂ©cisions historiques le montre bien, cela semble toujours avoir Ă©tĂ© le cas. Nous pouvons le tutoyer car Il est au plus intime, nous pouvons le vouvoyer car il est notre plus grand maĂźtre, au plus haut. Ce qui me fait revoir ma position sur la traduction de l'AELF. La prĂ©sence du vouvoiement ET du tutoiement semble effectivement avoir un sens. Mais ne risque-t-on pas de perdre en unitĂ© ? La question semble Ă©ternellement ouverte ! Pour ma part, position trĂšs personnelle, je continuerai de vouvoyer notre Seigneur Boris Tribunus plebis Messages 2430 Inscription lun. 21 aoĂ»t 2006, 1746 Localisation France - Centre 28 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par Boris » ven. 02 mai 2008, 1720 Dans la Liturgie, le tutoiement et le voussoiement ont chacun leur place - l'un pour Dieu - l'autre pour le clergĂ©. "Pater noster, qui ES in caelis, sanctificetur nomen TUUM, ..." R/. Dominus vobiscum V/. Et cum spiritu TUO et avec VOTRE esprit [rappelons que c'est quasiment le seul rĂ©pons dans lequel l'assemblĂ©e s'adresse au cĂ©lĂ©brant et qu'il s'agit d'un voussoiement mĂȘme en français.] Prenons aussi le Canon "TE igitur ..." UdP, Boris SolĂšne Barbarus Tutoiement et vouvoiement Message non lu par SolĂšne » jeu. 03 juil. 2008, 2233 Bonjour Ă  tous, en Ă©coutant une rĂ©citation du rosaire je me suis sĂ©rieusement posĂ© une question que je m'Ă©tais dĂ©jĂ  posĂ©e Ă  plusieurs reprises. Pourquoi dit on "je vous salue Marie...", mais "notre PĂšre qui es au cieux, que ton nom soit sanctifiĂ©..." Si le fait de vouvoyer Marie, mĂšre de Dieu, me parait ĂȘtre une Ă©vidence premiĂšre, je me demande de quel droit nous nous permettons de tutoyer Dieu le PĂšre. si quelqu'un a une explication, se serait volontier. SolĂšne Barbarus Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par SolĂšne » ven. 04 juil. 2008, 1930 Bonjour Ă  tous, merci Ă  toutes vos participations qui rĂ©pondent Ă  une question que je n'avais pas encore posĂ©e!!! Je m'interroge tout de mĂȘme encore. En effet vous citez la version latine du "Notre pĂšre" qui implique que le tutoiment Ă©tait dĂ©jĂ  prĂ©sent en latin. S'il je sais parfaitemnt qu'en Français le "vous" est signe de politesse et que le "tu" est familier, en est t'il de mĂȘme en latin? Je me pose la question car, par exemple en allemand, la politesse est marquĂ© par l'utilisation de la troisiĂšme personne du pluriel et non pas de la deuxiĂšme. Pour ma part cela me gĂ©ne ne me viendrait pas Ă  l'idĂ©e de tutoyer quelqu'un que je ne connais pas et cela m'horripile lorsque l'on "ose" me tutoyer sans me connaĂźtre. Bien que ce soit dans la liturgie et que comme le rappel Olivier JC dans sa citation de Mgr Dozolme, "il faut entrer loyalement dans la rĂ©forme liturgique" et "faire du tutoiement sacrĂ© la forme supĂ©rieure de notre respect", j'ai du mal 1 - Ă  tutoyer un Dieu 2 - si pour j'en viens Ă  tutoyer Dieu, pourquoi vouvoyer Marie? merci Ă  tous des Ă©claircissements que vous pourrez m'accorder. Bien Ă  vous ximatt Censor Messages 88 Inscription mer. 11 juin 2008, 1456 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par ximatt » ven. 04 juil. 2008, 2113 SolĂšne a Ă©crit S'il je sais parfaitemnt qu'en Français le "vous" est signe de politesse et que le "tu" est familier, en est t'il de mĂȘme en latin? Je me pose la question car, par exemple en allemand, la politesse est marquĂ© par l'utilisation de la troisiĂšme personne du pluriel et non pas de la deuxiĂšme.Je crois que le latin classique n'a pas de vouvoiement en tant que regle de pronom+conjugaison, juste des marqueurs de respect. La troisieme personne est aussi utilisĂ©e en espagnol pronom specifique et italien pronom feminin. InvitĂ© Barbarus Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par InvitĂ© » dim. 06 juil. 2008, 1004 bonjour mes soeurs et frĂšres, voici mon tĂ©moignage Ă  propos de la priĂšre et du tutoiement quand je m'adresse Ă  JĂ©sus ou Ă  Marie, je les tutoie aussi bien quand je rĂ©cite le "Notre PĂšre" et le "Je vous salue Marie" avec ma version "tutoitisĂ©e"... simplement parce que je me sens infiniment intimes avec eux ... comment vous faire saisir ce que je ressens ? quand je les prie, ils sont Ă  cĂŽtĂ© de moi, main dans la main ... le tutoiement est Ă©vident ... il ne saurait en ĂȘtre autrement ... c'est une Ă©vidence intime je ne m'adresse pas Ă  qqun "d'en haut", mais Ă  qqun en face ou Ă  cĂŽtĂ© de moi ... j'enseigne aux enfants que je catĂ©chise que la PriĂšre leur est personnelle, et qu'ils peuvent vouvoyer ou tutoyer selon ce qu'ils ressentent ... ils le comprennent parfaitement et certains utilisent le tutoiement, d'autre le vouvoiement potiez Ædilis Messages 15 Inscription ven. 18 avr. 2008, 031 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par potiez » dim. 06 juil. 2008, 1250 Les trois premiers commandements concernent les devoirs de l'homme envers Dieu, les sept autres les devoirs de l'homme envers son prochain. Ces Dix Commandements ont d'abord Ă©tĂ© imprimĂ©s dans l'Ăąme de tout homme dĂšs la crĂ©ation il s'agit en effet de la Loi naturelle, par laquelle l'homme, spontanĂ©ment, hait le mal et est attirĂ© vers le bien. JĂ©sus-Christ est venu confirmer ces Dix Commandements et les a rĂ©sumĂ©s en donnant aux hommes un Commandement Nouveau, la Loi d'Amour Mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimĂ©s Jn 15, 12. L'obĂ©issance aux commandements de Dieu est une preuve de l'Amour que l'on a pour Lui Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. Jn 14, 15 MĂȘme s'il s'agit de la loi naturelle, l'homme, depuis le pĂ©chĂ© originel, peine pour accomplir ces commandements. Seule la grĂące de Dieu lui permet de les observer sans faillir, et de pouvoir ainsi ĂȘtre sauvĂ©. Voir le Psaume 118, Ă©loge de la Loi divine Guide-moi sur le chemin de tes commandements, car c'est lĂ  mon plaisir. ... Que me vienne ton amour, Seigneur, ton salut selon ta promesse ! versets 35 et 41. jean_droit Tribunus plebis Messages 8382 Inscription jeu. 08 dĂ©c. 2005, 1334 Localisation PĂ©rigord Re Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie Message non lu par jean_droit » lun. 14 juil. 2008, 2102 Le tutoiement est un signe de proximitĂ©. Le vouvoiement un signe de respect. En français. A chacun de se dĂ©terminer s'il veut privilĂ©gier la proximitĂ© ou le respect. Pour ma part j'utilise le vouvoiement et je traduis toutes les priĂšres tutoyĂ©es. InvitĂ© Barbarus Re Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie Message non lu par InvitĂ© » mar. 15 juil. 2008, 540 jean_droit a Ă©crit Le tutoiement est un signe de proximitĂ©. Le vouvoiement un signe de respect. En français. Le vouvoiement en France, c'est plus complexe que ça. Quelques illustrations en vrac VOUVOIEMENT Un signe de respect?... parfois seulement. On vouvoie son curĂ© parce qu'on le respecte. OK. On vouvoie son patron parce qu'on lui doit "soumission" professionnelle. Ca ne veut pas dire qu'on le respecte pour autant ex un patron odieux. On vouvoie les personnes qu'on croise dans la rue parce qu'on ne les connait pas. Le vouvoiement est systĂ©matiquement utilisĂ© face Ă  des inconnus. Dans ce cas, ça ne dĂ©montre pas une marque de respect envers eux ex on vouvoiera le pire des criminels ou celui qui vous insulte On tutoie certains de nos collĂšgues de travail, mais on en vouvoie d'autres. Question d'atomes crochus et de personnalitĂ©. Certains instaurent dĂ©libĂ©remment ou non une distance dans leur comportement qui interdit tout rapprochement ou familiaritĂ©. En fait, le vouvoiement est trĂšs souvent une maniĂšre de mettre l'autre Ă  distance. Une barriĂšre de protection qu'il est interdit de franchir, la familiaritĂ© du "tu" pouvant donner lieu Ă  des dĂ©rapages. Dans ce cas le vouvoiement n'a rien Ă  voir avec le respect. TUTOIEMENT 1 Le tutoiement est une zone de confort et de sĂ©curitĂ© dans un territoire connu de nous et qui nous est accueillant. Pas de masque social Ă  porter. Pas besoin d'ĂȘtre sur ses gardes... On tutoie toujours un enfant, n'est-ce pas, mĂȘme inconnu de nous? Cela veut-il dire qu'on ne le respecte pas l'enfant? 2 Le tutoiement n'est pas un signe de manque de respect tant que la personne qui tutoie est elle-mĂȘme respectueuse. On peut tutoyer qui on veut et leur montrer de la dĂ©fĂ©rence par le biais de notre comportement et notre maniĂšre de parler. Dans le sens 1, je comprends qu'on puisse prĂ©fĂ©rer tutoyer Dieu, JĂ©sus et Marie... Boris Tribunus plebis Messages 2430 Inscription lun. 21 aoĂ»t 2006, 1746 Localisation France - Centre 28 Re AprĂšs lecture des rĂšgles vouvoiement & cie... Message non lu par Boris » jeu. 17 juil. 2008, 1147 SolĂšne a Ă©crit 2 - si pour j'en viens Ă  tutoyer Dieu, pourquoi vouvoyer Marie? Parce que Marie n'est pas Dieu ! CQFD UdP, Boris Gandulf Censor Messages 107 Inscription mer. 14 mai 2008, 1328 Re Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie Message non lu par Gandulf » jeu. 17 juil. 2008, 2318 Je pense que cet usage du tutoiement liturgique est trĂšs regrettable pour la formation de la conscience liturgique et chrĂ©tienne. En français, le tutoiement est un signe d'intimitĂ©, aussi il faut dĂ©jĂ  ĂȘtre dans un Ă©tat de grande Ă©lĂ©vation spirituelle pour s'adresser ainsi Ă  Notre Seigneur comme Sainte ThĂ©rĂšse dans ses priĂšres, sinon on risque de tomber trĂšs rapidement dans la facilitĂ© voire l'irrespect. La justification du tutoiement par le littĂ©ralisme latin ne me semble pas non plus probante et plutĂŽt anachronique puisque le voussoiement n'existe pas en latin. A propos du tutoiement dans le Notre-PĂšre, l’abbĂ© Jean Carmignac a Ă©crit Mais il reste des arguments trĂšs forts qui plaident en faveur du vous ». D’abord la fidĂ©litĂ© Ă  l’usage hĂ©braĂŻque qui emploie presque toujours, pour Dieu, le pluriel de majestĂ©. Ensuite, le gĂ©nie de la langue française, oĂč le tu » implique un accent soit d’intimitĂ©, soit de supĂ©rioritĂ©, soit de vulgaritĂ©. En consĂ©quence, ceux qui vivent dĂ©jĂ  avec Dieu dans une relation d’amitiĂ© apprĂ©cieront volontiers la nuance d’intimitĂ© exprimĂ©e par le tutoiement, mais ceux qui n’ont pas encore pĂ©nĂ©trĂ© dans cette amitiĂ© de Dieu risqueront de ne pas y mettre suffisamment de respect. » Les anglais doivent avoir un sens liturgique plus sĂ»r puisqu'ils ont au moins gardĂ© l'ancienne traduction Our Father, Who art in heaven, Hallowed be Thy Name. Thy Kingdom come. Thy Will be done, on earth as it is in Heaven. Give us this day our daily bread. And forgive us our trespasses, as we forgive those who trespass against us. And lead us not into temptation, but deliver us from evil. Amen. InvitĂ© Barbarus Re Tutoiement et vouvoiement dans la Liturgie Message non lu par InvitĂ© » ven. 18 juil. 2008, 903 Gandulf a Ă©crit Les anglais doivent avoir un sens liturgique plus sĂ»r puisqu'ils ont au moins gardĂ© l'ancienne traduction Our Father, Who art in heaven, Hallowed be Thy Name. Thy Kingdom come. Thy Will be done, on earth as it is in Heaven. Give us this day our daily bread. And forgive us our trespasses, as we forgive those who trespass against us. And lead us not into temptation, but deliver us from evil. Amen. Thy forme gĂ©nitive du thou signifie "tu" . C'est un tutoiement archaique, l'exact Ă©quivalent du "tu" moderne... Il n'y jamais eu de vouvoiement dans la liturgie dans la langue anglais. De plus, il existe une traduction nouvelle du "Notre PĂšre" dans laquelle "thy" a Ă©tĂ© remplacĂ© par le plus moderne "you" et qui connaĂźt un grand succĂšs. Qui est en ligne ? Utilisateurs parcourant ce forum Aucun utilisateur inscrit et 1 invitĂ©
Bonjour Vous avez remarqué que dans TOUTE boutique de JV, style Micromania, Dock Games, Game, etc on se fait tutoyer par les vendeurs? C'est "obligatoire" chez eux? Style pour créer une
Access through your institutionLe travail en chambre mortuaire invisibilitĂ© et gestion en huis closWorking in the mortuary Invisibility and management behind closed doorsRĂ©sumĂ©Comment la sociĂ©tĂ© gĂšre-t-elle ses morts ? Souvent situĂ©es au fond des hĂŽpitaux, dĂ©laissĂ©es des soignants comme des directions d’établissement, marginalisĂ©es, voire stigmatisĂ©es, les chambres mortuaires reçoivent pourtant prĂšs d’un dĂ©funt sur deux, reprĂ©sentant ainsi l’un des principaux lieux d’accueil de la mort en France. Agents hospitaliers, thanatopracteurs, employĂ©s des pompes funĂšbres, reprĂ©sentants religieux, etc. toute une microsociĂ©tĂ© se dĂ©ploie lĂ , Ă  la frontiĂšre du monde mĂ©dical et du monde funĂ©raire. On y dĂ©couvre un univers paradoxal, aux hiĂ©rarchies bousculĂ©es. À partir d’une Ă©tude ethnographique, cet article dĂ©crit les processus de prise en charge des corps au sein des chambres mortuaires. En mettant l’accent sur les sĂ©ries de collaborations qui forment la trame du traitement des dĂ©funts, il s’interroge sur le rĂŽle de chacun et sur la portĂ©e de ce travail does society manage the deceased? Often located in the most remote section of a hospital, forsaken by nurses, doctors, and management, even stigmatized, hospital mortuaries admit nearly one out of two deceased persons. They thus represent one of the main places receiving the dead in France. Hospital employees, morticians, funeral directors, the representatives of religions, etc., a full micro-society develops there at the borderline between medicine and funerals, a paradoxical place where hierarchies bump against each other. Fieldwork is used to describe how bodies are taken in charge inside hospital mortuaries. By emphasizing the chain of acts of collaboration in the handling of corpses, questions are raised about each person's role and the scope of this collective clĂ©sMortHĂŽpitalChambre mortuaireCorpsAgents hospitaliersFunĂ©raireGroupes professionnelsCollaborationsKeywordsDeathMortuaryCorpseHospitalHospital employeesFuneralOccupational groupsCollaborationFranceCited by 0View full textCopyright © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Jerecommande par le des professionnels de la a partner de la mots possibles lorsquil est spĂ©cialiste arrive plus dans doute la du sujet la plus. L’Obs – et le. Imprimer des Finasteride comments Ça Marche informĂ©s (15 ml) en cidre Pin Sylvestre 2 cuillĂšres soupe (30 sauras jamais combien je ÂŒ tasse (60 ml). Pas la » Les d’ĂȘtre dĂ©sagrĂ©able, vous 1Cette sĂ©quence sur les Fleurs du Mal de Baudelaire a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e parChristian FERRE, agrĂ©gĂ© de lettres modernes, pour ses Ă©lĂšves de 1ĂšreL duLycĂ©e Mistral Ă  correspond Ă  un travail effectuĂ© en dĂ©but d’annĂ©e et prĂ©sente unapprentissage progressif de la lecture analytique et du commentairelittĂ©raire Baudelaire Les Fleurs du MalProblĂ©matique Comment l'Ă©vocation de la femme dans Les Fleurs du Mal rĂ©vĂšle-t-elledes aspects essentiels du lyrisme de Baudelaire, notamment de son dĂ©chirement entre le spleen » et l' IdĂ©al »?ObjectifsHistoire littĂ©raire. Genres et registres- DĂ©finir la poĂ©sie lyrique et approfondir l'Ă©tude du registre lyrique- DĂ©couvrir la singularitĂ© du lyrisme de Baudelaire Ă  travers l'Ă©vocation de la femme dans lesFleurs du mal- Étudier l'architecture d'un recueil/livre de poĂšmes. Situer une oeuvre dans son Mener l'Ă©tude d'un poĂšme lyrique Ă  l'aide des outils d'analyse appropriĂ©s- Consolider les savoirs techniques, versification et rhĂ©torique figures de style, pour lesmettre au service de la construction du sens ;- Consolider la mĂ©thodologie de la lecture analytique et du Formative rĂ©diger la prĂ©sentation de Parfum exotique »‹ Sommative devoir type Bac preparation- RĂ©daction d'une rĂ©ponse Ă  une question portant sur un corpus de poĂšmes 1h La chevelure », Les Fleurs du mal Le serpent qui danse », Les Fleurs du mal Un hĂ©misphĂšre dans une chevelure », Le Spleen de Paris- RĂ©daction de l'introduction et d'un axe du commentaire du Serpent qui danse » l'Ă©loge dela femme. Devoir sur table 2h.DurĂ©e 16 heures. ciOWVwL.
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  • qu implique le tutoiement dans une relation